IN CAUDA VENENUM / HEIR / SPECTRALE - Split (FRA - 2016)
Label : Les Acteurs de L'Ombre Productions
Sortie du Scud : 18 août 2016
Pays : France
Genre : Post Black Metal / Post Rock atmosphérique
Type : Split
Playtime : 7 titres – 50 minutes
On va dire qu'il ne faut pas, que le copinage c'est pas bien, bla, bla…Mais je m'en fous, d'une parce que je ne connais personne chez eux, mis à part des noms qui signent des mails, et aussi parce que je fais ce que je veux et que mes accointances éventuelles n'ont jamais dicté mon opinion. Amis, potes, relations, peu importe, lorsque la musique est bonne, je le dis.
Et lorsqu'elle est pratiquement toujours bonne, même sans l'aval de Jean-Jacques, je le signale, et je l'écris, noir et fort.
Oui, j'ai un énorme respect pour les productions des Acteurs de L'Ombre, parce que ce sont des esthètes, et pas des marchands du temple. Ils ont des exigences, ne signent pas n'importe qui, et préfèrent proposer des œuvres ambitieuses, signées par des groupes qui ne le sont pas moins. Voilà, c'est dit, et maintenant, refermons la parenthèse.
Les Acteurs de L'Ombre, ce sont des CDs soignés, à la musique en parfaite adéquation avec un artwork précieux. Mais c'est surtout l'assurance pour un journaliste, et surtout pour un éventuel public de poser ses oreilles sur quelque chose de différent.
En témoigne cette dernière réalisation, qui sera disponible en août de cette année, version digipack léché à la pochette sublime, triptyque de carton recélant une musique en pierre précieuse. Mais cette fois-ci, les projecteurs ne seront pas braqués sur un groupe en particulier, mais sur trois. Car nous parlons bien d'un split ici, qui une fois encore rassemble des représentants de notre beau pays, cette France qui n'a de cesse de nous bousculer musicalement, et de proposer des options innovantes et surprenantes.
Par ordre alphabétique, IN CAUDA VENENUM, pour une collaboration avec le violoncelliste Raphaël Verguin (Psygnosis, Xevnnizh), HEIR, et son mélange de BM et de Post Rock absolument fascinant, et SPECTRALE, le projet solo de Jeff Grimal des essentiels THE GREAT OLD ONES, accompagné de Jean-Baptiste Poujol.
Trois groupes/artistes/projets à part, offrant des panoramas étendus et une musique aussi complexe que viscérale, dans un ballet de douceur et de violence qui n'a pas fini de vous faire tourner la tête. Mais perdre ses repères et avancer à l'aveugle en se basant sur ses autres sens, c'est aussi ça l'essence de la musique non ?
Le timing est partagé, comme pour tous les splits, et si HEIR et SPECTRALE ont opté pour un format court leur autorisant trois occurrences chacun, IN CAUDA VENENUM a opté pour un projet plus développé et surtout, hautement risqué. Alphabet oblige, c'est donc par eux que je vais commencer.
Selon leur page Facebook, ce groupe né en 2010 propose une sorte de Black Metal dilué dans un feeling Post Rock. C'est constatable sur leur premier LP éponyme, constitué de deux pistes de plus de vingt minutes, mais encore plus avec l'unique pièce qu'ils proposent ici, "Laura Palmer, Agonie à Twin Peaks".
Ils ont en effet choisi d'adapter à leur sauce la fameuse suite d'Angelo Badalamenti, qu'on pouvait trouver sur la BO éponyme, en la traduisant dans leur langage aussi abrasif que mélancolique.
