Quelques secondes, dès l'entame de "Come And Dream With Me", suffisent pour identifier le nouveau compositeur dévoué au duo ALLEN / LANDE. Exit le guitariste suédois Magnus Karlsson (PRIMAL FEAR), place au revenant Timo Tolkki (ex-STRATOVARIUS) qui va enfin entrevoir le bout du tunnel. Dans la mesure où ses dernières productions discographiques (SYMFONIA avec Andre Matos, AVALON) n'ont guère convaincu, le six-cordiste finlandais peut savourer la chance d'avoir pu composer pour deux chanteurs d'exception. Car si Tolkki n'a pas vraiment révolutionné son style, il s'avère, à l'écoute de The Great Divide, que les timbres de Russell Allen (SYMPHONY X) et Jorn Lande (AVANTASIA, ex-MASTERPLAN) se prêtent à merveille aux 10 chansons écrites à cette occasion.

Cette remarque n'est en aucun cas une attaque contre Timo Kotipelto qui s'éclate toujours au sein de STRATOVARIUS, et n'oublions pas que les Episode (1996), Visions (1997) et Destiny (1998) demeurent les magnifiques témoignages d'une époque où l'association entre le petit chanteur finlandais et le lunatique guitariste battait son plein. Mais les performances trop lisses de Kotipelto avaient fini par laisser le grand Timo et en écoutant Jorn Lande livrer une prestation absolument énorme sur "Down From The Mountain", on ne pourra que lui donner raison. De là à dire, tout en se répétant, que Russell Allen et Jorn Lande subliment les chansons de Tolkki – évidentes, simples et efficaces – il y a un pas que nous franchirons aisément.

Au rayon des points noirs, mais en sont-ils vraiment, on relève par instants les difficultés éprouvées par Tolkki pour se renouveler : la rythmique de "Dream About Tomorrow" emprunte à celle de "Paradise" (le tube de Visions), le riff de "Come And Dream With Me" ressemble à celui de "I Did It My Way" de REVOLUTION RENAISSANCE. Mais comment bouder son plaisir quand on entend se succéder ces deux formidables chanteurs sur le titre d'ouverture ? Et au moins, The Great Divide permet à Russel Allen d'exceller sur des choses un peu plus directes qu'au sein de SYMPHONY X, "In The Hands Of Time" étant le parfait exemple, et "Reaching For The Stars" le contre-exemple ...
Avouons quand même que Jorn Lande tire son épingle du jeu, très à l'aise sur les passages puissants (le refrain de "Solid Ground") et les titres au tempo modéré ("Hymn To The Fallen", mais où est caché David Coverdale ?!!!). Si The Great Divide est déjà le quatrième album réunissant Russell l'Américain et Jorn le Norvégien, on ne cesse de s'extasier lorsque leurs voix se succèdent, se mêlent et s'accordent sur de parfaites mélodies. Sur "Dream About Tomorrow", Jorn prend le couplet, Russell se charge du refrain ... Frissons garantis. Et The Great Divide, c'est aussi l'occasion de rendre hommage à deux grosses influences pour Timo Tolkki et Jorn Lande, à savoir DEEP PURPLE et Ronnie James Dio (faites vos calculs et l'addition donnera RAINBOW). Il y a un je-ne-sais-qui du lutin dans la lourdeur mélancolique de "The Great Divide" (Jorn est au micro, évidemment), et quelques accents orientaux par-ci ("Lady Of Winter") par-là ("Hymn To The Fallen") évoquent le Pourpre Profond de Perfect Strangers.

Quant à Timo, en plus d'avoir pris plaisir à écrire pour ces deux frontmen, l'auditeur le moins aguerri remarquera qu'il a retrouvé de son aura guitaristique, ses soli apportant un plus indéniable (mention spéciale sur la ballade finale "Bittersweet" où les ombres de Malmsteen et Blackmore planent avec insistance). N'oublions pas le batteur Jami Huovinen (RING OF FIRE) qui complète ce line-up de rêve (c'est Timo qui joue la basse) et qui rend une copie plus qu'honorable, sans parler du mixage de Dennis Ward toujours un peu trop clinique mais vraiment pro. Tous les ingrédients sont réunis pour faire de The Great Divide un très bon album, quel dommage que Tolkki ne puisse pas bénéficier au quotidien d'une telle recette !!