Visiblement on s'amuse bien du côté de Grenoble... On tombe sur des bandes d'olibrius pour qui le mot "silence" n'a de sens que s'il sépare deux pistes bruitistes à haute teneur en chaos foutraque désorganisé.
On connaissait déjà le SATAN anglais, féru de NWOBHM et de Heavy classieux, il nous faut depuis 2009 compter sur son homonyme bien de chez nous qui a choisi une tout autre voie...
Evil Grindcore ? Possessed Punk ?
Voici donc des situations intéressantes...
Quant à l'énoncé des titres, il prête à sourire. Bien loin des débordements porno ou gore de leurs compagnons d'armes, les SATAN préfèrent la dérision, et se rangent plus volontiers aux côtés d'ANAL CUNT que de GRONIBARD.
"La Chute de Rome vue par Lucrèce", "Louise Vernet, Femme de L'artiste, sur son lit de Mort", "Tout me fait Rire", "Devenir Aveugle" sont quelques exemples des exactions terriblement sonores qui vous attendent sur ce premier "longue durée" des Grenoblois. Produit et mixé par Yann Ha près de Toulouse, L'odeur du Sang est un LP terriblement atypique et surtout, très attachant.

Même si la tonalité générale de l'effort est incroyablement dense et bordélique, et difficilement classable, on peut affirmer sans risquer de se tromper que SATAN joue une sorte de Punk Hardcore diffus, à la frontière du Grind et du Black parfois, sans se préoccuper d'une quelconque forme de musicalité, au point même d'oublier les structures en route. Certains morceaux ne fonctionnent que si vous les prenez comme forme d'expression de base, sans vous soucier d'une quelconque intro ou d'un éventuel refrain. Mais ce qui aurait pu s'avérer handicapant si la démarche n'avait pas été assumée jusqu'au bout relève ici du bonheur complet, tant le groupe se plaît à pousser sa formule dans ses derniers retranchements.
Folie totale, dégénérescence, exploitation du chaos comme vecteur de communication, L'odeur du Sang déborde d'enthousiasme, et semble avoir été enregistré par des malades mentaux découvrant la pratique d'un instrument. Cette sensation est accentuée par une production massive, sourde et pas totalement polie, mais surtout, par une énergie et une démence qui laisse pantois. On pense parfois à une démo enregistrée par un obscur groupe de Black norvégien au début des années 90 (les paroles sont comment dire... difficilement déchiffrables), un peu comme un jeune DARKTHRONE qui aurait assimilé plus tôt que prévu les préceptes du Black N'Roll.

Rock, SATAN ne l'est assurément pas, et on se demande bien d'ailleurs comment les décrire fidèlement. La tâche s'avère vite impossible, et c'est tant mieux car leur musique dépasse le cadre strict du langage, puisqu'ils ont créé le leur. Tous les courants extrêmes y passent, avec certaines dominances, parfois Black corrosif ("Der Amokläufer"), Hardcore/Grind aux inclinaisons un peu Oï ("Ero Guro Kommando"), MOTÖRHEAD meets DARKTHRONE ("Pierre François Lacenaire"), bordel intégral qui fait mal à la tête ("L'amour me Hait", tu m'étonnes...), enfin en gros, SATAN utilise toutes les armes à sa disposition pour retranscrire fidèlement toutes les idées loufoques et bordéliques qui lui vrillent les neurones.

Comme d'habitude, certains hurleront à l'arnaque, évoquant un non sens musical total, mais je préfère laisser cette frange de la population dans le confort douillet de son intolérance musicale, en les conchiant de loin. Si SATAN ne fait pas dans la dentelle et se frotte dangereusement le cul sur le mur séparant la violence du foutoir éparpillé, c'est en grande partie ce qui fait son charme. En brouillant les pistes par une démonstration chaotique ultime mixant tous les arguments les plus extrêmes des tendances extrêmes, le groupe fait transpirer une étrange folie des sillons de son disque, qui devient franchement séduisant au bout du compte.

Frais mais putride, enflammé mais glacé, leurs Enfers ont des allures de joyeuse fête/massacre bien paillarde, et gageons que leur maître des Hadès, aussi menaçant soit il, ne crache pas sur une bonne blague bien second degré.

Et franchement, avec une pochette et des titres pareils, a quoi SATAN on ?