Destinée à exprimer la fragilité et le désespoir du corps d'une adolescente morte retrouvé sur la berge, cette longue progression reprend donc le thème magistral de Badalamenti en l'insérant dans un contexte purement Post Black qui se joue des harmonies et les transcende de sa violence explosive et pourtant si délicate. La transposition était hautement risquée, le résultat est pourtant à la hauteur des ambitions affichées. Bien évidemment, réduire le split à ce morceau serait profondément injuste envers les deux autres groupes, mais je dois reconnaître qu'elle en représente en quelque sorte le point d'orgue, tant les IN CAUDA VENENUM ont réussi l'impossible, sans tomber ni dans l'excès ni dans le grotesque. Puissance phénoménale, ambiance moribonde et pourtant porteuse d'espoir, c'est une réussite bluffante qui confirme tout le bien que leur premier album avait laissé pressentir.
Du côté de Toulouse, HEIR, les débats sont tout aussi personnels, mais c'est avec trois segments originaux qu'ils ont choisi de se présenter.
Evoluant toujours dans un registre Black modifié, L.H (chant), D.D (batterie), F.B (basse), M.D et M.S (guitares) ont débuté leur carrière l'année dernière, et nous offrent sur ce split l'intégralité de leur premier EP paru en mars 2016.
Celui-ci se dévoilait sous un splendide artwork inspiré de "L'Homme Dieu" de Jean Delville, et offrait donc trois pièces, "Descent", "Under The Masses" et "Sectarism", subtil mélange de BM vraiment très agressif et de Post Rock apaisé. L'équilibre est presque parfait, même si la violence instrumentale est palpable, et le Black des Toulousains va puiser aux racines même du genre pour développer un concept de traduction contemporaine, retranscrivant l'esprit des origines aux velléités de crossover actuelles. On peut évidemment parler de Post Black, mais leur musique va plus loin qu'une simple contemplation, et ose les paradoxes avec une franchise avouée et appréciable.
A vous de choisir votre morceau préféré, mais vous pouvez tout aussi bien prendre l'ensemble, puisque les qualités sont évidentes d'une chanson à l'autre. Ambiance étrange et cotonneuse, parfois haineuse, souvent misanthropique, arrangements sobres mais de bon goût, c'est une révélation qu'il conviendra de suivre avec grande attention à l'avenir.
Le cas SPECTRALE est éminemment différent. Projet né de l'imagination fertile de Jeff GRIMAL des THE GREAT OLD ONES, il s'envisage comme un voyage aux confins de la mélodie et des styles, et ne se fixe pas sur un genre en particulier.
On savait Jeff polyvalent et versatile, il le prouve en duo avec Jean-Baptiste Poujol, et nous étale trois morceaux (différents de ceux qu'on peut trouver sur le Bandcamp du groupe) qui se complaisent dans un assemblage de couleurs pastel, proposant des mélodies éthérées, des climats apaisants ou grondants, sans tomber dans l'Ambient stérile ou le Post Rock contemplatif. Inutile de chercher à accoler une quelconque étiquette sur ce projet puisqu'il s'en est affranchi dès le départ, il vaut mieux l'apprécier pour ce qu'il est, une tentative de liberté musicale absolue qui enchante, envoute de ses harmonies et de ses textures, un peu à la manière de THE OCEAN en version plus épurée.
Trois titres qui se démarquent clairement les uns des autres, avec une grosse emphase mélodique sur le troublant de pureté "Al Ashfar" à la superbe acoustique océanique. Difficile de faire plus varié dans une approche aussi ouverte, et pourtant, les trois segments de SPECTRALE sont d'importance, et permettent à ce split d'ouvrir encore plus de possibilités.
Trois artistes/groupes qui bénéficient d'une exposition largement méritée, et qui peuvent présenter leur univers personnel tout en contribuant à une osmose générale. Un beau passage en revue de notre force créative nationale, le tout emballé dans un packaging soigné qui transforme cet essai en œuvre d'art intégrale. Encore un beau pari remporté par les Acteurs de L'Ombre, qui n'ont de cesse de traquer la créativité là où elle est. Et comme ils n'ont pas besoin de chercher bien loin intra-muros, attendez-vous à d'autres sorties de cette envergure.
Ajouté : Mardi 27 Septembre 2016 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Les Acteurs de L'Ombre Productions website Hits: 8641
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