"DEADLY CARNAGE est une créature qui a plusieurs aspects. Si je devais faire une définition, je dirais que notre musique est un croisement entre un Black Metal moderne et du Doom avec des divagations progressives, du moins en ce qui concerne Sentiero II".

Du moins en ce qui concerne Sentiero II.

Qu'il a eu raison de préciser, l'ami Adres. Et pourtant, au moment où les Italiens de DEADLY CARNAGE ont assuré la promotion de leur second album en nos pages, nul ne pouvait deviner que Manthe serait à la fois si proche et si lointain de Sentiero II. Nous en avons maintenant la certitude, et définitivement, qu'il a eu raison de préciser. Car en fait, de Black Metal moderne et de Doom avec des divagations progressives, il n'y en a plus que des ébauches, des esquisses, des fragrances. A ma grande surprise, ce groupe transalpin plutôt destiné à la discrétion de son Black intense mais terriblement underground, a trouvé les ressources pour surpasser l'éclair de génie entraperçu sur "Ceneri" et en faire toute la luminosité de son nouvel opus.

A l'instar du dernier BEHEMOTH ou de SHINING sur un plus long terme, l'expérience artistique vécue sur Manthe est le reflet d'une introspection longue et douloureuse. Si musicalement, DEADLY CARNAGE ne se rapproche pas vraiment des deux précités, dans l'approche spirituelle, ésotérique, romantique de son œuvre, ils peuvent rivaliser. Nous serons tout autant happés par ces réverbérations mystiques, ces lignes mélodiques poignardantes, cette détresse teintée de décadence que par l'aisance avec laquelle ces musiciens semblent avoir écrit leurs morceaux. Composé entre septembre 2011 (juste derrière la sortie de Sentiero II donc) et mai 2013, l'album démarre par le fascinant "Drowned Hope" et son entame relâchée qui annonce l'arrivée proche d'un Black Metal beaucoup plus vicieux et expérimental, emmené par les vocaux inspirés de Marcello. Un peu comme se plait à le faire un Niklas Kvarforth des mauvais jours, ce vocaliste rejette toute forme de norme académique et déploie un chant transcendantal dont l'intensité varie selon le feeling des compositions. "Dome Of The Warders" par exemple, revêt des couleurs plus chaudes, des riffs plus "heureux", comme peuvent paradoxalement en écrire certains groupes de Rock dépressif / DSBM. Le tout est porté vers les cieux par la présence finale d'une flute (tenue par Stefano Galassi) qui va jusqu'à évoquer le caractère épique d'un SUMMONING. Dans un autre registre, le tempo lent et caniculaire de "Beneath Forsaken Skies" couvert des grognements de Marcello fera forcément un peu penser à la mine patibulaire du "Accuser / Opposer" de MARDUK. Chaque piste regorge de détails, d'arrangements, de variations. "Il Ciclo Della Forgia" est l'écho patriotique de "Ceneri" car chantée en italien, "Electric Flood" est l'explosivité d'un Black Metal plus primitif, "Manthe" est la conclusion éponyme de quinze minutes qui en paraissent deux. Tout ça repose sur une musique extrêmement bien écrite, parfaitement exécutée, techniquement au niveau. Mais je répète à qui veut l'entendre que DEADLY CARNAGE a franchi ici une étape spirituelle qui fait l'unique différence d'avec Sentiero II.

Si je devais faire une définition, je dirais que leur musique est un croisement entre un Black Metal moderne et du Doom avec des divagations progressives, du moins en ce qui ne concerne pas Manthe. Manthe est autrement plus complexe, infiniment plus creusé. Manthe jamais ne tombe à l'eau. D'album en album, DEADLY CARNAGE n'en finit pas de surprendre et de se hisser une fois encore parmi les sorties marquantes d'une année. Que de chemin parcouru depuis les errances de Decadenza ! Décadence. Ces Italiens auront évolué en sens inverse.