Lovers gonna love. Ah, la scène française, quelle richesse, quelle prestance, quelle classe, quelle intégrité, quel vivier. Il suffit qu'on balance un truc vaguement authentique, qui rentre dans le moule, pour que revienne la saison de l'extase. OFFENDING, DEATH AGONY, TREPAN'DEAD, 7TH NEMESIS, HORD, COLOSSUS, SCARS ON MURMANSK… A chaque fois, c'est la même excitation qui me submerge, moi, le Français chauvin de base. J'aurais presque pu écrire ce papier avec des boules Quies dans les cages à miel, tant j'ai le pressentiment que je vais vous sortir la chronique dithyrambique qui va bien pour flatter l'œuvre récente de DEMENTED. Mais vous voyez, le job de chroniqueur est également passionnant pour les douches froides qu'on se prend, parfois quotidiennement. Et avec Across The Nature's Stillness, ma demi-molle, présage de triomphalisme, s'est vite changée en asticot gélifié et pendouillant. Les Bordelais avaient tout pour me plaire avec leur Brutal Death Metal sorti des fourneaux polonais du Hertz Studio. Rien que ce renseignement résonne en moi comme un présage de qualité. C'était trop vite oublier qu'une bonne production n'est rien sans un projet musicalement recevable.

Attention, je suis loin d'agiter mes petits poings en beuglant comme une truie que ce second album est un sac à merde. Je suis loin d'avoir pour volonté de descendre ce beau projet qui portera fièrement les couleurs du Brutal Death tricolore à l'endroit où on voudra bien de lui. Je dis simplement que contrairement à ce que je croyais, je ne suis pas du tout rentré dans cet opus. DEMENTED dégage dans sa musique une certaine austérité, une froideur qui glace le sang. J'aime le Death Metal quand il a quelques aspérités et beaucoup de gras autour du bide. Malheureusement, Across The Nature's Stillness ne dispose que d'une ossature solide, qui ne suffit pas à faire oublier sa silhouette décharnée. « Shaman » inspire de la crainte, « On The Edge » de l'antipathie. Très structuré, très professionnel, cet album dégouline de sévérité, tout en essayant d'instaurer épisodiquement des ambiances mystiques et plus progressives. C'est un début d'ouverture qui n'a pas l'impact escompté. Pour autant, il y a des morceaux qui sont vraiment marquants. Je pense à « Psycho Pomp », plus étoffé, à « Reviving Fire » qui donne envie de s'immoler en écoutant Close To A World Below, à « Listen To The Silence » qui voit débouler de nulle part le génial Julien de BENIGHTED ou à l'inattendue « Ineffable Mysticism », collaboration épurée et maladive entre Déhà de DEVIANT MESSIAH et Jenni de NOEIN. Tous ces moments sont le reflet d'idées qui savent jaillir mais qui peinent parfois à se concrétiser. Car à côté, il y a trop de passages simplistes, trop de choses convenues et téléphonées pour qu'on puisse parler de DEMENTED comme d'un groupe qui mise sur la régularité. Evidemment, Across The Nature's Stillness évoque les belles heures de VADER, de DECAPITATED, d'HATE, de SUFFOCATION et c'est dommage, car ça trahit un relatif manque de personnalité, même si je suis convaincu qu'ils sont en train de se construire une griffe unique. Quelques structures, quelques nuances rythmiques laissent deviner un potentiel développement musical sur un éventuel prochain album. Je suis sur qu'on reparlera de celui-ci en disant, « Across The Nature's Stillness visait à nous préparer, à nous mettre sur la piste ».

En attendant, je ne peux pas dire que je suis emballé. De bonnes intentions et de vrais temps forts contrastent avec des passages moins altruistes, ce qui fait de ce second opus un disque encore inégal. DEMENTED semble vouloir provoquer un univers, susciter de la curiosité et je pense que comprendre et valider cette démarche ne doit pas être un acte précipité. C'est peut-être une histoire de don et si tel est le cas, je ne l'ai pas reçu. Ce qui ne doit pas forcément être votre cas.