Oh le coup de théâtre ! Moi qui avais longuement hésité à écrire pour The Strand Of Time à cause de sa pochette jaunie comme un vieux slip, me voilà bien puni. La peur de tomber sur un album de Metal progressif de deux heures et quart avec ses claviers Bontempi était d’abord motivé par le concept visuel de ce digipack. De la police d’écriture présente dans le booklet aux illustrations (mappemondes, boussoles, falaises, arbres morts, sabliers), tout ressemble à s’y méprendre à un bon vieux disque de Heavy progressif des années 80. Seulement voilà, PICTURED c’est du Death mélodique. Et je vous garantis que les premiers riffs d’« Another » font un sacré effet quand on s’attend à tout autre chose. Ces Bretons, partie intégrante du collectif Klonosphère en sont du coup à leur premier essai après une démo sortie en 2008 et un EP, The Dwelling, paru en 2010. Et je ne sais pas si c’est l’air de Quimper qui leur fait du bien, mais ces garçons ont de la suite dans les idées.

Malgré ça, The Strand Of Time triche un peu. A l’instar d’OFFENDING, PICTURED a réutilisé des vieux titres pour étoffer son premier album studio. Ainsi, « The Howling Forest » et « The Dwelling » auront des airs de déjà-entendu pour ceux qui avaient écouté l’EP The Dwelling de 2010. Ça représente quand même plus de 20% de la matière de ce disque. En ce qui concerne les 80% restants, c’est aussi du déjà-entendu, mais différemment. On sait tous à peu près de quoi le Death mélodique est fait. Avec PICTURED, pas de gros bouleversements en vue. Ce premier opus réutilise, non sans un certain succès, les préceptes appliqués par les MORS PRINCIPIUM EST, AT THE GATES et autres HYPOCRISY durant les premières années de leurs vies. Vous l’aurez compris, il y a un petit côté flashback dans ce disque. Très appliqué, très au point techniquement, il met en valeur des musiciens concentrés et volontaires. On appréciera tout particulièrement l’énorme intensité de ces quelques compositions, qui osent même des clins d’œil vicieux aux cadences épiques d’AMON AMARTH au cœur de « To Hell And Black ». Disposant d’une bête de batteur et d’une production explosive, PICTURED marque de nombreux points quand il s’agit de faire péter le son. Ce skeud bourdonne dans nos oreilles pendant trois gros quarts d’heure sans nous laisser le temps de nous en remettre. La faute également à Niko Beleg, un chanteur très en voix, bien que son timbre « Blackened » Death oriente parfois la musique de PICTURED dans des confins plus obscurs qu’un Mélodeath classique. Intensité, ok. Technique, ok. Créativité ? Pas ok. C’est surement le gros bouton plein de pus qui cassera le mythe du visage parfait. Aussi étrange que ça puisse paraître, mes deux compositions favorites sur ce disque sont « The Howling Forest » et « The Dwelling », soit les deux tirées de l’EP de 2010. Elles ont vraiment quelque chose en plus. Quand elles arrivent, tu te dis, « wahou, là y a un truc qui va se passer ». Ce feeling, on ne le retrouve que deux fois sur neuf titres. Ça signifie que sur les sept autres, il manque un truc. Pas forcément de la puissance, mais un peu plus de conviction, de folie, de vista. Soit c’est « Metal » qui est trop linéaire, soit c’est « Black Bile » qui s’emmêle les pinceaux dans les guitares, soit c’est « Curses » qui est trop rangée et conventionnelle. Alors oui, je suis largement convaincu par la déflagration constante et la chaleur véhiculée par The Strand Of Time mais à l’inverse, les compositions inégales qui s’en dégagent sont vectrices d’un sérieux refroidissement.

PICTURED est une formation très talentueuse techniquement. Et « The Dwelling » prouve qu’elle sait aussi l’être artistiquement. Encore une fois, je répète que je ne m’imaginais pas prendre de plein fouet un tel mur de son. Les Bretons sont donc sur la bonne voie, bien que je puisse difficilement expliquer pourquoi les morceaux les plus convaincants sont ceux qui avaient déjà un vécu sur l’EP de 2010. Et messieurs, permettez-moi de vous le dire, mais je trouve ce dernier détail légèrement préoccupant. Pour le reste, vous m’avez agréablement surpris.