C’est désormais officiel. Trois ans, c’est le temps qu’il faut à FINNTROLL pour écrire un album. Et si un groupe doit bien rigoler de cette statistique, c’est KORPIKLAANI. Seule exception ; la distance qui sépare Midnattens Widunder (1999) de Jaktens Tid (2001). Mais ça remonte à une bonne douzaine d’années. Depuis, ce sont « seulement » trois full-lenght qui ont garni une discographie plutôt clairsemée. Et parmi ces trois, comment ne pas évoquer le Nattfödd de 2004 qui est non seulement un des premiers vrais albums de Metal « non-commercial » à avoir été plébiscité par votre serviteur, mais également celui qui doit être le plus représentatif jamais écrit du mouvement Folk Metal. C’est simple. Pour une bonne dose de folklor(ir)e, c’est celui-là et pas un autre. ELUVEITIE, MOONSORROW, TROLLFEST et les autres sous-fifres peuvent aller se rhabiller. Il n’y aura jamais qu’un seul groupe d’Humppa Metal et c’est FINNTROLL. L’affaire est close. Cependant, un petit détail mérite de nuancer cet emballement. Le départ de l’emblématique Tapio Wilska en 2006 a semble-t-il donné un coup de bambou à leur carrière, détectable de tous par la relative noirceur qui habitait (et habite toujours) le Ur Jordens Djup de 2007) et le Nifelvind de 2010.

Avec Blodsvept, un sixième opus forcément attendu au tournant, FINNTROLL renoue (un peu) avec son passé d’équilibriste. Si l’esprit pernicieux et captieux qui hantait Nifelvind n’est pas franchement renié, on est surtout en présence d’une agressivité et d’un dynamisme qui semblent tout droit inspirés par la franchise d’un Jaktens Tid. Je ne suis pas en train de dire que FINNTROLL est dans la réinterprétation ou dans l’auto-caricature, mais simplement que Blodsvept, tout en étant une sixième sortie tout à fait inédite, a sollicité à la fois une énergie poussiéreuse et une perfidie récente pour composer un disque complet et cohérent. Ce qui ressort de cette œuvre, c’est que FINNTROLL joue comme un groupe qui a du métier, tout en continuant à exploiter son potentiel festif. Chaque morceau possède son petit motif folklorique, son envolée pittoresque, ses injections « trollish », sa dose de bonne humeur, pour ne pas dire d’allégresse. Et à côté de toute cette quincaillerie de bric et de broc, on a des repères, des bases. Une voix généreuse, des guitares mélodiques et souvent axées sur l’efficacité et la percussion (le relief Black Metal de « Midvinterdraken » dont l’intro évoque à demi-sons le « In Der Halle Des Bergkönigs » d’Edvard Grieg !), des rythmiques chevaleresques (« När Jättar Marschera »)… Je n’irais pas jusqu’à sous-entendre que Blodsvept est pisse-froid ni même calculé, mais je me dis que si chacune de leurs sorties avaient été de ce calibre, on aurait peut-être moins parlé d’eux dans les cours de récrée. J’ai un petit peu grandi avec Nattfödd, son exubérance, sa grandiloquence, ses pitreries. Je n’aurais surement jamais évolué de la même façon avec Blodsvept, même s’il est de loin plus farceur que Nifelvind. Ce scud de Folk Metal mature, composé par un groupe de Folk Metal mature, eh bien je ne l’imagine tout simplement pas toucher la (très) jeune génération comme à pu le faire l’épique mais néanmoins accessible Nattfödd. Il y a des références au Jazz sur « Mordminnen », des choses plus sincères sur « Skövlarens Död », plus brutales sur « Fanskapsfylld » qui contribuent à l’énorme richesse artistique de Blodsvept et définitivement, cette richesse est, une fois encore, d’autant plus gracieuse (si le terme peut s’utiliser ?) qu’elle est inédite.

Non, FINNTROLL, c’était pas mieux avant. Il n’y a simplement jamais eu la radicalisation nécessaire pour qu’on puisse parler d’eux en ces termes. Toute leur carrière est faite d’une continuité, qui est peut-être le reflet d’une vie humaine. Des balbutiements à l’âge bête, de l’indépendance à la dépendance, si Blodsvept était un homme, il serait un homme de valeurs. Cynique mais sincère, expérimenté mais grand enfant dans l’âme, charmeur mais fidèle. Quelqu’un d’entier, de droit, qu’il vaut mieux avoir comme ami que comme ennemi. Oui, après toutes ces années, ces trolls ont toujours la grandeur la plus importante. Celle de l’âme.