« … Alors les Nibelungen fondirent l’or céleste pour façonner un anneau maudit. Un anneau dont le pouvoir était si grand qu’il était capable de plier toute chose à sa volonté. Un anneau qui devait mener le monde à Ragnarök. » Voilà la légende qui influença entre autres le grand J.R.R. Tolkien pour imaginer toute la saga du Seigneur des Anneaux. Mais au-delà du concept de l’anneau, qu’est ce que Ragnarök ? Mythologie scandinave pour les uns, écrits islandais pour les autres, version saxo-nordique de l’Apocalypse pour les Catholiques, le Ragnarök symbolise l’affrontement terrible entre les Dieux d’Asgard, guidés par Wotan le Père de Tout (plus connu sous le nom d’ « Odin » dans le folklore scandinave, « Wotan » étant son équivalent germanique), et les Géants de Jötunheim.
Résumer en quelques mots le Ragnarök, les évènements qui le précèdent, dresser un tableau bref et fidèle des divinités ici évoquées, voilà une tâche bien ardue. Mais découvrir par soi-même les mondes d’Asgard et Midgard, parcourir les milliers de textes qui s’y réfèrent et les controverses suscitées par les multiples interprétations, voilà une quête passionnante que je vous invite à effectuer par vous-même. De leur côté, Nicolas Jarry (scénariste) et Djief (illustrateur) tentent bien d’apporter leur pièce à l’édifice. Ou du moins d’apporter leur version des « faits ».
Après La Malédiction des Nibelungen et Siegfried (tous deux parus en 2007), voici donc venu le Tome 3 du Crépuscule des Dieux, Fafner. Ce nouveau volume suit les traces de Siegfried, enfant de Siegliende, elle-même née des amours du Dieu Wotan avec une simple mortelle. Siegfried devient un jeune homme pourtant rejeté par ses semblables. Et il finit par apprendre, de la bouche même de son père adoptif Mime, que sa mère ne l’aurait pas abandonné. C’est le dragon Fafner, réduisant tout un village en cendres, qui serait responsable de la disparition de Siegliende. Envahi par la colère et un irrésistible désir de vengeance, Siegfried n’a qu’une idée en tête, au risque de faire basculer tout un monde dans la violence et le chaos …
Ainsi, le « Crépuscule des Puissances » (traduction littérale de « Ragnarök ») est imminent. Le compositeur allemand Richard Wagner (1813-1883), dont le génie reste inattaquable à mes yeux malgré un côté trop pompeux que peuvent lui reprocher ses détracteurs, l’a transposé en une œuvre superbe et totale, mêlant opéra et musique symphonique, composée d’un prologue et de trois actes. Parmi les extrais les plus célèbres, comment ne pas citer l’imposante « Marche Funèbre de Siegfried » ? Voilà un chef d’œuvre que je ne saurais trop conseiller aux fans des derniers disques de Black symphonique …
Malheureusement, ce Tome 3 du Crépuscule des Dieux ne s’approche que trop rarement de la vision majestueuse qu’en avait Wagner. Il ressort des dessins de Djief un côté beaucoup trop infantile habituellement utilisé dans les autres productions Soleil (ATALANTE, LANFEUST, …), et non dans la collection Soleil Celtic, à mon sens beaucoup plus sombre. D’ailleurs les passages les plus réalistes sont ceux où Siegfried est en proie à des visions, ou lorsqu’il s’aventure dans les profondeurs du repère de Fafner le dragon. Et puis Djief ayant travaillé dans les jeux vidéos, on sent que la plupart des planches ont été graphiquement retravaillées, sur les reflets, les ombres, les dégradés, etc … Forcément, les illustrations perdent de leur authenticité et de la force qui devrait s’en dégager. Sans parler des textes qui semblent avoir été écrits pour être compris des moins de 10 ans …
Peut-être L’Anneau des Nibelungen, ouvrage écrit par Jarry et dessiné par Graffet, rend-il meilleur hommage à cette prodigieuse saga qui mérite quand même meilleure adaptation que ce Fafner pas assez appliqué pour paraître crédible. Ou alors juste aux yeux des petits garçons …