N.K.V.D. (FRA) - Hakmarrja (2014)
Label : Avant Garde Music
Sortie du Scud : 17 octobre 2014
Pays : France
Genre : Dark Black Industriel
Type : Album
Playtime : 10 Titres - 41 Mins
En empruntant ses initiales à la milice russe de sinistre mémoire pour en faire son patronyme, Loïc F savait exactement ce qu'il faisait. Quoi de mieux en effet que de se couvrir de l'emblème d'une des "polices" les plus répressives du monde moderne pour dénoncer les abus du totalitarisme ? Car c'est bien de cela dont il s'agit. En lisant le nom du groupe, NKVD, en observant l'iconographie usitée, et en écoutant leur musique, l'auditeur lambda pourrait facilement tomber dans la même confusion qui agitait les esprits lorsqu'on évoquait LAIBACH par exemple, et rejeter en bloc les travaux de Loïc. Mais il faut bien sur aller plus loin, creuser un peu, et faire preuve d'une certaine curiosité. Certes, la provocation n'est pas dénuée de risques, mais la musique et l'attitude de NKVD sont en parfaite adéquation avec le concept choisi. Sans ambivalence, sans ambiguïté. Point.
Levons de suite une autre méprise possible. Ce NKVD là n'a rien à voir avec celui de Lorient responsable en 2011 d'un Degeneration, qui défriche aussi des terres industrielles, mais sous couvert de recherches plus Death.
Celui dont nous parlons aujourd'hui a été fondé à Montpellier, puis s'est exilé à Paris. Et sa musique est sombre, beaucoup plus sombre. On pourrait parler d'éléments Black bien sur, pour ce chant hanté, d'Indus pour ces rythmiques lourdes et martiales, d'Ambiant pour ces thèmes noirs comme la nuit développés à outrance, et il est vrai que NKVD, c'est un peu tout ça. Mais c'est surtout un mode d'expression clair, sous couvert d'expérimentations sonores très opaques.
Après un premier LP, Vlast sorti il y a trois ans, qui se focalisait sur les dérives oppressives du communisme, NKVD nous livre aujourd'hui ses vues sur le nazisme, la collaboration, la seconde guerre mondiale. Thème je vous l'accorde souvent abordé par les groupes Indus/expérimentaux, mais qui a le mérite ici de trouver une illustration sonore à la hauteur de son ignominie historique. Car Hakmarrja, aussi difficile d'accès soit il, touche au but de ses desseins les plus sincères. Mettre en musique les sentiments suscités par l'évocation de ce qui restera comme la partie la plus sombre de l'histoire mondiale contemporaine, avec son cortège d'horreurs, d'atrocités, d'injustices et de lâcheté.
Mais avant d'en arriver à cette conclusion nette et franche, il m'a fallu passer au travers d'un bloc incompressible de quarante minutes (jamais plus, comme son prédécesseur), qui a envahi mon espace sonore sans y laisser la moindre brèche. J'ai souvent eu l'impression d'être à la croisée des chemins les plus éprouvants de la musique extrême, en un point de convergence sur lequel LUSTMORD, DARK FUNERAL, et TERRA TENEBROSA auraient pu se retrouver.
Car le monde de NKVD est déshumanisé, dominé par de terrifiants discours/invocations rauques, des pulsations électroniques régulières et implacables, des plaques de guitares épaisses et graves, et par des arrangements stridents, oppressants et étouffants. L'album dans son intégralité n'est qu'une gigantesque chape de plomb qui s'abat doucement mais sûrement sur l'horizon, pour l'assombrir une fois la narration achevée. Il est un monde asséché de toute abnégation, de toute lumière, et son issue ("Excipit"), bien que plus apaisée, n'en est pas moins une forme de conclusion en forme de point final fatal et inéluctable.
Si cette outro utilise le même sample que le légendaire "Jours Sombres" de LES JOYAUX DE LA PRINCESSE, ça n'est pas un hasard. Le discours d'investiture du Maréchal Pétain est en effet pour des millions de personnes le véritable début de la tragédie française, et le point d'origine de son époque la plus troublante. Les deux groupes partagent en outre ce même désir de remettre l'histoire dans un contexte musical suffocant, à la différence que NKVD est considérablement plus massif et puissant que son homologue plus ambiant.
Si la majorité des pistes du disque forme un ensemble homogène, avec ses lancinances grandiloquentes et son tempo martelé lourdement, évoquant le lourd pas de la menace armée ennemi avançant vers son/notre destin, certains titres se démarquent de ce schéma pour ne pas que l'aventure ne tombe dans la répétition flagrante. Ainsi, introduit par le mythique "Maréchal, nous voilà", "Travail, Famille, Patrie" joue de ses roulements de tambour en écho pour contrebalancer un chant vomi comme une bile acide (à noter qu'ils sont deux à s'investir derrière le micro, l'énigmatique milanais Cod. 5111 se chargeant du gros du travail, laissant les parties additionnelles à l'estonien Arthur Von Darkwood), tandis que "Batallion Vostok" se place en interlude chargé d'arrangements poisseux.
Immédiatement suivi d'ailleurs par le morceau le plus atypique du lot, le terriblement Black "U.C.K" , virevoltant de ses blasts puissants, avec son chant pour une fois en arrière plan, et ses breaks massifs et assommants. C'est d'ailleurs le seul élément qui relie directement NKVD avec cette scène, et de manière flagrante. Le reste des analogies réside en un conglomérat de riffs ténébreux, plus d'ailleurs que ce chant qui se rapproche beaucoup plus du Dark ambiant malgré ses intonations caverneuses.
Et si certains esprits chagrins déploraient le mimétisme des segments de Vlast, qui rendaient l'entreprise redondante et lassante, la même erreur ne sera plus évocable ici, grâce notamment à cette introduction et cette conclusion, ainsi que ces deux autres titres qui se démarquent du monolithe global. Il est certain que la majorité des chansons sont bâties sur un moule similaire, mais loin d'être une faute de goût, c'est une volonté du créateur pour exprimer un sentiment, pour décrire un segment de l'histoire du vingtième siècle, qui avait érigé l'horreur en routine quotidienne.
Et Hakmarrja aurait pu en être la bande son, tant sa tension, sa force, son intensité en font un climax permanent, en adéquation parfaite avec les jours ténébreux qu'ont connu les populations mondiales à ce moment là.
Ajouté : Jeudi 29 Janvier 2015 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: N.K.V.D. Website Hits: 6006
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