Non, ELDAMAR n'est pas une marque espagnole de sous-vêtements polaires. Dans l'oeuvre de Tolkien, Eldamar est une région d'Aman (continent le plus occidental des territoires situés sur le bord du Monde), s'étendant sur quelques dizaines de kilomètres, et où vivaient les Elfes. Aussi, c'est le nom qu'a choisi à l'été 2015 le multi-instrumentiste norvégien Mathias Hemmingby pour fonder son one-man-band. ELDAMAR, donc, sa progéniture, donne dans le Black Metal atmosphérique, au sens large du terme. La connexion avec Tolkien étant établie, le parallèle avec les autrichiens de SUMMONING apparaît comme une évidence. Ce serait pourtant porter préjudice à Hemmingby que de cantonner son projet à un simple ersatz du duo Protector/Silenius.

Puisant son inspiration dans la beauté des paysages nordiques – forêts, montagnes et ciels brumeux – ELDAMAR doit être pris comme un véritable voyage mystique offert à son auditeur. La pochette de The Force Of The Ancient Land sert de prémices, de portail, vers une odyssée que l'on accomplit pour soi-même. Avec des compositions dépassant bien souvent les 10 minutes ("Spirit Of The North", "Winter Night", "From Life To Spirit", "The Border Of Eldamar"), ELDAMAR habille sa musique d'un Black Metal puissant et ralenti, truffé d'interludes folkloriques, de voix féminines hypnotiques, de claviers aux arrangements orchestraux planants, le tout avec une férocité magnifiquement bestiale.

Certaines pièces, plus courtes et donc servant de transitions pour respirer, dégagent une atmosphère féérique ("Travel In Woods") ou ce souffle épique que l'on ressent avant la bataille (rien que le vent donne le frisson sur "Valkyrjur Ancient One"). Le lot d'émotions est tellement impressionnant sur The Force Of The Ancient Land qu'on en perd parfois ses moyens... Chaque élément fait partie intégrante d'ELDAMAR, en ce sens la voix Black de Mathias surgit pour souvent laisser place aux voix enchanteresses des sirènes de la forêt ("New Beginning") ou à des violons mélancoliques ("Winter Night"), les guitares maléfiques et saturées accomplissent leur oeuvre dans la pénombre, tandis que la batterie s'affole par instants tel un feu follet démoniaque ("Spirit Of The North"), abandonnant alors son imperturbable cadence.

Le premier titre, "Spirit Of The North", atteint un tel sommet de somptuosité dans le genre (c'est le summum de la beauté musicale que l'on découvre à mi-morceau) que l'on imagine mal la suite de The Force Of The Ancient Land afficher autant de majesté et de perfection. Et pourtant... Cet album établit une passerelle invisible entre celui qui le découvre et le pouvoir ancestral de la nature, d'une manière fortement émotionnelle et paradoxalement surnaturelle. The Force Of The Ancient Land narre une histoire, invente un conte à la fois merveilleux et inquiétant. A vous de le découvrir.