En France, on adore les nouveaux visages. On peut s’en moquer parce qu’ils ont tous un défaut de fabrication. Oreilles décollées, nez en trompette, menton en galoche, yeux vairons. Mais ce visage là est franchement frappant. Vous n’aurez jamais rien vu d’aussi cubique et justement, cette forme géographique augure de bonnes choses. Peut-être CUB3 est-il un groupe carré dans le sens rigoureux, méticuleux. C’est finalement tout ce qu’on peut souhaiter en découvrant Identité, un premier album enregistré en septembre 2012 pour une parution en septembre 2013. Vous l’aurez compris, si cette chronique s’arrête un instant sur un vocabulaire mathématico-géométrique, les calculs ne sont pas compliqués à faire. Formé durant l’été 2009 autour des cendres des projets respectifs de Mathieu (chant et guitare), Dgé (guitare) et Fabien (batterie), CUB3 s’illustre alors sur les planches en partageant l’affiche avec la crème de la scène française : OFFENDING, OTARGOS, DO OR DIE (ok, eux sont Belges), DARKNESS DYNAMITE ou encore BETRAYING THE MARTYRS.

Concernant Identité, ce qu’on peut déjà en dire avant même de l’avoir écouté, c’est que l’objet a été chouchouté. Le digipack est propre, le livret fait dans la sobriété. Dans la discrétion la plus totale, CUB3 semble avoir monté un petit univers graphique qui, une fois le CD inséré dans le lecteur, colle à ravir avec la musique. Nous ne sommes pas censés savoir quoi que ce soit à propos de cette dernière. Et pourtant, je ne sais pas si c’est un bon ou un mauvais signe, mais j’ai eu l’impression de connaître CUB3 depuis fort longtemps. Probablement que oui, ce groupe navigue en eaux limpides, surfe sur une vague qui balaie de nombreux genres, du Death mélodique au Modern Metal en passant par des touches Indus et atmosphériques, ce qui rend sa musique résolument conventionnelle. Des compositions comme « De Cendre En Cendre » ou « Tourner Cette Page » n’ont rien d’inédites. Cependant, il y a en CUB3 une force de frappe assez inattendue, ainsi qu’un sens de l’écriture déjà poussé dans de profonds retranchements. En se lançant à la poursuite d’une quête identitaire, Identité ne pensait probablement pas parvenir à ses fins aussi facilement. Tout semble absolument fluide, naturel, et ce en dépit d’arrangements qui font peut-être dans le synthétisme, mais qui contribuent à la dimension abyssale de ce Metal. Sur une chanson comme « VS » (je suis déçu, ils auraient pu l’appeler « Metal-Impact » plutôt), on se sent véritablement tirés vers le bas, acteurs d’une dégringolade qui n’en finit pas. CUB3 est très adroit pour distiller des émotions, dégager des sentiments et je pense que les textes en français renforcent le lien qui lie le groupe à l’auditeur. Même si je ne suis pas fan de ce chant régurgité, j’apprécie le fait qu’on puisse facilement s’y identifier. Ce choix très fort et symbolique trahit forcément une partie de la personnalité des Français, attachés à leurs racines mais qui n’hésitent pas à s’ouvrir sur le monde (comme en atteste le côté arabisant de « Ces Morts Qui Marchent »). Pour finir, j’aimerais également souligner la pertinence et la justesse d’une composition comme « Naufrage ». Je ne savais pas trop comment l’imbriquer au cœur de ce papier, tant elle me semble au-dessus du lot alors je le fais de cette façon, en espérant qu’elle vous frappera de la même manière qu’elle m’a frappé.

Je suis très peu enclin à glorifier un nouvel arrivant sous prétexte que son tout premier album se dessine sous la forme d’une réussite. Effectivement, Identité est un disque puissant, très homogène, excellemment écrit et qui méritera probablement la success story qu’il rencontrera à sa sortie. De là à placer CUB3 sur un piédestal, en faire un prophète, une pierre précieuse que l’on veut jalousement exposer par souci de chauvinisme, il n’y a qu’un pas que les autres webzines franchiront bien plus facilement que moi.