On avait quitté AOSOTH sur un succès. Celui de III. Celui d'un chapitre aux contours si dégueulasses qu'il ne saurait dissimuler plus longtemps la présence du Malin dans ses entrailles. Celui d'une œuvre dont le contraste radical d'avec l'Ashes Of Angels de 2009 et l'Aosoth de 2008 suffit à la propulser au rang prisé du "meilleur-album-jamais-écrit-par-AOSOTH". Nous étions à l'époque en 2011, aux premiers jours d'un printemps qui sera plus arabe que Black Metal. Deux ans quasi jour pour jour après, c'est la sortie d'Arrow In Heart qui vient malicieusement rendre toutes ces certitudes un peu moins... certaines. Parce qu'on a appris à connaître le trio et que cet équilibre propre aux funambules est une force qui ne demande qu'à exploser sur ce quatrième bébé, toujours marqué du sceau d'Agonia Records, un label décidément intraitable quand il s'agit de faire dans la qualité. Et peut-être que finalement, ces Français sont leur plus belle cartouche.

Il était facile de pronostiquer. Je me suis moi-même laissé prendre au piège de la spéculation. Le problème, c'est que III était très différent d'Ashes Of Angels, lui-même sans véritable connexion avec Aosoth et que ce constat étant fait, il devient soudainement impossible de prévoir un quelconque avenir à Arrow In Heart, si ce n'est qu'il risque encore de surprendre. Avec l'éponyme, la première balle est pour les pessimistes. Ceux qui pensaient que le trio était susceptible de retomber dans ses travers se sont trompés. Cette introduction étouffante, lancinante quoiqu'étrangement catchy sur certains plans introduit un AOSOTH qui semble en relative bonne forme et qui renoue avec des morceaux nommés et pas seulement numérotés. "One With The Prince With A Thousand Enemies" progresse du haut de ses neuf minutes vers quelque chose d'encore plus spirituel et symbolique. Le virage Black Metal psychédélique, parfois expérimental, emprunté par AOSOTH semble se confirmer après chaque instant. Le trio n'hésite plus une seule seconde dans sa quête du Superbe à innover, à changer ses rythmes, à se déclencher comme une alarme stridente qui martyrise les tympans. Alors oui, c'est de plus en plus long, de plus en plus pénible et donc, de plus en plus dense, mais c'est aussi le reflet d'un groupe qui se désolidarise d'un Black Metal bête et méchant, balancé aussi machinalement qu'un mec va pisser en se levant le matin. Pour faire patienter, pour intriguer peut-être, pour fasciner probablement, AOSOTH se livre à des mystères, à des énigmes. A vous de trouver la signification de la parenthèse "Broken Dialogue", décomposée en deux parties qui ont exactement la même durée (3 minutes et 8 secondes). Je refuse de croire que ce choix est anodin, je refuse aussi de décrypter ce qui est, à l'image des textes sacrés, réservé au domaine du mystique et que chacun saura interpréter en son âme et conscience. Enfin, je refuse d'ignorer la granuleuse "Ritual Marks Of Penitence" qui, en un gros quart d'heure, vient résumer l'engagement mis par le trio dans sa musique depuis une décennie. Je me souviens du concert donné au Hellfest 2012, des bras de MkM zébrés de cicatrices, de leur prestation physique, reflet d'une passion religieusement exécutée. Je crois qu'une création comme cette "Ritual Marks Of Penitence" est un d'aboutissement musical et moral, en termes d'énergie, de folie, de chaos, de Black Metal.

A l'évidence, Arrow In Heart n'ira pas plus loin que III. Il est authentique, cohérent avec ce qu'est en train de construire le groupe depuis quelques années. Ce quatrième opus (qui est de loin le plus long jamais proposé par AOSOTH avec ses 56 minutes) est également plus costaud, plus concentré, plus harmonieux. Il affiche une sérénité inébranlable, en retravaillant les ambiances et les idées de son prédécesseur, sans jamais oser lui tenir tête au niveau des expérimentations. Pourtant, III autorisait AOSOTH a quelques écarts, ce que le trio a poliment refusé avec un Arrow In Heart complet, qu'il convient d'écouter pour savoir ce que vaut encore le Black Metal bleu comme une peau traumatisée, blanc comme des yeux qui ne répondent plus et rouge comme le sang ayant trouvé une plaie pour s'enfuir.