VAN HALEN (usa) - 5150 (1986)
Label : Warner Bros
Sortie du Scud : 24 mars 1986
Pays : Etats-Unis
Genre : Hard Rock
Type : Album
Playtime : 9 Titres - 43 Mins
Lorsque ce septième album de VAN HALEN sort, le groupe est sans conteste ce que l'on peut appeler un "big act" aux USA.
Ce statut conféré grâce aux années passées sur la route, grâce à des albums essentiels, dont l'initial effort qui a révolutionné le petit monde des guitar heroes, et un 1984 dont beaucoup ne se sont pas encore remis, VAN HALEN doit pourtant l'asseoir, encore une fois. Tout reste à prouver alors que les disques de platine s'accumulent sur les murs et que la cylindrée de leurs voitures est déjà au maximum.
Pourquoi ?
Parce que leur frontman s'est fait la malle. Pour beaucoup de raisons d'ailleurs, dont un ego surdimensionné, des velléités d'indépendance, et des envies d'ailleurs, d'autre chose. On ne se remet pas facilement du claquage de porte d'un mec comme David Lee Roth, même si, aux dires d'Eddie, "c'était le genre de mec à arriver dans une fête et se mettre sous un abat jour pour être sur que tout le monde le voit". Certes, mais ça, tout le monde le voyait déjà. Aussi talentueux sois tu Eddie, c'était lui le point central de votre affaire, le gonzo californien hilare et à la peau délicatement hâlée. Et l'arrivée de son Crazy From The Heat n'a fait que prouver ses dires. Il était largement capable de s'en sortir en solo. Quitte à jouer les gigolo en reprenant des standards des 60's, il s'en foutait. Seules comptaient les lumières, si possible braquées sur lui. Chose faite.
Mais pour les trois restant, l'affaire se corsait. Après tout, si John Paul, Jimmy et John avaient du trouver remplaçant à Robert après Houses Of The Holy ils n'auraient pas fait les fiers non plus.
Pas question de laisser la place vacante à un inconnu. Après tout, les deux fils d'immigrés hollandais étaient plus américains qu'un Big Mac maintenant, et ils méritaient ce qu'il y avait de mieux de la part de l'oncle Sam. Alors si Dave venait de l'Indiana et se faisait passer pour un Californien pur jus, autant en prendre un vrai, bronzé, fun, porté sur les filles et la tequila. Et peu importe que celui-ci aussi se laisse pousser des ailes au niveau du crâne et croit voler bien au dessus de la mêlée, peu importe que sa coiffure lui donne des allures de briard mouillé, c'était lui et personne d'autre. Il était temps alors d'annoncer la nouvelle, de jeter en pâture aux fans un nom, celui de Sammy Hagar, de Monterey, Californie, le Red Rocker.
Les réactions ne se firent pas attendre. Sammy Hagar ? Le petit boy de Ronnie Montrose ? Celui qui conduit à 100 kilomètres/heure ? Celui qui fait croire à tout le monde qu'il sait jouer de la guitare va rentrer dans les tongs de Lee Roth, l'amuseur public ? Mais ce mec n'est PAS drôle !
Et ça tombe bien, parce que pour une fois, Eddie et Alex n'avait pas envie de rire. Ils voulaient qu'on les prenne au sérieux, avec un album sérieux, des chansons sérieuses, et un chanteur sérieux. Et s'il est vrai qu'avec l'arrivée de Sammy dans les rangs, 80% du fun musical du groupe disparut, il apporta une sacrée rigueur à l'ensemble.
5150. Bon label ironique pourtant. Des studios bien sur, ceux d'Eddie, mais aussi un code, celui utilisé en Californie pour confiner de force des individus présumés dangereux pour eux même, mais aussi pour les autres. Et à ce moment là, VH était aussi dangereux pour ses membres que pour sa maison de disques. Il fallait rassurer, après le carton intersidéral de 1984, qui avait offert à un marché sanguinaire des hits imparables. Jugez du peu, "Hot For Teacher", "Panama", et bien sur "Jump", qui avait réconcilié Eddie avec les claviers et le monde avec ses héros.
