Il y a des albums qui sont difficiles à évoquer. Et je parle en connaissance de cause. Le Grind, cette fantastique entité, peut-être celle qu’on est le moins apte à contrôler quand on parle de musique extrême. Des nuances, il y en a assurément dans le répertoire de MURDER CONSTRUCT, même si leur truc à eux, c’est plutôt le Brutal Death. A l’instar des DYING FETUS, BRUTAL TRUTH, ROSE FUNERAL et autres GENERAL SURGERY, on ne sait pas sur quel pied danser. Oh, je vous vois venir de loin. Il n’y a pas mille façons de faire un bon album quand le cœur balance. Figurez-vous que si. Et ces américains explorent avec Results, leur premier bébé après la démo éponyme de 2010, un territoire franchement hostile, sur lequel seuls les plus téméraires se risquent.

L’idée, c’est que ça fasse boom. Vite et bien. Voilà pourquoi on retrouve sur cette galette des morceaux très courts, (seuls deux d’entre eux, « The Next Life » et « Resultados », excèdent les trois minutes) qui évoqueront forcément à un moment ou à un autre la frénésie d’un NAPALM DEATH. Est-ce vraiment étonnant quand on a à son bord Travis Ryan, chanteur de CATTLE DECAPITATION, Leon Del Müerte, proche collaborateur d’EXHUMED et NAUSEA ou encore deux gusses de chez BAD ACID TRIP ? Vous l’aurez peut-être deviné, MURDER CONSTRUCT est un all-star band, un écho très californien aux Suédois de LOCK-UP. Et pourtant, les choses vont un peu plus loin qu’un copycat, qu’une vulgaire copie américanisée. Si le dollar est revisité sur cette pochette apocalyptique, n’y voyez pas le plus petit hommage. MURDER CONSTRUCT, c’est la force de frappe du Grind, le politiquement incorrect, le pavé dans la mare, le fracas de la tôle froissée. Avec ses mauvais airs d’accident de la route, cet album s’empale dans nos oreilles. Des morts, c’est tout ce qu’il reste. S’il y a de la vie, ce sont uniquement les cœurs de bêtes attirées par ce charnier qui battent. Ces garçons talentueux ne nous laissent aucune chance de survie, pas la moindre petite bulle d’air, parce que leurs pamphlets sont concis, destructeurs, précis. Un sniper ne s’y prendrait pas mieux. Les guitares aiguisées, Results part au front. C’est peut-être là leur meilleure arme, eux qui n’ont de cesse de juxtaposer riffs sombres et nerveux. Tout ça est finement écrit, exécuté au millimètre. Ça sent le chaos à plein nez. Il n’y a pas ce fâcheux sentiment d’approximation, même si certaines fois, leur Death / Grind part dans des directions inattendues (« No Question, No Comment »). Mais alors, pourquoi ce disque est-il si « difficile à évoquer » ? La réponse est aussi simple qu’évidente. Il met mal à l’aise. La voix gutturale de Travis est parfois surplombée de hurlements stridents, très dérangeants, comme sur « Gold Digger ». C’est ce malaise violent, convulsif, presque palpable qui gêne. MURDER CONSTRUCT n’est pas cette sortie de conventionnelle qui passe inaperçue, même si c’est là sa triste fatalité. Elle mériterait davantage qu’une reconnaissance éphémère, car le travail réalisé sur le songwriting est juste fabuleux et que la production d’une rare justesse met en avant les plus beaux atouts de ce disque. Mais c’est finalement « Resultados » qui portera le coup fatal. Presque sept minutes d’une musique torturée, aliénée, sans états d’âme mais pas sans vie. Elle est surprenante, à l’image de cet effort aussi expéditif que létal. Quelques sonorités indiennes et des fragrances d’encens viennent parachever ce succès absolu.

Si ce n’est pas un des meilleurs albums de Death / Grind de l’année, ça y ressemble. Ils ont été nombreux en 2012 et sur l’instant on a même cru tenir le grand vainqueur de cette féroce bataille. Mais c’était illusoire, parce qu’après son quart d’heure de gloire, Results va sombrer dans l’anonymat. La faute à d’autres formations qui prétendront elles aussi à leur place au soleil, avant de s’effacer à leur tour. C’est un cercle vicieux dans lequel MURDER CONSTRUCT s’est engagé. Triomphe aujourd’hui, déchéance demain. Ils peuvent néanmoins être fiers des coups portés et des bleus infligés.