Là j'avoue sur ce coup là, je ne suis pas loin d'être devenu fan, comme ça. Oh, non, je ne m'amourache pas comme ça, sur un coup de tête, il me faut des raisons, un feeling, une attraction. Mutuelle ? Pas forcément, nous parlons de musique je vous le rappelle. Le groupe propose, on dispose, et le tout repose sur une alchimie, mais tout sauf des poses.
Un nom de groupe assez décalé, un titre accrocheur, et surtout, une musique, bonne, si possible originale, qui accroche l'oreille, qui s'incruste dans votre cerveau, et ne vous lâche pas la mémoire.
C'est ce qui m'est arrivé cet après midi, au hasard, presque sans faire exprès. Ils parlaient de Hard Rock, je sentais le truc basique, agréable mais sans plus, et je me trompais.
Certes, difficile de dire que HIGHLY SUSPECT ne fait pas de Hard Rock. Mais ils le jouent à la sauce 90's/00's, et un peu comme ils veulent à vrai dire. Et surtout, avec une grosse dose de feeling, des tripes, et de l'envie, une sacrée envie qui réchauffe le coeur, même en plein été...

HIGHLY SUSPECT jusqu'à ce mois de juillet incendiaire, c'était un EP, The Worst Humans, sorti il y a trois ans. C'était - et c'est toujours - un trio de Cape Cod, Brooklyn ou du Massachusetts peu importe, avec Johnny Stevens à la guitare et au chant, et les frangins Meyer, Ryan au kit et Rich à la basse.
Ce sont aussi des textes sombres, très, une misanthropie et un fatalisme de surface, mais au delà de toutes ces anecdotes, une musique riche, qui se permet de citer le Hard Rock traditionnel, le Grunge, le Blues, l'Alternatif, et de tout mélanger dans un cocktail bouillant et relevé.
Un peu, et le raccourci m'arrange, comme si SILVERCHAIR, ALICE IN CHAINS, JOHN BUTLER, MUSE, BUCKEY père et fils, et LED ZEP se retrouvaient autour d'une table au milieu de nulle part pour mettre en commun leurs compétences, et se partager leurs influences. D'ailleurs, HIGHLY SUSPECT nous aiguille, dès sa bio. Ils sont influencés par tout ce qui est bon, et intéressés par tout ce qui est mauvais... Bonne musique, mauvaises intentions, le mélange imparable, la dualité qui donne les plus grandes oeuvres. Dont acte, et sur l'ensemble d'un disque.

Un son énorme, profond, ample, qui fait briller la basse en polissant au rabot la guitare. De l'abrasif qui luit, du chrome râpeux, et en exergue, un chant rauque, presque désabusé, qui reste dans les graves sans rechigner sur les gueulantes qui arrachent le gosier. Je vous parlais de feeling, ce feeling intense qui vous faire vivre un morceau par procuration, Mister Asylum en est tellement blindé que ça déborde de la pochette, superbe elle aussi. Un exemple ? Il y a en dix à vrai dire, mais si vous voulez, de suite, comprendre mes sentiments, jetez vous le fabuleux "23" avec la participation de Sasha Dobson, fan de Jazz, et vous saurez. Bluesy jusqu'au bout du Jack, puissant comme une charge un samedi soir, groovy, riff découpé à la scie, c'est sur du velours que ça roule, et ça ne s'arrête jamais...

Mais le reste du dossier est moins franc, et pourrait envoyer le trio à l'asile en effet. Comme parler autrement qu'en tant que pièce à charge, de l'ouverture bizarre "Mister Asylum" ? Boogie crasseux et nerveux, tonalité mineure (comme un détournement, et sur l'intégralité du LP je vous prie), breaks qui tombent par hasard, distorsion qui traîne dans l'air comme de la fumée de cigarette mal éteinte, et chant plaintif, un peu désespéré... Même chose pour "Lost", qui pique la rythmique de JET pour l'insuffler à un Rock torride et sexuel, qu'Iggy aurait pu chanter un soir de pleine lune, la bière vide à la main.
Parfois, ça se veut plus simple et direct, comme le pamphlet politiquement incorrect "F**k Me Up", avec sa basse grondante comme un moteur de turbine, mais là encore, ça transpire le Blues Hard par tous les pores, et ça donne une pêche pas possible, amplifiée comme la guitare et son solo diaboliquement simple mais pertinent. Vous avez déjà imaginé les STONE TEMPLE PILOTS essayant de jouer un morceau d'ARCADE FIRE ou de MCLUSKY ? Non ? Pas la peine, vous avez le résultat à portée d'oreilles.

"Lydia", le single avant coureur illustré d'une superbe vidéo vaut aussi son pesant de jeux de cordes. Rock lourd, strié d'interventions abdominales Blues, c'est une explosion émotionnelle entre les giclées légendaires du ZEP, la sensibilité de Jeff Buckley, la guitare de Jerry Cantrell et la voix de... Johnny Stevens, qui n'a besoin d'aucune comparaison.
Pour ne rien omettre, je parlerai aussi du high on energy "Vanity", qui trace sa route comme un bon Hard Rock simple et honnête, aux choeurs multiples qui se superposent, et avec toujours cette touche un peu mainstream/roots qui fait la marque de fabrique du groupe.
Le final "Claudeland" suit la même ligne de conduite, en appuyant sur tous les potards, et laisse parler la poudre. C'est carré, fort, ça frappe en plein dans la poitrine, et ça ne fait pas de chichis. Du vrai Hard Rock comme on le jouait dans les 70's, avec cette approche tellement 90's qui rend unique chaque intervention.
Et même si la plupart des morceaux gardent une intensité Rock indéniable, HIGHLY SUSPECT se permet de proposer sa vision d'un Shuffle Hard bien lourd, et marche sur les plates bandes de GRAVEYARD en y ajoutant sa touche Grungy si particulière. C'est épais, profond, un peu Sudiste dans l'esprit, comme un voyage partagé par le LYNYRD et le NICK CAVE de GRINDERMAN dans le même train. Du grain, de l'authenticité, des soli inspirés, que pourrait on demander de plus ?

Du rab'. Parce que vraiment, quarante minutes de CETTE musique LA, c'est trop peu. Je le disais, je suis tombé sous le charme, je ne plaisantais pas. HIGHLY SUSPECT est telle cette fille superbe qui rentre dans un bar, attirant tous les regards. Personne ne la connaît, mais elle est magnifique. Vous vous asseyez à ses côtés, et sa voix veloutée vous enivre, ses propos sont sincères, son raisonnement logique, sa culture évidente, comme sa générosité. Et en plus, comme si ça ne suffisait pas, elle à beaucoup d'humour sous ses atours cyniques.
Et vous tombez directement amoureux...

Ne cherchez pas à comprendre pourquoi HIGHLY SUSPECT est un excellent groupe, et Mister Asylum un album fantastique. C'est ainsi. Parce que c'est Rock, parce que c'est Hard, parce que c'est Blues, parce que c'est un poil Grunge, mais surtout parce que C'EST.

Et c'est déjà énorme.