Inaugurons aujourd'hui la rubrique, "Il n'y a que les imbéciles et les omniscients qui ne changent pas d'avis". Sachant qu'à part Dieu et éventuellement Kim Jong-un nul n'est omniscient, je me range moi même avec une grande objectivité dans la catégorie des imbéciles. Enfin, jusqu'à aujourd'hui, puisque je viens de changer d'avis. Alors.

Je l'avoue, le Death Metal me saoule. Grave. J'ai été enthousiasmé à la fin des années 80, début des années 90 par les mentors du style, DEATH, OBITUARY, MORBID ANGEL, la vague nordique des GRAVE, DISMEMBER, ENTOMBED, UNLEASHED, etc. Mais depuis, je trouve que l'affaire tourne salement en rond. Et je mets tout le monde dans le même panier, pas de distinction. CYNIC que je vénérais tourne en rond, MORBID est tombé dans des délires techno (que j'adore attention, mais plus rien à voir avec les origines...), et je ne parle même pas du Deathcore, genre mort-né dès le départ. Je dois concéder un très bref regain d'intérêt lorsque la Suède à accouché de la seconde vague de Néo Death, avec les AT THE GATES, SOILWORK et consorts, mais ça n'a duré qu'un très court instant. Depuis, je fuis comme la peste ce style qui ne m'apporte rien, puisque je pars du principe qu'il vaut mieux ne rien dire que dire du mal gratuitement.

Alors, lorsqu'un de mes contacts/musicien d'un célèbre réseau social me faisait remarquer à juste titre que votre webzine préféré n'avait encore publié aucune prose dédiée au premier album de son groupe, je m'empressais de lui promettre de réparer cette erreur le plus rapidement possible. Ce que je commençais à faire ce soir, jusqu'à la lecture de la bio dudit groupe, TEMNEIN. Et là, catastrophe, dès l'entame du document en question, je tombe sur ce court préambule clair et net : TEMNEIN est un groupe de Death Metal Mélodique et Progressif. Bon. Je commençais déjà à réfléchir à un nombre incalculable d'excuses à lui présenter lorsqu'il n'allait pas manquer de s'enquérir de l'avancée stagnante de la chronique en question, jusqu'au moment où j'ai écouté les premiers morceaux de 404 B.C.

Il me fallait l'admettre, malgré mon aversion et mes préjugés, l'album était très bon, et son écoute fort agréable. Et du coup, je n'étais plus un imbécile. Mais juste un mec qui avait osé aller contre ses impressions de départ.

TEMNEIN est un groupe honnête tout d'abord, précisons le. Leur musique est en effet du Death Metal mélodique et progressif. Et pour être précis, technique, sans jamais devenir démonstratif. Il est de qualité, parce que les cinq musiciens (Valentin - batterie, Florian - guitare / choeurs, Yoann - chant, James - guitare et Julien - basse) ont pris soin de composer des chansons, et non pas une simple succession de riffs usés jusqu'à la corde joué à l'envi et posé sur des mélodies pauvrettes et éculées. L'album est bon, parce qu'il multiplie les emprunts en les rendant personnels. Sur l'intégralité du LP, mais aussi au sein d'une même composition. Le Heavy, le Thrash, le Death sont autant de genres auxquels le quintette fait référence, en les poussant dans leurs derniers retranchements pour en tirer leur substantifique moelle. On a même droit à des choses surprenantes, comme ce break limite Funky aux deux tiers de "The Realists" qui peut sembler anecdotique mais qui en dit long sur la philosophie des instrumentistes.

Le premier nom qui vient à l'esprit à l'écoute de 404 B.C. est bien sur SOILWORK. mais juste pour cette façon d'aborder les passages harmoniques, avec quelques similitudes dans les mélodies, rien de plus. Mais ce sont plutôt d'autres exemples qui m'ont persuadé du bien fondé de la démarche de TEMNEIN. Ainsi, de nombreux passages m'ont ramené vers KREATOR, époque Terrible Certainty, pour ce phrasé rapide et saccadé du chant de Yoann. S'il est vrai que les Allemands pour leur refus de tout compromis ont influencé pas mal de combos d'obédience Death, leur patte se fait de moins en moins sentir avec le temps, et ce parfum m'a bien fait plaisir.

Je ne jouerai d'ailleurs pas plus longtemps au petit jeu des influences, tant ce serait péjoratif et déplacé.
Et de mauvais ton à l'égard d'un groupe qui commence son album par un titre aussi définitif que "Self Division", qui m'a presque à lui seul réconcilié avec le style. Tout est là, en six minutes, la froideur apparente d'un FEAR FACTORY, le traitement mélodique d'un AT THE GATES, avec ces arrangements Thrash qui donnent encore plus de saveur à l'ensemble. Si vous ajoutez à ça, un riff moteur qui reste un des plus accrocheurs que j'ai entendu depuis très longtemps, et des soli inventifs, la messe est dite.

J'ai déjà parlé brièvement de "The Realists" pour son soubresaut créatif, et je le remets en avant, puisqu'il fait définitivement partie de mes préférés. Le mot "progressif" prend avec lui tout son sens, et c'est le genre de titre qui placé à ce moment là, vous fait réaliser à quel point les musiciens en ont encore sous le coude. Tout y passe, break Heavy presque à la MAIDEN période Powerslave, intermède groovy, riffs plombés qui s'empilent sur la table, d'une manière cohérente, et sans que le moindre élément ne paraisse rapporté.
Si chaque morceau à sa propre couleur, le pavé central "Bright Knife" se taille quand même la part du lion, et assure vraiment dans le créneau "épique et mordant à la fois", avec ses treize minutes qui ne se répètent jamais et qui ont chacune leur raison d'être. Une fois de plus, les guitares se montrent curieuses, la rythmique se balade sans jamais se perdre, guidée par un chant vindicatif et évolutif qui fascine.

En bonus, j'évoquerai l'épilogue de 404 B.C., "Thirty Tyrants", qui boucle ce premier chapitre avec un brio insolent, proposant encore de nouvelles idées, et notamment une liberté acoustique presque Pop, délicieuse surtout lorsqu'on pense que tout à déjà été dit.

Alors non, décidemment, je n'avais pas envie être un imbécile. Et merci à TEMNEIN de m'avoir permis d'éviter ce constat lénifiant à l'aube de mes quarante trois ans. Leur 404 B.C. est une parfaite réussite, tant il propulse le Death dans des territoires fertiles et évite les poncifs et les facilités, tant il s'écoute de deux oreilles attentives pour le nombre impressionnant de pistes qu'il explore, tout en restant puissant, efficace, et apte à déclencher de sévères crises de headbanging chez tous ceux qui l'écouteront. Pertinent, décoiffant ET intelligent.

Je vous le dis, il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis. Dont acte.