Leur première démo nous avait fait dresser les antennes. L'album qui suivit ne manqua pas de nous secouer les élytres. Cette fois, les insectes métalleux de GRORR reviennent pour donner un grand coup de pied dans la fourmilière. Tous aux abris!

Un peu vite assimilé au courant Djent, les Aquitains possèdent un univers bien à part; celui des insectes donc. En véritables Bernard Werber du Metal, ils se proposent de nous faire vivre une année au coeur d'une fourmilière. L'existence en forme d'éternel recommencement rythmé par le cycle des saisons, la lutte des castes, les expéditions punitives contre ces connards de termites, la surpopulation... Cette société militariste en apparence si différente de la notre pourrait nous en apprendre beaucoup sur nous-mêmes.
Pour mettre en musique ce voyage immobile, GRORR a bâti un édifice sonore à nul autre pareil. Partant de ses robustes fondations Death, le quintette en a expurgé à peu près toute l'infrastructure industrielle pour n'en conserver qu'une certaine rigidité martiale, propre à évoquer une armée de fourmis sur le sentier de la guerre. Faisant appel à des matériaux exotiques (le bambou de la flûte japonaise) et à des techniques ancestrales (la roue faisant chanter les cordes d'une antique vielle), il a élevé des murs de son à l'aspect massif et paradoxalement raffiné. Loin d'un assemblage hétéroclite de différentes influences, cette architecture impose une remarquable cohérence dans l'assemblage des éléments électriques et acoustiques, ainsi qu'une parfaite fluidité dans l'enchaînement des pièces qu'elle abrite. C'est intemporel, exotique sans pour autant évoquer une région du globe plutôt qu'une autre, et empreint d'une violence zen que l'on trouvait jusqu'ici uniquement chez GOJIRA. En résumé, GRORR ne chante pas la fourmilière, GRORR est la fourmilière. Alors quitte à vouloir ranger ce groupe dans une catégorie, autant en inventer une qui lui corresponde vraiment: Le Bio-Metal !
Pari artistique réussi haut la main, Anthill s'écoute d'une traite pour être apprécié à sa juste valeur. Partant du lent éveil d'une fourmilière au printemps pour aboutir au chaos des guerres et des révolutions, ce concept-album vous fait passer avec une étonnante fluidité par toute une palette d'émotions contradictoires, à l'image de cette voix à peine humaine qui vous conte posément l'histoire d'une race vieille comme le monde avant de vous cracher son acide formique au visage. Et rien dans l'interprétation (technique mais sans esbroufe) ni dans la production (puissante et aérée sans être trop propre) ne viendra vous perturber dans ce trip absolu. Qu'il est loin le temps où autoproduction rimait avec amateurisme et moyens du bord! Cerise sur le gâteau, l'artwork de la couverture, avec sa fourmi en origami et le nom du groupe écrit façon calligraphie japonaise change agréablement des habituelles têtes de mort et autres clichés métallistiques.

Alors pour une fois, rangez votre Baygon et laissez entrer les fourmis dans votre salon. C'est toute une aventure qui vous attend!