7 longues années se sont écoulées depuis Oath Bound, dernier opus en date de SUMMONING. « 7 », ce chiffre magique comme la mythologie de Tolkien à laquelle SUMMONING est tant attaché. Difficile de faire l’impasse sur Le Seigneur des Anneaux quand on intitule ses albums Minas Morgul (1995) et autres chansons « Khazad Dûm », « Flight Of The Nazgul » ou encore « Caradhras ».

Mais pourquoi le groupe autrichien a-t-il attendu 7 ans avant de sortir un nouvel album ? En réalité, ses membres fondateurs ont trouvé d’autres occupations : ICE AGES pour Richard « Protector » Lederer (chronique dans nos colonnes), KREUZWEG OST pour Michael « Silenius » Gregor, et ce dans des registres bien différents de leur combo d’origine. Forcément, l’accouchement de ce septième album a pris plus de temps que prévu. Mais l’attente en valait la peine : on accueille Old Mornings Dawn avec d’autant plus de plaisir.

Certes, SUMMONING n’a pas révolutionné son style, et certaines imperfections demeurent. La programmation et les samples omniprésents trahissent un certain manque de moyens ou d’ambition, on aurait préféré entendre de véritables flûtes, cornemuses ou percussions pour le côté authentique de la chose. La ligne directrice reste la même, affublant chaque morceau d’un rythme trop habituel pour surprendre, ce tempo modéré qu’on retrouve sur chaque plage, expliquant sans aucun doute des longueurs de morceau rarement égalées : seule l’intro instrumentale « Evernight » durant moins de 3 minutes. Pour le reste, ces nouvelles odes célébrant Tolkien dépassent facilement les 7 minutes. C’est pourquoi SUMMONING propose avec Old Mornings Daw son œuvre la plus longue et la plus accomplie.

Accomplie, car jamais ce Black Metal ambiant n’aurait aussi bien collé à l’univers du créateur de Bilbo Le Hobbit. Un BLING GUARDIAN s’imprègne du monde de Tolkien pour composer un Power Metal aux airs de troubadours. Dans le genre, difficile de faire mieux que la duo Ollbrich / Kürsch … Avec SUMMONING, c’est une autre facette de Tolkien qui est mise en avant. Tout ce côté sombre, la face cachée de cette œuvre épique a trouvé sa parfaite bande originale. On ne peut assimiler aussi facilement SUMMONING au courant Black Metal pur, car avec un titre comme « The Wandering Fire », le terme « atmosphérique » prend tout son sens. Mais la voix écorchée de Lederer sur le ralenti « Earthsine » et la noirceur envahissante de « Of Pale White Morms And Darkened Eves » suffisent pour se plonger dans les paysages les plus lugubres de la Terre du Milieu.

C’est là la grande force de SUMMONING : en dépit de similitudes parfois exagérées (comme on le disait plus haut, SUMMONING évolue à outrance sur le même rythme), ses compositions permettent à l’auditeur de s’immiscer rapidement dans un monde à la fois féerique et dangereux. SUMMONING se veut dansant (les tambours et ses sonorités païennes sur le magnifique titre éponyme), mélancolique (les lourdes guitares de Lederer sur « White Tower » suivies de la voix sensuelle d’Erika Szucs) et parfois martial, « Of Pale White Morms And Darkened Eves » sentant l’approche de la grande bataille à plein nez, entre cérémonie guerrière et motivations tribales. Le duo Lederer / Gregor n’hésite pas à oser quelques écarts bien étrangers au concept initial, comme ces notes orientales qui s’intègrent à merveille dans « Flammifer » (d’après le poème de Tolkien à propos d’Earendil le Marin) ou « Caradhras » (pour la petite histoire, il s’agit du sommet le plus haut des Monts Brumeux). Et rarement un groupe n’aura su aussi bien jouer avec l’ambiguïté celtique, qu’elle soit joyeuse (« Old Mornings Dawn ») ou franchement farouche (« Caradhras »).

Passés ces détails minutieux (le narrateur David Says apporte sa pierre à l’édifice) et primordiaux qui diversifient sa musique, l’instrument principal de SUMMONING reste ce clavier envoûtant : il donne à l’ensemble une incroyable majesté, une puissance orchestrale aisément maîtrisée par Lederer et Gregor, à laquelle ils associent des voix somptueuses (le final époustouflant de « Earthsine »).

Avec Old Mornings Dawn, SUMMONING fait son retour par la grande porte.
En écoutant un tel album, vous n’aurez jamais été aussi proche de franchir les murs de l’imposante citée Minas Tirith pour constater la grandeur de la Tour Blanche. D’ici, vous verrez les ciels assombris du Mordor, et l’air aura comme un parfum de Guerre imminente.