OF FEATHER AND BONE (usa) - Embrace The Wretched Flesh (2015)
Label : Good Fight Music
Sortie du Scud : 18 septembre 2015
Pays : Etats-Unis
Genre : Crust
Type : Album
Playtime : 10 Titres - 23 Mins
Allez, je vous offre un petit tour à Denver, USA, pour y rencontrer un trio de furieux bruitistes qui sortent ce mois ci leur nouvel effort, très peu sobrement intitulé Embrace The Wretched Flesh. Aux commandes de ce Tank qui bouffe de la campagne pour traquer l'ennemi, on trouve Preston (batterie), Alvino (Basse, chant), et Dave (guitare), qui n'en sont pas à leur premier démarrage, puisqu'ils ont déjà écrasé la concurrence avec deux mini campagnes, False Healer, et Adorned In Decay.
Enregistré par Andy Patterson aux studios Boar's Nest de Salt Like City, ce nouvel album est l'exact inverse de sa pochette. Autant celle-ci est sublime, pleine de finesse et de symbolisme personnel, autant les morceaux qu'elle cache sont de véritables obus propulsés alentours, sans chercher à savoir qui va morfler en premier.
Alors Crust, évidemment, mais vous vous doutez bien que les gus sont plus vicieux que ça. Si leur énergie primale tire son essence de ce style sans ambages, ça ne les empêche nullement de se sevrer à deux ou trois autres courants, Core évidemment, mais aussi un brin Sludge poisseux, Heavy crasseux, et hop, un peu d'huile dans les chaînes pour avancer plus vite.
Alors, point de salut hors de l'agression ici. Toute la route est chaotique, difficile à apprivoiser, mais c'est le but du jeu, et on pourrait presque comparer cet album à une version "musicale" de fameux Le Salaire de la Peur, tant on ne sait jamais quand le véhicule va exploser.
Pour suggérer cette sensation pour le moins "dangereuse", le trio ne recule devant rien. Production mâte, un peu sourde et hyper puissante, guitare qui tournoie ou qui au contraire appuie sur l'accélérateur, dissonances, cris stridents, et tutti quanti.
Un peu BRUTAL TRUTH sur les bords pour cette animosité maladive et tendue, un brin DOOM pour les passages les plus envenimés, des citations au D-Beat scandinave, et surtout, une rythmique qui tonne dans les passages sans limite de vitesse, ou qui appuie sans précaution sur le frein quand le périple admire le paysage dévasté.
Dix titres pour vingt trois minutes, c'est concis, et c'est même assez radin en terme de quantité. Là où la plupart de leurs homologues auraient réussi à caser une vingtaine de morceaux, les américains n'en étalent qu'une petite moitié, tout simplement parce que leur approche est plus complexe qu'une simple bourrasque passagère. Même les attaques les plus brèves ne se contentent pas du minimum et étalent au moins deux ou trois idées porteuses, ce qui enrichit l'ensemble et le rend encore plus effrayant. Aussi à l'aise dans les martèlements Heavy que dans les blitzkrieg fumants, OF FEATHER AND BONE adapte en quelques sorte la vague Nola à l'univers Crust, et distille un gasoil aussi inspiré par le bourbier sudiste que la violence purement anglaise ou nordique. On peut leur envier leur sens de l'expérimentation, d'autant plus que celui ci ne nuit pas à l'efficacité, bien au contraire. Alors, on alterne, c'est la politique. "You Alone Will Suffer" peut évoquer un EYEHATEGOD en encore plus désoeuvré et mécontent, mais c'est sans compter sur une soudaine envolée hystérique qui nous ramène à URSUT ou THE KILL.
Lorsque les riffs se veulent pesants, ils tendent même à loucher vers un Indus vraiment cadavérique, et les voix se mettent alors au diapason, avec force râles et extinctions de voix.
En gros, les trois larrons ont adapté leur musique aux textes, tous profondément véhéments et misanthropiques, lucides pourquoi pas, mais sans illusions sur la société actuelle.
Et le fait de ne pas savoir sur quel pied danser accentue la perte des repères, qui finit par nous noyer intégralement tant on passe du coq à l'âne sans aucune transition ni prévention. Essayer donc de garder l'équilibre en écoutant le terrible "Proclaim Of Hate", qui n'a de cesse de nous donner des coups dans le dos pour mieux nous faire trébucher. Heavy, blasts, Heavy, blasts, c'est une ronde sans fin, comme un blindé qui cherche son chemin dans la broussaille et accélère subitement en croyant avoir trouvé.
Et lorsque les étapes se prolongent, le principe reste le même, en version revue et augmentée. Ainsi, "Ignore Their Remorse", la plus longue de l'itinéraire développe les mêmes astuces, en rajoute au niveau de l'ambiance malsaine, et ralentit encore plus la vitesse pour se situer au croisement du Sludge bouseux et du Doom macabre. Alvino racle sa gorge comme un vieux tuberculeux, la guitare de Dave fouille dans les dissonances les plus funèbres, et nous avons même parfois droit à des instants faussement calmes mais réellement inquiétants, à la lisière du Post Hardcore le plus nauséeux.
Et si un paroxysme vous tente, au cas où vous n'en ayez pas encore eu assez, tentez de rallier le point d'arrivée via le traumatisant "Existence Through Hatred", qui développe effectivement une belle haine de toute forme d'harmonie, et appuie encore plus là où ça fait mal.
Mais alors, en fin de compte... Qu'en est-il vraiment ? Peut-on dresser un bilan fiable, ou ce tank qui broie tout sous ses mécaniques est il d'un type indéfinissable ?
Pas totalement, mais il est assez difficile de dénicher son numéro de série. Ses chenilles sont à moitié Crust, à moitié Sludge, son canon est résolument D-Beat, mais son habitacle peut contenir des pièces Heavy, Hardcore, ou même Post Core, et à partir de là, impossible de le garer sur le bon parking militaire.
Sachez simplement que quelle que soit l'optique, quel que soit le style pratiqué, les OF FEATHER AND BONE n'en retiennent que la substance la plus acide et dangereuse, du genre qui ronge la peau jusqu'à l'os.
Tout ce qu'il y a à savoir, c'est que la machine fait énormément de bruit, qu'elle ratisse large, et qu'elle vous laisse l'ouïe en vrac.
Et ça fait du bien mine de rien, même si parfois, tant d'animosité fait un peu peur.
Ajouté : Jeudi 03 Mars 2016 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Of Feather And Bone Website Hits: 7788
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