Chaque fois c'est la même chose. Je regarde un disque, sa pochette. Je regarde la gueule des musiciens (dans le cas présent, de sympathiques trognes) et je regarde la provenance. Comme pour effectuer un suivi machinal de la traçabilité. La Suisse. Chaque fois c'est la même chose. Je sais d'avance que ça va être du beau boulot. Une intuition suivie d'une forme de jurisprudence assez étonnante. TROPHALLAXY, STORTREGN, je ne ferais pas l'erreur de citer ELUVEITIE et SAMAEL, bien qu'il soit déjà trop tard. Je ne connais pas un groupe suisse qui ne soit pas carré et je suppose que c'est un gros cliché car au final, rares sont les formations qui bâclent le boulot, peu importe leurs origines. ARKHAN existe depuis 2003, a toujours été et restera probablement toujours un quatuor qui se présente dans la configuration suivante : un chant, une guitare, une basse, une batterie. Une base. Pour ce qui est de leur discographie, il parait qu'un premier album est déjà sorti. C'était en 2006 et ça s'appelait M.A.C.H.I.N.E. J'imagine que ce n'était pas suffisamment bon pour qu'on s'en souvienne. Du coup, comme une quantité assez incroyable de projets Metal, c'est sous le signe de la découverte que sera placé Primal, un second opus qui revendique ouvertement pour influences les ENTOMBED, BLOODBATH, MORBID ANGEL et autre MOTÖRHEAD. Rien que ça ?

Prévention routière. Accrochez votre ceinture, car cet essai décoiffe encore plus que ce qui était convenu. Bien sûr, Stéphane Diez, au vu de ta coupe de cheveux d'une brillance éclatante, ce conseil ne s'applique pas à toi. D'ailleurs, tu as fait une petite faute car Monsieur Propre n'a jamais les mains dans les poches. Par contre, ces mains là servent à frapper. Tu t'en sers sur une batterie comme tu pourrais t'en servir sur belle-maman quand elle te sert encore et toujours son infect cuisseau de chevreuil dominical farci à la lotte, et tu es la première rampe de lancement d'un Primal qui s'appuie sur une section rythmique du feu de Zeus pour s'imposer. L'ouverture martyrise le tympan, quelque chose de méchant. Il règne déjà au cœur de l'album une atmosphère détestable, belliqueuse, finalement inhérente au Death Metal groovy et puant que vous défendez. Cependant, derrière ce premier frisson d'une rusticité affolante se cachent des ouvertures mélo-modernes qui font énormément de bien. On en prend tout de suite plein les oreilles, à cause principalement des bonnes vibrations émises par le timbre guttural (et du débit impressionnant) de Greg Duc et de l'explosivité d'une basse en état de grâce. Ce Death Metal teinté de Black pourrait être d'une grande simplicité, d'une justesse technique remarquable, nimbé d'une précision très helvète. Il l'est. Mais plus que ça, il est surtout un formidable mariage entre une ossature Death en titane et des bourgeons Hard Rock, pour ne pas dire Rock N' Roll. "Fragile Equilibrium" va discrètement dans ce sens. "You, Monster" va généreusement dans ce sens. On comprend subitement pourquoi le nom de MOTÖRHEAD est sorti un peu plus haut. Les rythmiques sont pulpeuses, rondouillardes, ciselées, injectées d'un groove qui n'est pas sans rappeler l'aisance d'un TORTURED SOUL. On est en présence de ce qui est la compo la plus marquante de Primal même si chacune pourrait revendiquer ce statut. "Atomic Supermen" fait davantage dans la psychose générale pendant que "Lolita" régale de ses spasmes catchy et que l'intro de "Dead End" évoque à demi-mot des idées Grind, ou au moins Brutal Death. Le tout est constamment écrasant, ARKHAN ne relâchant ses efforts qu'à un seul moment : celui où Primal s'achève.

Cette sortie est une vraie belle surprise. Le quatuor suisse a débarqué de nulle part après un silence long de sept ans et a apporté dans ses bagages fraîcheur, vivacité et diversité. Je n'aime pas le Death Metal quand il verse dans la caricature et je pense que Thrufel de MASACHIST a eu raison quand il m'a dit que "les plus grands disques de Death Metal ont déjà été écrits". Cependant, ARKHAN est ce groupe qui te retourne le cerveau à grands renforts de Rock N' Roll, de solos brossés, de tempos mastiqués. A tel point que ceux qui ont raison ont finalement tort, et inversement. Tout se bouscule, tout se repense. Magistralement troublant !