Qu’elle semble loin, l’époque où ALCEST (qui rappelons-le, reste officiellement le projet solo du multi instrumentiste Neige) était ce groupe de Black Metal cru et morbide. A présent, la musique d’ALCEST se réchauffe, devient de plus en plus solaire. Ce constat avait déjà été fait en 2007, à la sortie du superbe premier album du groupe, Souvenirs D’Un Autre Monde. Sans renier totalement non plus ce côté Black Metal progressif si séduisant, Neige insuffle toujours plus d’espoir et d’atmosphères paisibles à sa musique. Le résultat, vous l’aurez compris, tient purement et simplement du chef d’œuvre. Mais étudions l’objet de plus près.

Tout d’abord, il y a cet artwork magnifique, dessiné par Fursy Teyssier (Les Discrets), ancien bassiste live d’ALCEST. Ce dessin est à l’image de la musique de l’album : lunaire et onirique.

Quant à la musique en elle-même, Ecailles De Lune est quelque part la suite évidente de Souvenirs D’Un Autre Monde, le prolongement du voyage auquel nous invite ALCEST à travers des paysages dessinés par une musique plus travaillée, plus mature qu’auparavant. Il n’y a qu’à écouter le morceau titre en ouverture de l’album, et vous comprendrez mon propos : une plage de 10 minutes ! Rien que ça ! Et quel morceau… Alternant les délicates plages acoustiques presque sensuelles par leur délicatesse, les envolées épiques et les blasts beats (traditionnels ?), ce morceau divisé en deux chapitres de dix minutes chacun est une merveille. Ni plus ni moins. Là où la plupart des compositions de Souvenirs D’Un Autre Monde étaient plus ou moins brouillonnes et devenaient par conséquent trop vagues dans leur propos, ALCEST nous propose ici un morceau d’une justesse parfaite.

Cherchant à diffuser toujours plus la beauté estivale, Neige a composé pour cet album ce qui reste le titre d’ALCEST le plus interprété sur scène : « Percées De Lumières ». Rien n’est laissé au hasard. Le soleil est là, qu’on le veuille ou non. Et ce n’est pas le chant Black Metal hurlé de Neige qui changera la donne et qui sortira l’auditeur de sa torpeur. Bien au contraire. Nous ne sommes pas les esclaves de ce monde dans lequel on nous propose de s’abandonner. S’y laisser aller semble être la plus belle chose qui soit. Ça me remue toujours autant les tripes de me laisser aller au son de cette chanson… ALCEST est bel et bien un voyageur, chaque morceau est une invitation.

Alors que nous pensions avoir vu tout ce qu’il y’avait à voir avec l’instrumental « Solar Song », dispensable mais une belle pièce progressive, le périple se termine avec le minimal « Sur L’Océan Couleur De Fer ». Que dois-je vous dire sur cette superbe plage, dont les paroles sont tirées d’un poème de Paul-Jean Toulet ? Que j’en ai pleuré la première fois. Vraiment. Je n’ai pas pleuré de tristesse, ou de chagrin. Je peux aussi vous dire que cette guitare d’une mélancolie maladive et ce chant infiniment subtil sont les piliers d’un univers dans lequel se réfugier de temps à autre est une source de repos infini. Et qu’ALCEST conclut ici un album d’ores et déjà culte de façon magistrale.

On ressort serein et léger de ce voyage initiatique de 40 minutes. ALCEST a fait de la mélancolie non pas le refuge des cœurs en peine, mais celui de l’espoir et de la beauté de la nature. Certains pourront chouiner que ce n’est pas du Metal. Et ils auront raison. Ils laisseront par conséquent ce superbe album sur le bord de la route, passant à côté d’un royaume dans lequel il est bon de se réfugier. Loin d’être un suiveur, ou un précurseur, ALCEST n’est ni plus ni moins qu’ALCEST. Un poète. Et n’oubliez pas que rêver, c’est bon pour le moral. A vous de vous faire votre idée sur la question.