Les claviers, DLR n'aimait pas ça. Lui, il aimait le Rock, sans fioritures, le cabaret, mais pas le synthétique des années 80. Et du coup, il n'a pas du regretter son départ, tant 5150 en était bourré.
Et le paradoxe est là, bien vivant. C'est avec son album le plus daté que VAN HALEN a réussi l'impensable. Réécoutez le aujourd'hui, et la production de VH1 vous semblera plus moderne, plus incisive. Pourtant, c'est sans doute sa plus grande réussite artistique, sinon son meilleur album, statut brigué par 1 ou 1984, plus homogènes.
Mais la force de 5150 est d'avoir réussi une reconversion que beaucoup jugeaient impossible. Passer de l'enfance débridée à l'âge adulte. Et quand on picole, Dieu sait si la transition est difficile. Pourtant ils l'ont fait, en étant aussi roublards qu'honnêtes.
Parce que commencer un album avec "Good Enough", et le poursuivre avec "Why Can't This Be Love", c'est vraiment du foutage de gueule, surtout quand on s'appelle VAN HALEN. Si le premier aurait pu sans problème figurer sur l'album précédent, tant il déborde de testostérone et de fureur juvénile, le second n'est que mélodie, accords de claviers sur fond de riff soft, et refrain romantique à souhait. Sammy ? Pas sur qu'il en soit le seul responsable, mais si personne ne s'en doutait en 1986, ce morceau allait définir la politique du groupe pour les années à venir.
Finie la fête les gars, on range les chaises et les bouteilles. Il est temps de se marier, et de se ranger des voitures.
Mon cul. Et même si Eddie a composé cette chanson sur un Oberheim OB-8, même si Sammy a eu l'autorisation de calquer ses lignes vocales sur sa mélodie, chose que le guitariste détestait, elle reste un monument du VH new look, à tel point que Sammy la reprendra en acoustique lorsque le groupe sera introduit au Rock And Roll Hall Of Fame, en 2007. Et puis surtout, l'impensable, c'est de l'avoir placée juste avant la boucherie en double grosse caisse "Get Up".
Les critiques, toujours friands de bons mots, ont rangé la paire Alex Van Halen/Michael Anthony dans le placard des rythmiques les plus "prévisibles" du Rock. Si le futur allait en partie leur donner raison, "Get Up" n'en restait pas moins une apocalypse de groove que peu d'autres sections auraient pu passer comme une lettre à la poste. Après tout, Alex n'a jamais caché son mépris envers les batteurs jouant "à l'oreille". Et je suis sur qu'il a écrit la partition de celle-ci en quelques minutes seulement.
"Dreams", c'est l'autre accalmie de cette première face en trompe l'oeil. Mélodique certes, mais puissante, et osons le mot, carrée. La rigueur apportée par Sammy est clairement mesurable ici, tant le groupe se la joue respectable, et disons le, radio friendly, même si jamais ce morceau ne sera un hit. Pourtant, trois clips lui seront offerts, le premier en 1986, avec la patrouille des Blue Angels réalisant quelques prouesses aériennes, le second en 1994 pour le concert évènement au Whisky, en deux formats, avec et sans interventions de fans.
"Summer Nights" est peut être le titre le plus symptomatique du Van Hagar fraîchement formé. On peut difficilement trouver structure plus caractéristique du Red Rocker, tant cette roquette bluesy tranquille le caricature presque, une bière à la main, la planche de surf sur le sable, et le regard tourné vers les potes, restés au bar. J'exagère ? Alors sachez que ce fut le premier morceau composé lorsque Sammy rejoignit le trio esseulé. Lorsqu'il entendit le riff d'Eddie, les mots "Summer nights and my radio" furent les premiers à lui venir à l'esprit. On ne se refait pas.
