Quelque part, il fallait bien que ça sorte. Je veux dire, quand je prends Holda's Grace en main, que je regarde cette pochette magnifiquement pétillante et graphique, que je vois je-ne-sais quel volatil cracher de son orbite je-ne-sais quel hyménoptère, que je considère cet univers visuel complètement improbable et réussi, je me dis qu'une telle créativité ne saurait être contenue trop longtemps. Alors j'ai ingéré cet album. Je l'ai digéré, déféqué, absorbant généreusement son énergie et délaissant totalement une folie qui n'aurait pas aidé à maintenir une quelconque stabilité mentale. Parce que LOPSIDED doit s'aborder de la façon suivante, avec le sentiment de ne plus être tout à fait pareil après. Je me souviens de la première fois où j'ai regardé le Psychose d'Hitchcock. A douze ans, quand tu découvres ce que tu découvres, ton monde Barbapapa s'écroule et tu apprends à appréhender les perversions de ce bas-monde. Holda's Grace lui fait écho, involontairement certes, mais dans sa façon de te surprendre, il te fait comprendre que tu n'as pas encore tout entendu.

Les Lillois œuvrent dans ce qu'on peut appeler... Non, on ne peut pas l'appeler, ça n'a pas de nom. On essaie ? Du Metal groovy-popisant-alternatif-atmosphèrique-progressif-constructif-régressif avec de vrais morceaux de Metalcore, de Post-Hardcore, de Pop, d'Indie Rock dedans. J'ai beau me relire, je ne comprends pas ce que je viens d'écrire. J'ai beau l'écouter, je ne comprends pas cet album. Je ne sais pas où il veut en venir avec ses incessants tourbillons qui t'emmènent dans cinquante directions différentes, te brinquebalent dans des mondes parallèles où des figuiers de Barbarie poussent sur le dos de lamas unijambistes qui arborent pour seul et unique vêtement une chaussure orthopédique s'illuminant de lucioles fuchsia au niveau du talon, telle la basket Power Rangers de ton enfance. Il n'y a aucun repère, aucune structure qui puisse rappeler quoique ce soit de connu. En se forçant un peu, on pourrait s'imaginer IWRESTLEDABEARONCE chasser le papillon avec TOOL et LOSTPROPHETS, mais je trouve mon histoire de lamas encore plus crédible. Le Rock alternatif de LOPSIDED ne s'arrête jamais de surprendre, ses structures s'entortillent constamment autour d'un axe invertébré qui s'écroule à la moindre vibration. Le chant subtil et raffiné de Nicolas Dumoulin colle à la perfection à l'ambiance. Le garçon est capable de passages vraiment énervés et de lancinantes plaintes. Au-delà du fait que cet album raconte tout et son contraire, ce timbre est vraiment une pièce-maitresse de la personnalité des Nordistes. C'est lui qui fait redémarrer le moteur quand les cordes calent. C'est lui qui décide des moments hystériques et des interruptions fantasques et extravagantes. Pourtant, aussi incroyable que ça puisse paraître, il y a eu un miracle. Ce miracle s'appelle "Moaï" et ce nom représente le plus beau morceau de Holda's Grace. Parce qu'il affiche un peu plus de cohérence que les autres ? Peut-être. Parce qu'il sample There Will Be Blood, un film qui n'est pas qu'un film mais aussi et surtout un chef d'œuvre concentrant la noirceur humaine ? Indiscutablement. LOPSIDED, en ayant choisi précisément ces moments, ceux où l'Eli Sunday interprété par Paul Dano lobotomise son Eglise, adresse un signal fort à quiconque comprendra la référence. Ce qui ne devait être qu'un accès de folie se transforme limpidement en décisions calculées, assumées, perverses. Et pour avoir pensé d'eux qu'ils étaient bons pour l'asile, que leur cas était pathologique, je peux le dire moi aussi. I'm a false prophet.

Holda's Grace ne se résume pas à un sample. Ni même à un morceau, c'est certain. Mais celui-ci m'a fait ouvrir les yeux et m'a suggéré que peut-être je n'écoutais pas assez attentivement le message véhiculé par LOPSIDED. Alors j'ai répété l'expérience une fois. Puis une autre fois. Et même si je n'ai toujours rien compris à la personnalité musicale de ce projet hors du commun, je peux vous affirmer que le travail réalisé sur ce premier opus est monumental. Et quelque part, on a tous besoin d'avoir un personnage haut en couleur dans sa vie. LOPSIDED sera le mien.