Il fait plutôt frais en ce mois de novembre 2013. Rien d'étonnant pour le moment, sauf que d'un groupe à l'autre, le mercure peut très bien monter en flèche comme se casser la gueule. Avec la sortie plus que récente du dernier DEICIDE, le brûlant In The Minds Of Evil, c'était un peu l'été indien après l'heure. Voilà qu'à peine cinq jours plus tard, en ce 30 novembre, arrive le premier opus des Franciliens de FALLEN JOY, et que sa pochette couverte de givre est plutôt annonciatrice d'une vague de froid pour une formation de Death mélodique ouvertement influencée par la tripotée d'artistes scandinaves ayant exercé dans les années 1990. La France, qui a l'éloge facile, s'apprête donc à recevoir de plein fouet une tempête polaire et à s'en satisfaire, comme elle s'est déjà satisfaite, et à juste raison, du premier EP de ces garçons, l'Order To Die de 2010.

On évoquait déjà une certaine maturité il y a trois ans, et on était forcément un peu précoce quand un disque comme ce Inner Supremacy déroule entre nos oreilles. La vraie maturité, elle est inscrite dans chaque ligne de ce très bel ouvrage de Death mélodique, qui s'éparpille parfois mais qui ne se départit jamais de sa volonté de bien faire les choses. Après un "Back To Life" introductif qui, ô surprise, n'a rien à voir avec le morceau éponyme de Giovanni Allevi, intervient le fracassant "Destroying Fate", trahissant par la même occasion le paradoxe entre la beauté et l'imperfection qui régiront ce disque. Il y a tout de suite une brillance, une vélocité, une musicalité remuante qui s'empare de ce titre (et qui se développera plus encore sur le single "Hymn To Silent Soldiers"). FALLEN JOY, à l'instar de certains noms ronflants comme CHILDREN OF BODOM, IN FLAMES, parfois SOILWORK, s'échine à combiner justesse du riff et percussion du Death, pour un rendu très souvent savoureux. On atteint même à de rares occasions un grain épique, comme sur l'excellente "Hold The Final Breath" qui fait un peu penser à du EQUILIBRIUM. Après, pour être tout à fait franc, je trouve le rendu sonore assez froid, en léger décalage avec la complexité des structures, des mélodies, des ambiances. Je m'attendais à davantage de rondeur, de pétillance, à l'image de ce qu'apporte cette voix gutturale sur "Circle Of Illusion". Car l'autre point, non pas noir mais terne de cette œuvre, c'est la voix de Victor, trop perchée, trop brisée, pas loin de verser dans le Black Metal alors qu'on avait simplement besoin de cette virilité vocale typique pour opérer un contraste entre chant et instruments. Je n'irais pas jusqu'à dire qu'elle joue en défaveur de FALLEN JOY, mais elle marque une subtile incohérence au cœur de cette galette néanmoins admirable de ferveur et d'implication. On ne s'ennuie jamais, et c'est peut-être le pari le plus brillamment relevé par ces Franciliens.

Passée la fierté d'avoir sorti un premier album de ce calibre, l'excitation de retours dithyrambiques et surement mérités, le groupe sera franchement inspiré de garder les pieds sur terre et de corriger les derniers défauts qui font d'Inner Supremacy une sortie spontanée, rafraichissante, mais encore un peu aléatoire et attendrissante. Le plus dur reste à venir. Le meilleur également.