WHITE LION (usa) - Pride (1987)
Label : Atlantic
Sortie du Scud : 21 juin 1987
Pays : Etats-Unis
Genre : Hard Rock
Type : Album
Playtime : 10 Titres - 44 Mins
Certains disques restent définitivement associés à une époque, une tranche de vie, une sensation, ou un sentiment. J'ai déjà longuement parlé à ce propos d'Hysteria des LEP, de Young, Wild and Free de BRIGHTON ROCK, qui à chaque écoute ramenaient ma jeunesse lycéenne à la surface. Et même si une chronique se doit d'être la plus objective possible, et de fait fondée sur des critères purement musicaux, il arrive que la subjectivité soit de mise, tant une musique reste liée à jamais à un battement de cœur puissant, vestige sensoriel d'une fragrance d'âme qui empêche de vieillir.
C'est le cas de ce disque de WHITE LION, que j'associerai pour toujours à mon premier grand amour, dont il était la bande son parfaite, à mi chemin du romantisme juvénile des teen movies US et de la virilité mesurée des Rock Bands des années 80.
Il serait insensé de résumer Pride à la belle gueule de son chanteur, Mike Tramp. Certes, son image de cover boy bon teint à du beaucoup influer sur la fréquence de diffusion des clips tirés de ce LP sur MTV. Mais ça, il n'y pouvait rien. Il était beau de naissance, sexy par souci promotionnel, mais la classe indéniable de ces dix morceaux doit surtout à l'incroyable talent de compositeur et d'instrumentiste du discret Vito Bratta. La discrétion de l'un, dévoué à sa musique, le sex appeal et la voix légèrement voilée de l'autre, voici donc le secret du succès d'un groupe unique, à l'image de ces duos des années 60/70 qui opposaient deux charismes/caractères différents pour créer une entité indivisible et irrésistible.
WHITE LION, c'est d'abord un premier album passé quasiment inaperçu. Une maison de disques frileuse, peu satisfaite du résultat, obligea le groupe à se voir distribué sur un micro label, et cette situation tua dans l'œuf ce qui aurait du être leur premier hit, "Broken Heart". Une petite apparition clin d'œil dans le très drôle The Money Pit de Richard Benjamin avec Tom Hanks ne suffira pas à les faire percer, et ils se remirent au travail pour accoucher d'un second LP qui se devait de casser la baraque.
Signés sur Atlantic, ils composent alors ce qui deviendra leur disque le plus célébré, le bien nommé Pride. Comme tant d'autres œuvres musicales à succès des années 80, Pride ne connaîtra pas un succès instantané. Le premier single, "Wait", mettra des mois à affoler les charts, pour se hisser jusqu'à une brillante huitième place. Mais dès lors, la machine était lancée. L'époque était fertile en nouveaux groupes, et la concurrence rude, il fallait se démarquer. Comme le disait Mike Tramp, "The 80's were a phenomenal decade. Unfortunately, most people wanted to be rock stars, instead of trying to build a longevity" (Les années 80 furent une décennie phénoménale. Malheureusement, la plupart des gens voulaient être des Rock stars, au lieu d'essayer de construire sur la durée). Et WHITE LION visait la longévité, pas le succès immédiat. Ce que prouvait sans conteste leur musique.
Alors que nombre de leurs confrères jouaient sur l'outrance (MÖTLEY CRÜE, SKIDROW, POISON), la séduction de masse (BON JOVI), la Rock N'Roll attitude (GUNS N'ROSES), ou le mièvre radiophonique (STRYPER), WHITE LION se contentait de proposer la meilleure musique possible, en mixant les influences Pop/Soft Rock et Hard Rock qu'affectionnaient les FM US de l'époque. Pas de look improbable, pas de déclarations tapageuses, pas de provoc' cheap, juste de la musique, fine, ciselée, travaillée amoureusement. A tel point que lorsque le quartette se retrouva coincé en sandwich lors d'une tournée en Angleterre entre MÖTLEY et SKIDROW, ils eurent le plus grand mal à imposer leur art à un public friand de débordements Rock et de postures rebelles. Le LION n'était pas Rock, pas Glam, pas FM, mais juste désireux d'offrir un Hard Rock mélodique classique, sans synthé, sans esbroufe. Et c'est peut être ce qui les tua.
