Voilà un concept intéressant. Non, c'est vrai, il y a quand même longtemps qu'un truc pareil n'avait pas été tenté. A l'heure où les groupes économisent leurs forces et relèvent les compteurs tous les trois, quatre ans, certains choisissent la voie inverse et sortent tout ce qu'ils enregistrent. On avait déjà eu Zappa, qui se voulait plus prolixe en publications diverses qu'un lapin en coïts, la clique à Portnoy qui nous balançait tous les trois mois un album instrumental, un autre de chutes de studio, ou un nouveau projet génial, voire notre Devin T. chéri qui s'incarnait dans un nouveau personnage deux ou trois fois l'an.
Mais tout ça... Peanuts. Peace of cake man. Parce que j'ai trouvé LE groupe qui pousse la chose à son paroxysme et qui sort VRAIMENT tout ce qu'il enregistre.

Son nom ? FASBA FPEL. Jugez vous même. Formé en 2013, le trio a déjà sorti la bagatelle de treize albums... Book VIII Dumbing Down to Win an Emmy, leur neuvième effort comme son nom ne l'indique pas, est sorti au début du mois d'août de cette année, et est déjà devenu un oldie... Hallucinant ! Mais ça n'est rien comparé à la volonté du groupe de publier une centaine d'albums gratuits d'ici fin 2015... Est ce raisonnable messieurs ? Et ce projet a t'il une chance d'aboutir ?

Autant de questions auxquelles il est difficile de répondre avant l'échéance proprement dite... Mais outre la quantité, intéressons nous à la qualité. Car il est bien beau de vouloir offrir au public des oeuvres d'une façon complètement désintéressée, encore faut-il que ces travaux soient dignes d'attention... Est ce le cas ? Je ne saurais répondre d'une manière globale, alors je vais me baser sur cette infime portion de discographie qu'est Book VIII Dumbing Down to Win an Emmy...
Première étape, définir les contours de la pièce en question. Et dès cette tâche initiale, l'effort est rude. Car FASBA FPEL est tout et rien à la fois. Pas vraiment Metal, mais utilisant de lourdes guitares, pas vraiment Doom mais privilégiant les tempi lourds, pas vraiment Stoner mais affectionnant les riffs bien gras, résolument avant-gardiste sans être trop abscons, instrumental ou presque, un peu Post n'importe quoi aussi, Book VIII est une véritable casse tête dont on sort remué mais sans véritable réponse. Et après tout, est ce bien là l'essentiel ? Non pas vraiment, tant leur cas est unique et s'appréhende avec des oreilles neuves et un sens de la logique décalé.

Découpé en six pistes, cet album n'aurait pu en être constitué que d'une seule. La tonalité reste la même tout au long des quarante cinq minutes, et le style n'est pas vraiment actuel... On pense au gré des changements d'humeur à ces ensembles de années 70 qui misaient tout sur la spontanéité, et jammaient des heures entières en se laissant complètement happer par la musique et les sensations qu'elles pouvaient procurer. Ici, pas de progression logique, pas de "morceau" à proprement parler, juste une longue suite s'approchant d'une litanie sombre et pourtant pleine d'espoir.

Certains n'y verront d'ailleurs qu'un délire collectif sans aucune accroche, et je ne pourrais que partiellement les contredire. Car souvent on a le sentiment que le trio s'englue dans un riff répétitif, le laisse traîner des minutes durant, n'y apportant que des maigres modulations rythmiques. Parfois, les musiciens semblent même chacun dans leur propre monde, enfermés dans une bulle et incapables de s'intéresser à ce que fait leur voisin. Ce qui donne lieu à des dissonances qui ne sont pas toujours foncièrement inintéressantes, mais qui déstabilisent parfois au point de nous faire décrocher de l'entreprise.
Certes, la cohérence ne semble pas être le maître mot de cette aventure, mais ce qui est fascinant pour un instrumentiste ne l'est pas forcément pour son public.

Je dois concéder à FASBA FPEL un sens de l'expérimentation certain. En cette époque du tout standardisé, leur esprit libre séduit, et leur désir de ne rien laisser sur les étagères à quelque chose de touchant. Leur musique est certes très personnelle et assez hermétique, mais ce mélange de Hard Rock lourd, de psychédélisme 70's, et d'interprétation free des lignes Post Metal actuelles est assez frais, et peu convenir pour peu que vous cherchiez une musique qui vous permettra de vous évader et de laisser votre esprit vagabonder.

Quant à savoir si l'idée de sortir une centaine d'album sur un an est pertinente, nous en sommes encore assez loin.
Mais après tout, ils font ce qu'ils veulent non ?