LES DISCRETS (FRA) - Live At Roadburn (2015)
Label : Prophecy Productions
Sortie du Scud : 5 juin 2015
Pays : France
Genre : Post
Type : Album
Playtime : 8 Titres - 47 Mins
Etonnant de choisir un tel nom de baptême lorsqu'on joue une musique aussi riche, puissante et complexe... Mais l'ironie est parfois plus évocatrice que la provocation ou la simplicité. Remontons dans le temps je vous prie, d'une douzaine d'année, lorsque Fursy Teyssier créa l'entité LES DISCRETS, en parallèle de ses activités dans PHEST. Désireux d'exploiter le côté visuel de son art, tout autant que son versant musical, Fursy s'allia au passage avec quelques figures de proue du Black/Post Black/Shoegaze de la scène française, dont Winterhalter et Neige (ALCEST), ou encore Audrey Hadorn, parolière et conceptrice branchée sur la même longueur d'onde que lui (à ne pas confondre au passage avec Audrey Sylvain, qui a joué elle aussi avec AMESOEURS, le groupe de Teyssier ou PESTE NOIRE). De ces unions de passage, durables ou pas, sont nés deux longue durée qui ont fait grand bruit dans la presse underground, éveillant un intérêt européen boosté par une soudaine passion qui éclata au niveau des média allemands.
Ainsi, Septembre et Ses Dernières Pensées en 2010, et Ariettes Oubliées deux ans plus tard (sans compter les splits avec ALCEST ou ARCTIC PLATEAU) sont devenus des modèles du genre Post/Shoegaze, tout en louchant sévèrement vers un son Indie, qui finalement enrichissait encore plus leur contenu, et qui leur conférait une aura particulière, romantique et mélancolique, et rendait ainsi LES DISCRETS uniques et précieux.
Las, il semblerait que le sieur Fursy en ait fini avec la scène Metal, qu'elle soit Black ou Post, et souhaite s'orienter vers des choses différentes. Le fait que sa collaboration avec Winterhalter et Neige arrive aussi à son terme (ils souhaitent se focaliser sur leur entité principale ALCEST) ne doit certainement pas être étranger à sa décision, mais histoire de placer un point final à l'aventure (qui continuera sous une autre forme), Teyssier a décidé de publier un dernier chapitre en forme d'épilogue, et l'a voulu live, comme en témoigne ce Live At Roadburn. Enregistré lors de la performance du groupe au fameux festival hollandais édition 2013, on y retrouve bien sur le leader à la guitare et au chant, et son "backing band" Alcestien de l'époque (Winterhalter - batterie; Neige - basse et Zero - guitare/choeurs), pour quarante cinq minutes de résumé intégral du parcours du projet.
Focalisé évidemment sur les deux albums du groupe, ce live est un modèle du genre, clair, précis, ample, et il faut vraiment entendre les réactions du public pour comprendre dans quelles conditions il a été enregistré, tant il sonne comme un album studio au feeling un peu cru.
Comme pour tout concert digne de ce nom, la prestation de l'ensemble est évolutive et progressive. Elle débute par les morceaux les plus concis, avant de s'envoler vers les hauteurs les plus libérées, et flirte alors avec les dix minutes chrono, lors des incarnations finales "Chanson D'Automne" et "Song For Mountains", qui clôturent l'album. On retrouve donc l'esprit originel de LES DISCRETS, avec ces montées en puissance, ces emprunts à différents styles, du Post Black (discret cependant) au Post Rock (le genre le plus exprimé et évident), en passant par le Shoegaze teinté d'Indie à fleur de peau, le tout dominé par la voix et la guitare de Fursy, qui serpente au travers des dédales tissés par ses compagnons de scène.
Bien qu'issus de la scène Black ou Post, les musiciens une fois ensemble privilégient l'émotion, et il est assez difficile de trouver des riffs distordus dans leur musique, encore moins d'accélérations fatales ou des breaks plombés de brutalité. Les lignes de guitare sont tournoyantes, apaisées, souvent en arpèges ciselés, et le chant suit la même ligne de conduite, comme si le solde de tout compte avec la scène Metal se jouait à ce moment là. Inutile de chercher de vaines traces d'ALCEST ou de quelconque représentant de la brutalité made in France, ici, tout est fait pour vous emporter au creux d'un voyage lancinant, qui prend souvent des airs d'introspection zen.
Le style présenté sur les deux longue durée du groupe est restitué de façon fidèle, et on pense souvent aux moments les plus calmes et épurés d'HYPNO5E, tout comme aux climats désolés de la scène Post Rock US de ces trois ou quatre dernières années.
En replaçant les choses dans leur contexte, on sent déjà ici l'éloignement de Teyssier de la scène Metal, tant ce disque peut difficilement y être associé. Enregistré il y a pourtant trois ans, je pense que ça n'est pas un hasard qu'il ait été choisi pour achever l'histoire de ce projet, même si la tension dont il fait preuve est une sorte de démonstration de puissance qui n'a rien à envier aux formations Metal les plus intenses. Même si pendant ce festival, la mère du leader était souffrante, ce qui a pesé sur son moral, rien ne transparaît dans ses interventions, et Live At Roadburn est la plus parfaite transition qu'il pouvait offrir à ses fans pour passer du passé du groupe, à son avenir, radicalement différent.
D'ailleurs, comme il le déclare:
"Le troisième album du coup sera plus dans l’esprit Indie / Dark Pop / Trip Hop. Absolument pas Metal ni Rock."
Cet aveu à fortiori définit clairement la ligne conductrice de Live At Roadburn, qui n'a que quelques liens ténus avec le Rock, et qui a certainement du étonner le public du festival, peu habitué à ce genre de prestation. Mais c'est aussi ça qui fait la force de ce projet. Surprendre, partir dans des directions inattendues. Alors qu'on attend l'explosion à chaque break, celle ci ne vient jamais, sans pour autant laisser planer la frustration.
Si vous voulez un bon résumé des premières années de l'aventure LES DISCRETS, Live At Roadburn en est un très bon raccourci. En tant que Live, il mérite les honneurs aussi, pour sa production symptomatique et limpide, et son interprétation profondément humaine. Qu'il ne vous empêche pas de jeter une oreille sur les deux albums studio du projet, qui méritent amplement qu'on s'y attarde.
En attendant la suite de l'histoire, qui s'annonce atonale et hors contexte. C'est donc pour ça qu'il me fallait vous parler de ce "groupe" qui n'en est pas un, avant que vous ne soyez en tant que fans de Metal, plus concerné par l'affaire.
LES DISCRETS. Au bout du compte, le nom est plutôt bien choisi.
Ajouté : Samedi 19 Décembre 2015 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Les Discrets Website Hits: 5816
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