A ce titre, Pride reste un modèle du genre. Et le débuter avec un morceau aussi direct et sans ambiguïté que "Hungry" n'était pas un hasard.
Première constatation, la production du pourtant incontournable Michael Wagener sonnait assez faible. Et trop clinique. Son approche du répertoire du groupe, trop "polie", dans les deux sens du terme ne rendait pas forcément hommage aux saillies les plus crues du groupe. Des aigus un peu clairs, un manque de profondeur sur la rythmique, et le disque sonnait encore plus sage qu'il n'était.
Mais même cet involontaire travail de sape ne dissimulait pas la gemme de l'entreprise. Il devenait clair à l'écoute de ce premier morceau que WHITE LION était plus qu'un simple groupe US (même si Mike est Danois) standard, surfant sur la vague Hard Californienne de l'époque. Car en son sein officiait un des guitaristes les plus talentueux et plus créatifs de la décennie, Vito Bratta. Seul digne héritier du révolutionnaire et dissident Eddie Van Halen (avec sans doute Nuno Bettencourt), Vito avait ce toucher inégalable et cette maestria au vibrato qui rendait chacune de ses interventions précieuse. Capable de décocher des riffs saignants et d'y coucher des soli délicats, Bratta savait tout faire, et transcendait de sa patte des chansons déjà bien accrocheuses. Et c'est bien de cela dont je parle. WHITE LION offrait des chansons, pas juste des titres destinés à être repris en chœur par des foules en délire, non, de vrais morceaux, qui s'inscrivaient dans la durée tout en séduisant dès la première écoute.
Et même si les textes de Tramp restaient dans une veine romantico-adolescente un peu sucrée ("Caus' I'm hungry, hungry for your love"...), le talent de Vito faisait vite oublier qu'il fallait vendre.
La première face de Pride n'était pas son point fort. Car hormis "Hungry" et son attaque quasi Heavy fort bien sentie, elle ne contenait qu'un seule autre vraie pépite, le dramatique et épique "Lady Of The Valley", que bien d'autres combos du cru auraient rêvé d'avoir composée.
Débutant comme une ballade acoustique classique, "Lady" marquait l'opposition très nette entre l'appétit féroce du Heavy européen et la douceur du Hard Rock US. Caractéristique du jeu si particulier de Bratta, tout autant capable de caresser ses cordes que de les heurter avec puissance, elle doit aussi beaucoup au talent d'interprète de Tramp, qui savait se transcender lors des acmé. Avec son timbre cassé si particulier, il nous emmenait dans son rêve, et on imaginait sans peine cette prêtresse drapée de blanc, arpentant les collines d'un pas lent, à l'écoute des suppliques d'un frère meurtri par la perte de son double. Bien loin des ballades stéréotypées des 80's, "Lady Of The Valley" permettait à WHITE LION de se démarquer du reste du bataillon compact des formations 86-89.
La seconde face du disque était d'une autre trempe, et vous excuserez d'avance ce jeu de mot facile. Débutant par le premier single extrait du LP, "Wait", elle contenait rien de moins que les trois hits de Pride. Et "Wait" n'en était pas le moindre.
Sur une structure de composition Pop Rock classique, ce morceau se permettait des couplets harmoniques fabuleux amenant à un refrain superbe. Certes, une fois de plus, le tout était agrémenté d'un texte assez convenu, une fois de plus basé sur les peines de cœur, mais c'est un thème universel... Le solo de Bratta, combinaison de tapping sobre et inventif et de glissando mélodiques reste un modèle du genre. Et lorsqu'un guitariste arrive à faire passer autant d'émotions dans une intervention aussi technique, il n'y a pas grand chose à dire... Juste écouter, et admirer.
Si "All You Need is Rock N'Roll" se teintait de couleurs d'hymne de concert, sa linéarité était heureusement compensée par son énergie. Chœurs fédérateurs, riff convenu, il convenait de l'aborder comme une transition.
