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PRIMORDIAL (ie) - Where Greater Men Have Fallen (2014)






Label : Metal Blade Records
Sortie du Scud : 24 novembre 2014
Pays : Irlande
Genre : Pagan Metal
Type : Album
Playtime : 8 Titres - 58 Mins





Tel un homme guidé par ses derniers pas avant son grand voyage vers le néant, j'ouvre machinalement, délicatement et avec un certain fatalisme le contenu de cet album de PRIMORDIAL. Et je devine, je pressens, j'appréhende et je sais que l'écriture de cette chronique sera longue, douloureuse et pénible. Sorti il y a quelques mois maintenant, Where Greater Men Have Fallen m'a tellement mis par terre qu'il m'aura fallu du temps pour accoucher de quelques lignes, de toute façon bien peu explicites et bien inoffensives. Jamais les mots ne seront assez forts pour décrire à quel point Where Greater Men Have Fallen m'a profondément touché. Telle la gifle qu'inflige le vent d'Irlande sur nos joues plus froides que celles d'un enfant à la peau pâle, il rouvre les blessures jamais cicatrisées, il rappelle qu'il nous reste sûrement peu de temps à vivre, et il s'immisce au plus profond de nos âmes pour ne plus en sortir.

Where Greater Men Have Fallen est un album qui, quel que soit son auditeur, lui rentrera dans les entrailles et réveillera en lui ses sentiments les plus enfouis. Il appartient à ces disques qui ne se comprennent pas tant qu'on ne les a pas écoutés dans un calme religieux (il faut prononcer ce mot à haute voix pour saisir la portée libératrice de Where Greater Men Have Fallen). Même si Nemtheanga reste un critique acerbe des pouvoirs de la religion ("Mon absence de foi n'était pas la bienvenue ici ... Tels des martyrs nous étions nés pour mourir").

J'aimerais me contenter de vous dire, comme à l'accoutumée, que les guitaristes Michael O'Floinn et Ciaran MacUiliam se sont chargés de composer la plupart de ces musiques tragiques, somptueuses et envoutantes. Que les influences celtiques, ancrées en PRIMORDIAL comme des signes ancestraux gravés dans la roche, restent omniprésentes. Que les arpèges hypnotiques ("Born To Night") agissent comme une drogue dont on ne se passerait plus. Que les accords et riffs empreints de mélancolie ("Come The Flood", "Wield Lightning To Split The Sun") produisent aussi cet effet de dépendance exacerbée, à mesure que chaque titre se rallonge à l'infini. Que la batterie tribale de Simon O'Laoghaire fait battre le cœur de PRIMORDIAL sans temps mort. Que les guitares s'envolent parfois pour des soli aussi tristes que l'infinie désolation ("Babel's Tower", "Come The Flood", "Wield").

J'aimerais pouvoir me contenter de vous livrer une analyse très journalistique de Where Greater Men Have Fallen, en insistant sur le fait que ce diable d'Alan Averill Nemtheanga continue encore et encore de livrer une prestation époustouflante de sincérité, lui qui se livre corps et âme à chaque mot qu'il prononce, chuchote, hurle de colère ou de désespoir. La parenthèse TWILIGHT OF THE GODS n'aura pas suffi à rassasier son dévouement total à BATHORY, le titre éponyme attestant de l'amour éternel qu'il porte à l'œuvre de Quorthon. J'aimerais limiter Where Greater Men Have Fallen aux nouveaux hymnes que sont les "Wield Lightning To Split The Sun", "Where The Greater Men Have Fallen", "Come The Flood" et "Babel's Tower". J'aimerais me contenter de dire que PRIMORDIAL fait juste du PRIMORDIAL, à la perfection.

Mais Where Greater Men Have Fallen, c'est tellement plus que ça.

C'est un opus où ces mots empreints d'une noire poésie se savourent avec la même fascination que la musique qui les accompagne. C'est un chemin de croix personnel, et aucun autre groupe n'a jamais été capable de s'approprier la douleur de son auditoire. C'est comme ça que je l'ai vécu et entendu. Comme pour ne pas oublier que la frontière avec la démence n'est jamais bien loin ("le lien qui nous unit est la maladie de l'âme" cité dans "The Alchemist's Head" et son tourbillon de notes dérangeantes, dédiées au peintre et poète William Blake). Ne pas oublier la furie et l'horreur de la guerre ("Pour ceux qui ont enterré leurs enfants" ...), et la noblesse de ceux qui donnent leur vie pour un idéal ("il semble que les terres de liberté soient nées sur des tombes vides et froides"). Ne pas oublier que dans chaque être se dissimule une noirceur évidente ("Where Greater Men Have Fallen" se révèle très Heavy mais l'empreinte Black demeure et surgit par instants), qui ne demande qu'à s'extirper. A l'image d'ailleurs, des agressifs "The Seed Of Tyrants" et "The Alchemist" qui sonnent comme un retour aux sources, comme un écho au PRIMORDIAL d'autrefois, enfoui mais omniprésent.

Where Greater Men Have Fallen ne délivre aucun message d'espoir. Aucun. A force de conter l'innommable, l'odeur dégueulasse de la mort et l'idée que toute vie deviendra poussière, Where Greater Men Have Fallen finit par livrer sa dernière révélation. J'ai mis du temps, comme pour le disque dans son ensemble, à comprendre cette pochette (photo de Costin Chioreanu ou Miluta Flueras, je ne sais plus). Ce qu'on y voit, c'est l'apaisement. Enfin. Le repos. Alors j'ai écouté cet album, et encore, et encore, et encore. J'ai compris que nos démons ne nous quittent jamais, que tout ce qui nous terrifie nous accompagnera jusqu'au bout, et que l'on doit juste l'accepter. Il ne reste plus qu'à attendre la fin. Avec résignation ... et sérénité.

"Dans un terrible silence,
Vous vous teniez devant la fin du monde et glissiez vers le soleil
Aveuglé par ces signaux de feu qui brûlaient votre cœur
Et ces langues bouillantes de mensonges que nous étions devenus"

(Alan A. Nemtheanga, "Babel's Tower")



Ajouté :  Mardi 29 Septembre 2015
Chroniqueur :  NicoTheSpur
Score :
Lien en relation:  Primordial Website
Hits: 6030
  
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