AKHLYS (usa) - The Dreaming I (2015)
Label : Debemur Morti Productions
Sortie du Scud : 20 Avril 2015
Pays : Etats-Unis
Genre : Black Metal Ambient
Type : Album
Playtime : 5 Titres - 46 Mins
Chroniquer un disque, ça commence souvent par une longue errance dans les méandres sombres du net, à la recherche d'une ombre qui se dessine, qui se cache derrière un paravent de pages insipides au contenu pathétique... C'est presque une quête en soi, à partir du moment où on choisit de ne parler que des choses qui nous semblent dignes d'intérêt.
Cette quête reste parfois vaine, mais lorsqu'elle s'avère fructueuse, elle laisse un goût délicieux dans la bouche, spécialement lorsqu'elle débouche sur la capture virtuelle d'un groupe peu ouvert au grand public. Cette sensation d'avoir pu toucher du doigt un petit bout d'underground, pas encore souillé par les autocollants, les T-shirts ou les slogans griffonnés sur un blog.
Le Black Metal, par essence, touche une cible jeune, qui aime à se croire sans espoir, différente et misanthropique. Et certains ensembles jouent le jeu, en lâchant un marketing à la hauteur des attentes, et inversement proportionnel à la qualité qu'on est en droit d'exiger d'un LP. D'autres, ne voient en ce style qu'un mode d'expression minimaliste, permettant d'enregistrer à tour de bras de mauvaises démos sans inspiration, et cautionnées par une soi-disant "evil production". Mais un magnétophone de mauvaise qualité, un riff unique qui tourne en boucle n'ont jamais été les garants d'une éthique qui prend un peu la forme qu'on veut bien lui donner.
Alors... Qu'en dire au final, puisqu'il est difficile de remettre en cause les desseins des musiciens concernés... Il ne faut rien en dire, ou si peu, et continuer à chercher, pour tomber sur LE bon exemple, celui qui justifie une recherche qui prend des allures de labyrinthe en impasse, dans l'espoir de trouver une illustration sonore valide et surtout, méritant qu'on lui consacre quelques lignes et quelques heures de sa vie.
Aujourd'hui, ma quête à été couronnée de succès, doublement. Non seulement j'ai trouvé en très peu de temps matière à digresser, mais cette prose concernera en sus un groupe se consacrant à la pratique d'un Black Metal de très haute volée, à mi chemin entre le classicisme et le chaos harmonique.
AKHLYS est un one man project, celui de Naas Alcameth, figure de proue de NIGHTBRINGER. On le retrouve derrière chaque instrument, chaque rythmique, chaque arrangement, et dire que l'homme est créatif et talentueux relève de l'euphémisme presque honteux.
Doté d'un son phénoménal, son The Dreaming I est en passe de pouvoir prétendre au titre de meilleur album de Black de l'année, voire tout court. Faisant suite au monolithique Supplication, constitué d'une seule pièce de trente sept minutes, il peut - même s'il est découpé en cinq actes - être appréhendé de la même façon. Si chacun des titres à sa raison d'être en tant que tel, la symphonie qu'ils forment une fois mis bout à bout est envoûtante, riche, pénétrante, intrigante et vole votre esprit pour l'emmener ailleurs, vers des rivages si froids que même la mort n'ose y apparaître.
J'ai la plus grande méfiance à la base pour le Black qui se veut ambient. J'y vois souvent une fumisterie destinée à cacher une pauvreté d'inspiration, et qui permet de remplir des albums de brouhaha à rallonge qui n'en n'ont de chansons que le nom.
Dans le cas d' AKHLYS, c'est tout l'inverse qui se produit.
Il est bien évidemment conseillé d'écouter The Dreaming I dans son intégralité. Mais si vous souhaitez vous en faire une idée sans vous y immerger complètement, je vous conseille de vous plonger dans les affres romantico-mystiques de la longue litanie "Consummation", qui "résume" en presque dix sept minutes tout l'art d'un musicien extraordinaire.
Ce morceau, long, hypnotisant, et magnifiquement mélancolique pourrait se poser en synthèse parfaite de tout ce qui fait du Black une musique unique, et passionnante. Soufflant le chaud et le froid, ne s'impliquant dans l'ambient que pour en retenir les aspects les plus pertinents, à savoir la création d'ambiances donnant à l'ossature du titre le relief dont il a besoin, c'est un tour de force magnifique et presque magique, tant on à le sentiment d'écouter un LP complet concentré en une seule piste. Arrangements de luxe, qui feraient passer EMPEROR pour un chantre du Raw Black, voix habitée, mélodies vénéneuses, c'est au moins un chef d'oeuvre absolu, au mieux un des plus grands morceaux que le Black nous a offert...
Mais loin de se contenter de jeter toutes ces forces dans cette démonstration, Naas récidive sur pratiquement tout l'album, et fait du titre éponyme un cauchemar sonore, qu'on ne souhaiterait pour rien au monde voir se matérialiser en images. Plus volontiers classique, "The Dreaming Eye" hante un tapis rythmique fait d'une double grosse caisse qui martèle sans relâche le même tempo martial, tandis que des harmonies fantomatiques surplombent le tout avec une majesté d'outre tombe. Voix rauque, qui ne tombe jamais dans l'outrance, guitare acide qui répète un motif possédé, et voyage qui se termine dans des ténèbres absolues, presque dans un chaos assourdissant durant lequel les arrangements atteignent un paroxysme presque symphonique affolant.
Ne reste plus à "Into The Indigo Abyss" qu'à refermer le livre, avec son cortège de sons étranges, comme si le réveil de ce rêve aux teintes passées et effrayantes ne pouvait se faire que dans un silence synonyme de fin absolue.
D'aucuns m'accuseront après lecture de cette chronique de tomber dans la dithyrambe spontanée, affecté par l'écoute d'un album qu'ils jugeront certes bon, mais qui selon eux n'atteint pas les standards d'exigence. Mais je sais avec le temps reconnaître une oeuvre qui laissera une trace, non parce qu'elle est novatrice ou avant-gardiste, mais tout simplement parce qu'elle frise une perfection musicale qui a eu tendance au travers des années à se faire trop rare.
Je ne sais pas si dans dix ou quinze ans on parlera de The Dreaming I comme on parle de De Mysteriis Dom Sathanas, Aske, ou In The Nightside Eclipse. Et à la rigueur, je ne sais pas si la question à une quelconque importance.
Jugeons cet album pour ce qu'il est, la démonstration que le Black a encore beaucoup de belles et puissantes choses à dire, et que tant que des hommes comme Naas Alcameth s'y investiront corps et âme, il aura encore de belles années devant lui.
Et remercions par la même occasion le label français Debemur Morti de nous offrir des albums de cet intérêt.
Ajouté : Mercredi 12 Août 2015 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Akhlys Website Hits: 7006
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