Roue du temps, comme le cadran d'une antique montre dessinée à la mine de plomb et séparée par une grille à trois barreaux... L'artwork exécuté par Manuel Tinnemans de Comaworx pour le dernier disque de VILLAINY lui va comme un gant. Vilainy II : Dim n'est pas un opus facile d'accès. C'est une oeuvre complexe, protéiforme, parcourue d'instants de grâce. C'est un projet qui réserve bien des surprises en sautant allègrement d'un univers à l'autre : la répétitivité lénifiante du Doom, la hargne froide du Black Metal, l'agressivité rentre dedans du Post Hardcore, le tout parcouru d'arpèges virtuoses ("Herschapen" ou "Nebulous Chasm") et porté par cette puissance agressive qu'on appelle le Metal. Vilainy II : Dim est une pièce montée aussi complexe et variée que le Monde à Etages de Philip José Farmer. On écoute Vilainy II : Dim, comme on visiterait un immeuble habité. Il y a des appartements à chaque étage, chaque appartement est différent et reflète la personnalité de son hôte. Pourtant, il y a des similarités, on reconnaît dans les moulures, les huisseries et les volumes la marque de fabrique de l'architecte.

Fondé en 2011, VILLAINY est un trio néerlandais de Metal Moderne. Le genre de formation à ne pas se laisser enfermer dans une petite case, préférant proposer une expérience musicale complexe, plutôt intellectuelle. Comme son nom l'indique, Villainy II : Dim, est le deuxième méfait du groupe, signé chez Listenable Records depuis juin 2015. Villainy II : Dim est un album à concept. C'est une rondelle découpée en trois parties qui racontent, chacune à sa façon, la vie sous toutes ses formes. C'est en tout cas ce que déclare le combo. Cela reste assez conceptuel et plutôt fumeux, mais il y a bien trois parties à la personnalité musicale distincte. Tout ce qui a trait à ce projet sent la réflexion, l'introspection. Les néerlandais n'ont rien laissé au hasard. Leur musique très écrite, cette production lourde, carrée. Une musique aseptisée, très produite, très écrite. Une construction déroutante, à la fois massive et ciselée. Dans ce projet, tout contribue à un rendu globalement réfléchi. Mais peut-être le gang aurait-il gagné à moins intellectualiser son méfait, à laisser un peu de place à l'émotion et à la spontanéité.

Car l'opus pêche par excès. A trop vouloir enfoncer le clou, à trop vouloir user les harmonies jusqu'à la trame, les néerlandais sont parfois un peu trop pompeux, un peu pontifiants, un peu lénifiants. Quand ils on trouvé un motif intéressant, ils s'y accrochent comme une bernache à son rocher. Ils le triturent et le répètent jusqu'à plus soif ("Dvaalspoor"). Ou bien ils ne s'endorment sur une intro interminable qui menace de ne jamais aboutir ("Jewel"). La répétition n'est pas toujours la meilleure forme de l'éloquence.

Voila un disque atypique, qui propose un voyage intéressant, une ouverture sur un autre chose musical qui sortira le metalleux un peu blasé de sa torpeur hivernale. La promenade n'est pas de tout repos, vous n'êtes pas au bout de vos surprises, comme l'atteste l'ouverture "A familiar Wind" ou le formidable "Nebulous Chasm" qui souffle un jouissif chaud et froid. VILLAINY va vous entraîner dans son paysage musical, vous n'en sortirez pas indemne, à condition de ne pas décrocher sur un motif un peu trop lancinant.