DESTRUCTION UNIT (usa) - Negative Feedback Transistor (2015)
Label : Sacred Bones Records
Sortie du Scud : 18 septembre 2015
Pays : Etats-Unis
Genre : Psychedelic Garage Noise
Type : Album
Playtime : 8 Titres - 41 Mins
Si certains groupes aiment vous mettre à l'aise, à l'aide d'une musique plaisante, dans une sorte de transe lounge psychologique et émotionnelle, d'autres au contraire n'ont de cesse de vous bousculer, vous harceler, pour vous plonger dans un état inconfortable et dérangeant.
Disons le : ils sont nombreux dans ce cas. Sans aller jusqu'à citer la pléthore de terroristes Harsh Noise, ni même FANTOMAS, ou THROBBING GRISTLE, les maniaques de la stridence dissonante sur fond de mur sonore forment une tribu qui n'a de cesse de grandir, pour le plus grand plaisir des masochistes de tout poil. Il faut d'abord un son. Abrasif, fort en volume, qui fait rouiller les guitares et trembler la basse. Si possible, enregistrez le chant bien en retrait, et faire gueuler le vocaliste jusqu'à ce que ses lignes vocales se fondent dans l'ambiance générale. Ou au contraire, demandez lui d'annoncer quelques vers, avec distanciation. On pourrait parler ici de la vague No Wave, de SONIC YOUTH, de JESUS LIZARD, mais leur cas est trop atypique. Tout comme celui de DESTRUCTION UNIT.
Ce qui avait commencé dans la première moitié des années 2000 comme un projet électronique axé autour de Jay Reatard, Alicja Trout et Ryan Rousseau à évolué, et s'est fondu dans le travail du collectif Arizonien Ascetic House. Depuis, une sacrée pelleté d'albums ont vu le jour, transformant petit à petit leur musique psychédélique et barrée en tornade de dissonances et de stridences balancées sur fond de trame sonore massive, toujours aussi inclassable.
Le monde s'était éveillé aux DU lors de la sortie de l'acclamé Void paru en 2012, mais il y a fort à parier que Negative Feedback Transistor soulèvera le même enthousiasme/le même rejet. Si le fond n'a pas vraiment changé, avec toujours cette optique dérangeante de faire vaciller les fondations auditives de leur public, la forme est de plus en plus intransigeante, et l'oreille interne de ceux qui oseront l'expérience risque d'en être désaxée à jamais.
Soyons honnête et clair, Negative Feedback Transistor est un monstre fait "musique", pour qui le bruit reste une composante majeure de l'expression. Si le MASTODON le plus véhément conversait avec les restes fumants du VELVET UNDERGROUND sous l'oeil goguenard de Jay Mascis, la discussion ne serait pas plus chaotique que les morceaux servant de discours à ce nouvel album. Il semblerait que le quintette US ait encore amplifié ses attaques, et encore plus noyé ses fausses mélodies dans un chaos ambiant délicatement traité sous acides, pour parvenir à ses fins. En signe avant coureur, "If Death Ever Slept" avait annoncé le carnage à venir, avec ses trois minutes à peine de lave Alternative/Punk incandescente, à faire pâlir de honte MCLUSKY, tout ébaubi de ce déluge de larsens, de cris et de fureur. Mais comme DESTRUCTION UNIT ne pense pas que les blagues les plus courtes soient les meilleures, ils n'hésitent pas à parsemer leur dernier évangile de longs délires qui s'enfoncent toujours un peu plus dans le Post Rock Noisy et Psychédélique (dans le sens de perte de repère, non d'affiliation stylistique), et ils le prouvent sans prendre de gants lors du très long intermède "Chemical Reaction/ Chemical Delight".
Simple comme bonjour, pendant neuf minutes, les aventuriers de l'harmonie perdue tentent le mash up improbable du pire HAWKWIND (comprenez : le plus barré et spatial), couplé avec une adaptation fururistico-bruitiste du "I'm Waiting For The Man" de Reed & Co, pour aboutir à un gros pavé en faux fuyant plaçant le larsen aux avants postes, comme si Moorcock écrivait sous l'emprise des RAMONES en pleine descente de speed.
Ca cavale comme du Hardcore des années 80, c'est truffé/plombé/inondé de bruitages de l'espace, les guitares semblent de plus en plus à l'agonie, et le chant narquois et sardonique remplit à merveille son rôle de narrateur distancié qui s'en cogne et qui le sait. On discerne sous les strates de bordel ambiant un semblant de mélodie parcimonieuse, on croit distinguer un morceau presque conventionnel, mais le tout est tellement diffus et saturé qu'on finit par se poser la question :
Est ce encore de la musique ?
Peu importe la réponse. D'autant plus qu'elle est en partie donnée par des choses un peu moins sadiques comme "Animal Instinct" qui se complait dans un traitement plus abordable, à la LIZARD justement, délicatement nuancé d'une bonne couche de Lo-fi indépendant des années 90. Encore une fois, le décor est planté, et le groupe semble jouer du fond d'un cratère dessiné par une météorite dont le crash trouve encore écho dans les riffs de guitare qui s'époumonent. Sci-Fi Noisy, c'est fascinant, mais épuisant. Mais n'est ce pas ce qu'on demande ?
Mais à la rigueur, dès "Salvation", les choses étaient claires. Up tempo digne d'un L.A Hardcore, fuzz, écho, delay, accélérations soudaines, épilepsie instrumentale, mais structure un peu moins opaque, avec même quelques arpèges tendus et presque apaisés. Certes, tout ça se termine dans le bordel suraigu le plus total, et "The Upper Hand" de nous irriter encore un peu plus avec son intro qui lacère les tympans, avant que le quintette ne se prenne pour un Fastcore band, digne héritier des piliers DISCHARGE et CRASS. Mais tout ça serait trop simple, alors on bouscule le tout, on retourne dans le giron le plus bruitiste, et on déconstruit ce Core à grands coups de Post Rock ultra noisy, qui laisse tout de même un refrain un minimum mémorisable s'incruster presque en douce.
Comme un Garage Band des 60's qui aurait traversé le temps, et ramassé dans son voyage des constellations de sons flottants dans les airs, pour les accumuler et les restituer sur une base Rock sale.
Je pense que j'ai tout dit, et ça n'est pas avec Negative Feedback Transistor que vous pourrez tranquillement vous asseoir dans un fauteuil pour déguster la musique de DESTRUCTION UNIT. En même temps, tout est dans le nom du groupe et de l'album... Vous pensiez au second degré ?
Quelque part, ça en est, mais qui vous laisse au tapis, et pas sur d'avoir tout compris. La musique n'est pas forcément faite pour être écoutée, mais ressemble parfois à une lutte. Dont les DESTRUCTION UNIT sortiront toujours vainqueurs, ou incompris.
Ajouté : Vendredi 19 Février 2016 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Destruction Unit Website Hits: 6212
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