Derrière sa bonne gueule de brulot techno-thrashy, X dissimule la quintessence du genre musical pour lequel vous n'êtes absolument pas venu sciemment en ces pages. Loin de toute brutalité, de toute énergie négative, de toute haine ou de tout confort, TRIBAL TECH redéploye ses ailes dans le style musical qui l'a vu naitre en 1984, après douze années d'absence. Icône dans sa catégorie, prophète en son pays, le quatuor, formé autour du brillant Scott Henderson, a connu après la sortie de Rocket Science en 2000 une période de trouble sans précédent qui a vu les musiciens se consacrer à leurs carrières solitaires respectives. Un mal pour un bien me direz-vous, tant le retour évoqué puis annoncé en mars 2011 de ces maitres en matière de Rock progressif et Fusion a passionné le microcosme américain. Un an plus tard fut lâché X, leur dixième album studio.

Réuni autour de son line-up original et originel (Scott Henderson à la guitare, Gary Willis à la basse, Scott Kinsey aux claviers et Kirk Covington à la batterie), TRIBAL TECH n'a manifestement rien perdu de son talent et de son aura. Signant un album aussi singulier que particulier, le combo américain s'éclate avec son Rock instrumental, délirant et strié d'infinies ressources rythmiques, qu'il s'agisse d'un jazz un peu langoureux ou d'un blues électrique. La Fusion dans toute sa profondeur thématique, capable de manifester dans un battement d'aile rétro beaucoup de quiétude, d'optimisme. Les effets lénifiants de "Got Faith N' Phat" ou de "Anthem" se font tout de suite ressentir, et c'est d'ailleurs ce côté léthargique à terme qui desservira principalement X. Il faut réellement se sentir investi et touché par la grâce du Rock progressif nonchalant pour détecter du premier coup d'oreille les spécificités techniques de cet opus. Non pas qu'on met du temps à capter que Scott Henderson est un guitariste d'envergure (qu'en dirait Clapton ?), mais il faut par exemple accorder due nombreuses minutes à une composition comme "Let's Get Swung" pour en apprécier la diversité, et je ne parle même pas d'"Ask Me A Question" et de ses touches orientales ou de "Corn Butter" qui fait musique de porno soft des années 90. Destiné malgré lui à se répandre en fond sonore, cet album fait parfois des merveilles et suscite épisodiquement un engouement quasi-total. Le souci, inhérent au style pratiqué et indissociable, c'est que les morceaux sont assez longs (4 sur 10 excèdent les 7 minutes) et que dans sa globalité, X joue trop sur la même corde (façon de parler) pour passionner. Ce full-lenght est interminable et l'absence de parole couplée à l'omniprésence des pianos, synthés et claviers en rajoute à cette impression de surdosage ressentie par l'auditeur lambda, qui ne rêvera que d'un bon growl caverneux pour secouer tout ça.

Sans la moindre hésitation possible, le retour de TRIBAL TECH est une vraie bonne nouvelle pour tout amateur de Rock jazzy et cotonneux. Sur un petit nuage durant une heure complète, les Américains se font plaisir et entraineront dans leur sillage arc-en-ciel un public néophyte qui se laissera agréablement surprendre par cette folie douce. Pas au point de vénérer X sur l'autel de la Fusion binoclarde, mais suffisamment pour céder à leurs avances le temps d'un flirt.