A l'écoute, ça sent le plan fumant venant du fin fond du désert du Colorado... On imagine bien les mecs près du Joshua Tree, avec les bouteilles de bourbons et l'herbe qui fait rire et danser. Genre l'hommage à Gram Parsons, avec une vieille Buick garé sous le soleil de plomb. Ouais, c'est ça, l'ambiance moite et quasi religieuse, mais ruinée par des fou rires incontrôlables, parce qu'une fois de plus, y'en a un qui a pissé contre la roue arrière.
Les mecs sentent ça, mais pourtant, ils sont ailleurs.
Ne vous fiez pas à la musique, car si elle respire les effluves d'un gros Stoner que KYUSS n'aurait pas boudé, elle vient pourtant bien de chez nous, estampillée Pays de la Loire, Nantes, ça surprend mais c'est comme ça.
ENLIGHTENED, c'est un cru 2010, salement influencé par le Rock louche et progressif des 70's, mais sans les délires chiant et masturbatoires. Un peu Doom sur les bords, mais bien fuzzy comme il faut, ça s'écoute comme les pépites du genre, adaptées aux travers, un peu WRITING ON THE WALL, un peu ZEP, un peu NIGHT SUN, mais aussi de la trempe d'un GRAVEYARD, en moins soul et plus Blues Hard bien gras.

Ca n'empêche pas la fumée d'arriver jusqu'à nous, et ce, depuis leur premier album, Discover The Path. Signés sur le label hyperactif local Black Desert Records, le quatuor continue sa route après les festivals, les participations aux compilations, et les concerts incendiaires où leur musique prend toute son ampleur. Parce que je vous le dit, et j'assume, Didine (chant, guitare), Luis (guitare), Mehdi (batterie) et Yo (basse), ne sont rien de moins que les héritiers directs d'une certaine lignée de musiciens à fond dans le Hard Blues, CACTUS et même le SAB' en tête de liste, quoiqu'ils se plaisent à citer les contemporains CLUTCH pour finir de noircir le tableau.
Alors, c'est beau, c'est chaud, mais est ce que ça file le tournis après l'apéro ? L'album était bon, sans conteste, et ce EP en est la directe suite, aussi peu léchée et toujours aussi instinctive. Quatre morceaux, dont justement une reprise des CLUTCH ("Electric Worry"), qui respecte bien l'original sans manquer de la patte des nantais. Ca groove dans tous les coins, et ça pourrait ressembler en regardant par la fenêtre à une jam entre Phil "Housecore" Anselmo et HEWTHROWER, avec du feeling à revendre et des jetés de cheveux furieux. Les cuivres sont shaftiens, c'est moite et autant le dire, c'est carrément dans l'esprit 70's. Bon comme un feu de bois sur la plage, comme un week-end de répète dans un vieux chalet près d'un lac, ça vide son sac, et nous remplit la tête d'images de soleil couchant. Ils ont tout compris ? Putain oui, et en plus, ils expliquent bien les bougres.

Cet orgue qui fricote avec une guitare délicieusement vintage, ces choeurs en arrière plan, pas possible, on s'y croirait, et le son concocté ne fait rien pour nos convaincre du contraire. Cet EP, c'est un backtrip sur les routes des seventies, mais pas le genre tourisme avec guide à deux sous, non, le truc free, avec des potes, et on s'arrête où on veut pour faire ce qu'on veut. La liberté, c'est à prendre et pas à laisser, et merci ELIGHTENED de nous la proposer.

Hors cover, trois morceaux qui hument l'air du temps, mais pas le notre, l'autre, celui dont les effluves sonores brouillaient les nuages en sortant de squatts, downtown. On s'arrête devant une fenêtre, et on écoute, la gestation qui arrive à maturation.
"Until The End", oui c'est épais, incompressible, mais irrésistible. Riff touffu, chant gorgé de Blues torride, et rythmique qui chaloupe autour de la pièce. On peut penser Stoner, c'est presque écrit dessus, mais sans vraiment savoir pourquoi, parlons Hard Blues, c'est plus cool. "Lost Souls", c'est encore plus appuyé, et la sincèrement, le SAB' des deux premiers albums vient traîner ses guêtres et ses acides du côté de Nantes. On jurerait presque entendre un featuring de Iommi, si ce n'était pour ses interventions en solo trop coulantes pour être Heavy.
Refrain qui pénètre, choeurs qui soutiennent, et puis ça monte, ça monte, comme une joie qui déborde et une foi qui saborde. Bouillant... frisson garanti.
"Get High", et ne me faites pas croire qu'il n'y a pas du conseil mauvais pour la santé la dessous. Avec un Rock pareil en guise de pare feu, c'est impossible. Presque Funky dans l'esprit, mais foncièrement Rock avec ces accords qui se lâchent et rappellent un Kravitz un peu moins emprunté, c'est la défonce assurée, mais légale, et recommandée. Et cette voix, cette putain de voix... J'y suis les gars, c'est bon. Merci.

Un simple EP ? Vous n'êtes pas sérieux... C'est plus que ça, c'est une récompense, un cadeau sur galette qui attend de pied ferme la prochaine date. Et nous dans tout ça ? Malgré le froid, on a chaud, très chaud, et on s'évade loin d'un automne/hiver trop précoce, parce que les 70's, même a posteriori, c'est plus brûlant qu'un chili.
Alors Nantes ou la Californie...

Les palmiers, on les a dans la tête, et votre musique en cassette, ou peu importe le support. Sacré voyage les mecs, on se retrouve on the road, again ?