EARTHMOTHER (usa) - Earthmother (2015)
Label : Auto-Production
Sortie du Scud : 23 juin 2015
Pays : Etats-Unis
Genre : Post Blackcore
Type : Album
Playtime : 8 Titres - 30 Mins
On peut aimer la sincérité, la franchise. Ne supporter que la concision, les propos simples et directs, c'est un choix. Mais on peut aussi de temps à autres se délecter d'abstraction, de circonvolutions, de chemins parallèles, qui sont difficiles à décrire, même lorsqu'on les arpente.
Ce postulat est valable au quotidien, comme dans l'art. La musique, art complexe et complet s'il en est, peut aussi se retrouver dans cette analyse. Certains groupes, tout au long de leur carrière seront resté fidèles à une ligne de conduite, sans en dévier, parce qu'ils croient en leurs principes. Rock, Metal, Thrash, peu importe le style, ils l'auront pratiqué sans minauder.
Un disque se dévoile à la première écoute parfois, et les options sont claires. D'autres au contraire surprennent, laissent dubitatif, mais aussi admiratif. On se pose des questions, on se demande quel est le but, l'origine, l'essence des idées, mais on reste subjugué par le culot, la volonté de proposer des intonations sinon nouvelles, du moins uniques et personnelles. Mais ces disques là sont rares, et pas forcément perçus de leur temps, nécessitant parfois une réhabilitation tardive...
Sans trop m'avancer, je pense que le premier album des floridiens de EARTHMOTHER fait partie de cette catégorie. Quintette fondé en 2013, c'est à un groupe très spécial que nous avons affaire. Se permettant des raccourcis de folie entre des styles diamétralement opposés, EARTHMOTHER est définitivement inclassable, tout en restant homogène et disons le, cohérent.
On retrouve dans leurs morceaux des éléments disparates. Du Black bien sur, traité à l'ancienne ou sous des vues contemporaines, du Post Hardcore, de l'atmosphérique, du Hardcore, du Shoegaze, le tout enrobé dans une fine couche d'éthique Punk sauvage, mais professionnelle.
Ecrit sur papier, le mélange semble roboratif, et indigeste. Couché sur bande, c'est une énorme surprise, une aventure unique qui suscite bien des émotions opposées, mais qui séduit, qui envoûte, et finit par emporter l'adhésion.
Certes, des efforts sont à faire pour apprivoiser leur musique, si tant est qu'elle puisse l'être. EARTHMOTHER n'hésite jamais à faire le grand écart entre l'agression pure et noire, et l'émotion brute et mélodique. Mais chaque sensation est transmise entièrement, sans être édulcorée, et provoque à l'oreille une impression presque digne d'une schizophrénie musicale.
Chaque titre est précieux, et surtout, à l'intelligence de rester concentré sur une idée porteuse en évitant le bavardage inutile. Mais dans le cas d'Earthmother, une idée seule se décompose en plusieurs thèmes. Il est rare qu'une chanson stagne sur le même plateau, et souvent, les bourrasques Black se superposent aux digressions Post, tout en intégrant des éléments Sludge, le tout avec une perfection frisant le génie.
Alors évidemment, le parallèle entre les fragrances peut choquer. Mais lorsque l'art atteint une telle maturation dans l'expérimentation, les sensations sont uniques.
Quel groupe serait capable, en à peine deux minutes et trente secondes d'aborder autant de courants que les floridiens sur l'épiphanique "Rust" ? Tout est là, tous les styles énoncés dans la présentation, tout comme sur "Sheep", gigantesque creuset dans lequel se fondent l'alternatif presque Emo des 90's, le Black des années 2000, et le Post Core actuel...
Cette constatation s'étend à l'album dans son intégralité, sans pour autant en définir chaque pièce. Parfois, EARTHMOTHER brouille les cartes, trouble les mélodies d'un venin subtil, met l'emphase sur la vitesse et la brutalité, et noie l'auditeur sous un flot incessant de torrents amers et tourbillonnants. Ainsi, "Vermin" s'éloigne des moments d'empathie calmant les ardeurs des précédents morceaux, et n'utilise que les embruns les plus sombres des genres abordés.
Et lorsque les cinq musiciens poussent le concept dans ses derniers retranchements, ils dérivent le long de leur propre courant, synthétisent leur façon de penser en exagérant volontairement ses préceptes, et se veulent plus noirs, plus mélodiques, plus dissonants, comme le démontre l'épique final "Sleepy Head".
Plus rapide, plus lourd, plus harmonieux... Plus... EARTHMOTHER.
Ce qui laisse vraiment abasourdi, c'est cette faculté d'être aussi talentueux et crédible dans les extrêmes. Les parties en chant clair laissent filtrer des voix douces et apaisantes, tandis que les cicatrices Black génèrent des hurlements assourdissants. Aucun des deux versants n'est privilégié, aucune des deux approches n'est plus crédible que l'autre, et finalement, l'ascension une fois terminée révèle une montagne unique, que l'on a pourtant le sentiment d'avoir gravie de deux côtés différents.
Les allusions Post et Shoegaze sont subtiles, et ne servent qu'à approfondir le coeur du projet, et le son rugueux apporte à l'ensemble cette couleur Punk/Hardcore qui permet au disque de garder sa fraîcheur et sa spontanéité.
Mais pour un premier album, la maîtrise dont fait preuve EARTHMOTHER est impressionnante, tout en les rendant si uniques qu'ils risquent de se retrouver isolés dans leur monde si particulier.
A vous d'aller les y chercher, si votre esprit souhaite s'enivrer d'aventure et de nectars rares. On a besoin parfois de se perdre pour mieux se retrouver, de tourner à droite alors que la maison est à gauche. Pour mieux y revenir, plus libre, et plus en phase avec soi même.
Mais tout cela est difficile à décrire. Pour le comprendre, écoutez Earthmother. Un disque unique pour un groupe qui une fois découvert, ne quittera plus votre esprit.
Ajouté : Vendredi 02 Octobre 2015 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Earthmother Website Hits: 5804
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