"Best Of Both Worlds", outre son titre pied de nez, était un postulat. VAN HALEN à partir de maintenant, c'est ça, et rien d'autre. C'était énorme et si dérisoire à la fois, cette façon de tourner le dos au passé, aux enfantillages certes drôles mais pas très crédibles, et d'assurer un mid tempo plombé sur fond de picking léger. Du beau boulot, impensable avec Lee Roth dans les parages. Je crois que c'est en écoutant ce morceau que beaucoup de fans ont commencé à s'en faire. Que sont devenus nos chiens fous ? Vont ils encore nous amuser ? Rien n'était moins sur...
Et ça n'était pas la bluette "Love Walks In" qui allait les rassurer. Pourtant, malgré son ton emphatique, ses harmonies poussées, cette chanson n'était rien de moins que la confession d'un Sammy croyant fermement à l'existence des extra terrestres. Lors d'une interview, celui-ci déclarera à des journalistes effarés ses expériences de contact avec les aliens, et la façon dont il les a surpris une nuit, en train de sonder son cerveau. Et si cette sublime ballade allait rester ancrée à vie dans le coeur des amoureux du monde entier, de par sa beauté formelle, elle prouvait surtout quel grand chanteur avait trouvé le groupe, capable de faire passer des émotions que son prédécesseur n'aurait même pas pu effleurer. Bien loin en tout cas du gueulard/fêtard que nombre de musiciens se plaisaient à voir.
"5150", le morceau, était peut être avec "Good Enough" et "Get Up" le meilleur lien avec le passé qui subsistait. Construit sur un riff que seul le cerveau fécond d'Edward pouvait pondre, souligné par la batterie synthétique d'Alex, c'est l'apothéose du disque, la preuve que les frangins étaient soudain devenus... professionnels. Si le vers "We take a chance with new beginnings" colle un peu trop à la réalité des faits pour être une coïncidence, l'ensemble du texte semble étrangement adressé directement au public du groupe.
"Inside", en fin de disque, est une sacrée blague, pour trois raisons bien distinctes. D'une, c'est un beau majeur tendu que d'avoir clôturé un album aussi crucial par un morceau aussi étrange. De deux, les paroles en elles mêmes tiennent de la private joke, puisqu'elles évoquent les sensations ressenties par Sammy en tant que nouveau membre du groupe.
De trois, d'avoir placé en telle position le seul morceau boutade du disque est un bel aveu de la part des quatre musiciens. Vous aimiez le VAN HALEN rigolard, plaisantin ? Et bien il est là, mais c'est fini. On espère que vous en avez bien profité, rideau. Nous sommes adultes maintenant, so long...
Même si ce LP rencontrera un succès immense, il ne réitèrera pas la performance de 1984. à juste titre peut-être. Et lorsque Diamond Dave lâchera sur un marché incrédule son fantasque Eat'Em And Smile, beaucoup se diront que l'esprit VAN HALEN avait trouvé sa pérennité en lui. Steve Vaï apparaîtra comme le nouvel Eddie, et Dave comme le party man ultime, parti avec l'esprit festif qui animait son ancien groupe. Mais nombre d'observateurs se diront que de cette scission était nées deux entités phénoménales, au parcours aussi parallèle que perpendiculaire.
Avec 5150, VAN HALEN, déjà gigantesque, devenait une institution, un pan du patrimoine musical américain, au même titre que LED ZEPPELIN, BOSTON, JOURNEY, REO SPEEDWAGON et autres FLEETWOOD MAC. Et si leur futur allait se révéler semé d'embûches, si Sammy allait lui aussi se barrer quelques années plus tard, si Eddie/Alex allaient se fâcher à mort avec Michael au point de retirer ses photos des premiers albums (un manque de classe total ceci dit en passant), ce disque resterait le témoignage ultime d'un quatuor encore jeune, qui dessinait un trait d'union entre son passé bordélique et son futur incertain. Une grosse machine était née, et peut être que 5150 était le dernier album de VH avec ce petit supplément d'âme qui leur fera défaut par la suite.
"I tell myself
Hey only fools rush in an only time will tell
If we stand the test of time"
Tu l'as dit Sammy. Si si.
Ajouté : Dimanche 27 Juillet 2014 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Van Halen Website Hits: 13084
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