ISIS faisait partie de ces groupes trop humbles pour supporter la popularité croissante que leur talent ne pouvait qu'imposer, album après album. Estimant avoir été au bout de sa démarche artistique, le groupe se saborde en 2010 alors que toutes les portes semblaient s'ouvrir à lui. Une décision courageuse... Sur laquelle Aaron Harris (batterie), Jeff Caxide (basse) et Bryant Clifford Meyer (guitare) vont s'empresser de revenir dès l'année suivante. Peut-être ont-ils réalisé que ce qui leur manquait en tant que groupe n'était autre qu'un frontman capable d'assumer pleinement ce rôle et un nouveau nom qui les libère de tout carcan stylistique, pour enfin capter toute la lumière qu'ils méritent ; à l'image d'un palmier californien hissant son tronc bien haut pour déployer son feuillage au plus près du soleil... Et avec Chino Moreno derrière le micro, PALMS ne devrait pas en manquer, de lumière.
Ceux qui voulaient voir dans PALMS une continuation d'ISIS avec un meilleur vocaliste devront se faire une raison comme les fans de RAGE AGAINST THE MACHINE en leur temps : le groupe qu'ils aimaient tant a cessé d'exister en 2010. On retrouve bien les longues compos atmosphériques, cette propension à laisser les motifs musicaux muter en douceur au fil de leurs répétitions, mais le son et l'intention ont changé. Meyer préfère désormais clairement la reverb' à la disto'. Harris a renoncé à brutaliser ses futs. Quant à Caxide, il se prend désormais pour Simon Gallup ! Ecoutez la basse sur "Patagonia" : du CURE, tout simplement. Ce ne sera pas la seule similitude avec le groupe de Robert Smith que l'on rencontrera sur cet album. Moreno lui-même n'a jamais caché son amour pour la New Wave, et THE CURE en particulier. Bien que DEFTONES soit assez versatile pour lui laisser le loisir de faire quelques incursions - toujours réussies - dans ce style, le gang de Sacramento n'en demeure pas moins un authentique groupe de Metal. C'est pourquoi, dès que son agenda chargé le lui permet, Chino s'offre l'occasion de s'exprimer sans retenue dans un registre plus doux via un side project : TEAM SLEEP, CROSSES... Et maintenant PALMS. Aussi, on ne s'étonnera pas si les hurlements suraigus omniprésents chez DEFTONES se font ici bien plus rares au profit d'un chant clair moins plaintif et grinçant qu'à l'accoutumée. L'accord avec les compos des ex-ISIS se révèle parfait ; chacun imprimant sa personnalité et son héritage sur une musique qui doit autant à ISIS qu'à DEFTONES... et aux CURE ! C'est particulièrement flagrant sur le sublime "Future warrior", qui justifie à lui-seul l'achat de l'album et ne déparerait pas sur Disintegration, le chef d'œuvre de qui-vous-savez. Onirique, planante et sombre à la fois ; telle est l'atmosphère que cultive PALMS tout au long des sept plages qui composent l'album, au risque de voir la monotonie pointer son nez dans les moments les moins inspirés. Ce n'est pas que l'on s'ennuie, loin de là, mais davantage de variations n'auraient pas fait de mal. De plus, les compos d'ISIS étaient construites autour de riffs particulièrement intenses et bien sentis sur lesquels le groupe brodait à loisir. Privés de cette ossature, les morceaux, toujours aussi longs peuvent parfois sembler un peu vides.
Certes, quelques coups de rabot ici où là auraient pu servir, et certains pourront regretter que PALMS n'ait pas emprunté un peu du sens de la concision propre aux DEFTONES. Mais il faut garder à l'esprit que cet album ne se livre qu'à la faveur d'une écoute contemplative, dénuée de toute attente, la main autour d'un bon verre plutôt que de la télécommande. Si malgré tout, l'envie compulsive de pianoter sur un bidule plein de touches vous prend, allez donc sur Youtube visionner l'émouvante vidéo réalisée pour "Mission Sunset", l'autre moment fort d'un opus qui souhaitons-le, ne restera pas sans successeurs.