Kikoo, on est EVISCERAL et on fait du Deathcore. C’est d’un vulgaire… Mais nuançons un peu notre propos. Si l’opportunisme de ces garçons se voit comme le nez au milieu du visage, la scène strasbourgeoise n’en est pas pour autant lésée. Je n’ai en effet pas assez de doigts pour recenser les projets de qualité qui foisonnent au beau milieu de ma région de cœur et EVISCERAL ne fera qu’ajouter un peu de cette complexité mathématique au tableau. Encore cantonné au rôle ingrat de faire-valoir, et ce en dépit d’une motivation évidente, les bas-rhinois peuvent toutefois prétendre à mieux dans un futur relativement proche, l’éclosion soudaine d’HAUT & COURT étant l’exception qui confirme la règle. A vrai dire, c’était loin d’être gagné. Mais à l’image du coming out réussi de Ludow, jusqu’alors connu pour ses prouesses techniques en tant que guitariste au compte d’APOCRYPHE, un très vilain combo de Black Metal local, l’avènement d’un nouvel être à chérir pour le peuple alsacien est porteur de bien des espoirs. Il aura certes fallu attendre un an et demi pour avoir du gras à se mettre sous la dent, mais la parution de cet EP aux premiers jours de l’année 2013 résonnera comme une évidente bonne résolution.

En tant que régional de l’étape, je pense évidemment pouvoir légitimer leur place dans le paysage musical tricolore à l’aide d’arguments qu’un webzine kazakh ne ferait qu’éluder. Tout d’abord, un peu de franchise s’impose. EVISCERAL n’a rien créé et n’a même pas cherché à réinventer quoique ce soit. Là où certains ont fait de l’eau tiède un business, les Strasbourgeois se vautrent dans un confort technique qui rappelle successivement les pointures du genre. SUICIDE SILENCE, CARNIFEX, ALL SHALL PERISH passent par-là avec leurs gros sabots et piétinent toute notion de poésie et de finesse. L’impression d’avoir déjà entendu ça des dizaines de fois (voir des centaines si les mots « Lie To My Face » vous évoquent quelque chose de concret) se matérialise dès l’arrivée de « Spit Your Dignity ». Relativement carré dans l’écriture, ce premier jet de pisse chaude en appelle ouvertement à une bonne douche dorée, purifiante et vivifiante. Ludow manie le micro avec la vista qu’on lui connaît (ou pas), alternant voix écorchées et timbre guttural avec maestria. Il y a un je-ne-sais-quoi d’Alex Koehler là-dedans et pas seulement d’un point de vue purement technique. Délaissant toute originalité, à l’exacte image de ses congénères, EVISCERAL mise tout ou presque sur une prestance et une bestialité qui lui confère les pleins pouvoirs en live. Sur galette, hélas, ces messieurs ne sont pas encore assez rôdés pour éviter les aspérités inhérentes à tout groupe débutant. On a vite fait le tour de ce personnage, sombre, inquiétant, maniaque, le visage cireux et la voix rauque trahissant une consommation excessive de cigarettes. Assurément, la sollicitude n’est pas une attention qui suinte de cet Asylum. Et qui s’en soucie ? Parce qu’après tout, les gens qui trainent leurs guêtres sur ce type de Bandcamp savent exactement ce qu’ils recherchent. Un guide pour canaliser ce trop-plein de barbarie, une épaule pour soutenir ces envies d’ablation de la rate sans anesthésie. EVISCERAL veut voir se répandre des tripes à ses pieds et d’un point de vue strictement musical, la pertinence de cet EP lui en donne le droit. Bête et méchant, peut-être même plus méchant que bête, Asylum est persuasif et ce, en dépit de sa forte teneur en clichés. Si la France mettra encore un peu de temps à se laisser séduire, l’Alsace peut d’ors et déjà se dire envoutée par ce VRP culotté et arrogant venu nous vendre un Deathcore bon marché.

Enfin, et je conclurais de la sorte ce papier, sachez que l’effort dont je viens de vous faire l’éloge est disponible gratuitement sur le lien ci-dessous. Si vous rechignez à croire le contenu de cette chronique pour des raisons qui vous sont personnelles, un clic aura aujourd’hui le pouvoir de tout changer. C’est peut-être du Deathcore ultra-convenu avec son lot de breakdowns et son opacité caractéristique, mais après tout ça n’engage à rien et il se pourrait bien qu’il vous plaise.