Je ne saurais pas vous expliquer ce qui fait vraiment de BLACK STAR RIDERS un groupe si sexy. J'ai beau observer cette pochette et sa pin-up qui m'évoque les illustrations de Romain Hugault, je crois qu'il n'y a pas que ça. Peut-être parce que BLACK STAR RIDERS perpétue l'héritage sacré de THIN LIZZY, peut-être parce que quand j'écoute ce "all-star-band" je pense à ce métisse de Dublin au sex-appeal négligé, peut-être parce que Ricky Warwick incarne à mes yeux (et mes oreilles) le Rockeur ultime, peut-être aussi parce que BLACK STAR RIDERS fait le pont entre les sonorités irlandaises et le Rock américain. Peut-être un peu tout ça à la fois, en fait.

J'avais peur, lorsque All Hell Breaks Loose (2013) est sorti, que BLACK STAR RIDERS finisse par tourner en rond... Mais finalement, serait-ce si grave ? Autant le dire tout de suite, The Killer Instinct sent le THIN LIZZY à plein nez, et c'est tant mieux. Le quintet a remis le couvert, sans le bassiste Marco Mendoza qui ne tient décidemment pas en place, remplacé par l'ex-RATT Robbie Crane. Et si Joe Elliott (DEF LEPPARD) n'a pu se libérer pour produire The Killer Instinct, c'est Nick Raskulinecz qui a récupéré le poste, pour un résultat un peu plus pêchu que ce qu'on avait entendu jusqu'ici des BLACK STAR RIDERS. Point de grand changement donc depuis le premier opus, mais la sortie d'un disque où figure Scott Gorham constitue toujours un petit évènement. Pourtant le guitariste laisse quasiment carte blanche au duo Ricky Warwick / Damon Johnson pour composer la quasi-totalité du disque... Cette phrase de Johnson n'a rien d'anecdotique : "j'ai rejoint BLACK STAR RIDERS car j'étais excité de jouer avec Scott Gorham et Darren Wharton (clavier de THIN LIZZY qui n'a pas pris part à la suite des évènements), mais il m'apparaît évident aujourd'hui que j'ai intégré cette formation parce qu'il y avait Ricky Warwick !".

Comment un mec qui jouait du Metal pur et dur avec THE ALMIGHTY, et un type qui accompagnait ALICE COOPER, peuvent à présent nous pondre ce Rock savoureux, comme si ils avaient ça dans les gènes depuis le début ? Aucun doute possible, les "Bullet Blues", "Through The Motions" et "Charlie I Gotta Go" sont estampillés du cru THIN LIZZY, à grands coups de riffs funky ou saccadés que le génie Phil Lynott aurait accouché dans son époque glorieuse. Les double guitares ("The Killer Instinct", "Turn In Your Arms", "Soldierstown"), marques de fabrique indispensables, font mouche à chaque fois sans trop forcer : la mélodie semble un peu facile, et elle l'est, il n'empêche, elle rentre dans le crâne aussi rapidement qu'on descendrait une Kilkenny. Scott Gorham apporte sa patte atypique ("Sex, Guns & Gasoline", quand ses accords puissants et son groove témoignent de la classe du bonhomme). Et quand surviennent les "Finest Hour" (somptueuse ballade Rock où Johnson s'éclate à la slide-guitare, et Ricky fait son frontman un brin sensuel) et "Soldierstown" (ambiance Pub irlandais à grand coups de cris de piliers de bar), ce sont les vertes terres celtiques qu'on aperçoit à quelques collines d'ici.

On n'insistera jamais assez sur l'impact qu'au eu la vague d'immigration irlandaise vers le Nouveau Continent il y a quelques siècles. Un disque comme The Killer Instinct allie Blues ("Charlie I Gotta Go"), Rock (écoutez "You Little Liar" et son super solo) et musique traditionnelle comme si le folklore irlandais et la musique américaine n'avaient toujours fait qu'un. Même la ballade "Blindsided" finit par s'énerver et prendre aux tripes, et puis bon sang ce solo, quel feeling... L'élève dépassant le maître, impossible de savoir qui de Gorham ou Johnson régale à cet instant.

J'avais peur de m'emballer au départ avec The Killer Instinct, mais la lassitude ne gagne pas votre serviteur et même les quelques points noirs finissent par susciter mon attachement à ce nouvel effort. Après tout, il y a bien des années qu'aucun combo n'avait proposé ce genre de musique... Et encore, procurez-vous l'édition collector, vous aurez droit à des titres de la trempe de "The Reckoning Day", ce Boogie-Blues-Rock qui bouge bien... Voilà qui donne envie de se replonger dans les 70's, quand les mecs tapaient des bœufs pendant des heures, ré-écouter les premiers WHITESNAKE, ceux de THIN LIZZY bien sûr, redécouvrir Rory Gallagher ou un petit WISHBONE ASH. Cette nostalgie là, elle fait du bien, et c'est à BLACK STAR RIDERS qu'on la doit.