"Tell Me", était une nouvelle preuve du brio avec lequel le duo Tramp/Bratta abordait la technique de composition. Bâtie sur le même moule que "Wait", mais en plus volontaire et convaincante, cette chanson, haut fait de l'album, s'incrustait dans la tête comme l'image du visage d'un premier amour. Le mien en l'occurrence. Ou peut être le votre aussi. Refrain explosif, solo unique, arrangements sobres mais enrichissant la chanson, mélodie incroyablement attachante, c'était la recette parfaite du hit de qualité. Et même si celle-ci ne se hissera qu'à la 58 place du Billboard, elle relançait une fois de plus l'intérêt d'un album pourtant presque à son terme. De plus, je défie quiconque ayant connu son premier grand amour au lycée de ne pas s'identifier à ces quelques vers :
"Tell me baby all through the night
That you'll never let me go
Tell me baby cause I want the world to know"
Parce que c'est ce qu'on a tous ressenti à ce moment là. Et lire ces mots posés sur une telle chanson, c'est une expérience qui marque à vie.
"All Join Our Hands", c'est un peu le petit plaisir mineur, la chanson qui rassemble les foules et fait se lever les poings. Et c'est surtout l'occasion de vibrer une dernière fois à l'énergie du groupe, lorsqu'il se veut mordant.
C'est pourtant "When The Children Cry" qui termine cet album sur une note douce/amère. Lorsque les groupes de Hard Rock se veulent délicats, et ne tombent pas dans l'emphase de la power ballad pompeuse, le résultat est parfois magnifique. Comme c'est le cas ici. Une fois de plus, le jeu de Vito atteint des sommets, son picking se veut délicat, fin, et ses arpèges couplés à la voix fragile et aux mots sensibles de Tramp nous font monter les larmes aux yeux. Bien plus proche de "More Than Words" que de "Still Loving You", "When The Children Cry" sera le plus gros hit du groupe et se hissera à la troisième place des charts US. Place méritée, tant ce titre et sa sobre vidéo le méritaient. C'est d'ailleurs presque révélateur de la démarche du groupe d'avoir placé ce morceau en tant que point final, pour laisser l'auditeur sur une note sincère, honnête et sensible.
Pride terminera sa course double platine, et le groupe effectuera des premières parties de plus en plus grosses (AC/DC par exemple), avant de repartir en studio sous la pression constante de son label pour accoucher d'une suite à ce carton.
L'excellent Big Game suivra, avec en exergue le hit "Little Fighter", mais Mane Attraction achèvera l'aventure sur une note amère, la faute à un manque d'investissement de leur label, ne sachant plus comment les vendre. A l'instar d'EXTREME, une fois de plus, WHITE LION pâtira d'une promotion bâclée par un label cherchant le hit facile, et non le succès sur la durée, malgré des albums de toujours aussi bonne qualité.
Vito jettera l'éponge, écœuré par le business, et les musiciens se sépareront pour des fortunes diverses (Mike Tramp formera le quasi Grunge et opportuniste FREAK OF NATURE puis partira dans une carrière solo, James LoMenzo et Greg D'Angelo participeront à plusieurs projets avec Zakk Wylde, David Lee Roth ou MEGADETH, et Vito abandonnera ses activités après une tentative de groupe avortée), avant que Tramp ne ressuscite le lion sous une nouvelle forme, au grand dam de son ex guitariste/complice.
La fin du groupe fut d'une tristesse absolue au regard de son incroyable potentiel. Et c'est sans doute Mike qui résume le mieux l'affaire :
"Nous n'avons jamais pu dire au revoir à nos fans. Nous n'avons jamais eu l'occasion de faire une déclaration à la presse. WHITE LION jouait son dernier concert, puis Vito et moi sommes allés à l'aéroport – J'allais en Californie, lui rentrait à New York – et nous ne nous sommes même pas regardés. Les gens nous demandaient, "Mais pourquoi n'avez vous pas continué ?", mais nous ne recevions aucun appel de notre label, de nos managers ou des responsables du merchandising... Tous ces gens se faisaient des millions sur notre dos... C'est comme si nous avions juste disparu. Il n'y a pas eu de vraie fin. Ca m'a pris un paquet d'années avant de réaliser ce qui s'était passé..."
Triste épitaphe pour un groupe de cette qualité. Mais nous sommes des millions à n'avoir jamais oublié cette belle et simple pochette au grand lion blanc, ces morceaux intemporels et magiques, et cette alchimie entre un guitariste bourré de talent et un chanteur passionné. Et comme le chantait Mike :
"Don't give up, don't give up
When the road gets rough
Don't give up, don't give up
Even when it's tough"
Mais même les plus rêveurs finissent par arrêter de voler un jour.
Ajouté : Samedi 08 Mars 2014 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: White Lion Website Hits: 6348
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