RATOS DE PORAO (br) - Boka (Juin-2016/VF-EV)
Ce n'est pas la première fois que les légendes brésiliennes du Crossover viennent en France, mais c'est la première fois qu'ils participent au Hellfest. Le quatuor habitué aux squats et petits clubs de 200 spectateurs a cette fois-ci dû contenter une Warzone pleine à craquer. Et s'en est, ma foi, bien accommodé, proposant en plat de résistance l'intégralité de leur cinquième projet studio, Anarkophobia. Considéré comme le disque le plus Metal de la longue discographie des brésiliens, cet opus de 35 minutes fête cette année ses 25 ans, et quel plus bel hommage que de lui offrir un set du Hellfest ! C'est l'un des nombreux sujets que j'ai abordés avec le batteur de RxDxPx, Boka, arrivé un petit peu en retard car il tenait absolument à aller applaudir SLAYER. A tout seigneur, tout honneur, c'est justement au son de "South Of Heaven", dont le batteur brésilien marquait le rythme avec extase, que nous avons entamé cette interview exclusive.
Line-up : João Gordo (chant), Jão (guitare), Boka (batterie), Juninho (basse)
Discographie : Crucificados pelo Sistema (1984), Descanse em Paz (1986), Cada Dia Mais Sujo e Agressivo (1987), Brasil (1989), Anarkophobia (1991), Just Another Crime... in Massacreland (1994), "Feijoada Acidente?" (1995), Carniceria Tropical (1997), Sistemados pelo Crucifa (2000), Guerra Civil Canibal (2001), Onisciente coletivo (2002), Homem Inimigo do Homem (2006), Ratos De Porao / Looking for An answer (2010), Século Sinistro (2014)
Crédit Photo : LudoPix.com
[en fonds sonore, SLAYER amorce "South of Heaven"]
Boka. [en air guitar] Whoahh….[il fredonne les premières mesures]. Man, I love it.
Metal Impact. Tu as pu voir un peu du set de SLAYER ?
Boka. Oui, j'étais backstage. Je les ai déjà vus trois fois au Brésil. C'est un de mes groupes préférés depuis que je suis gamin, donc ils représentent beaucoup pour moi...
MI. Penses-tu que SLAYER est toujours SLAYER sans Dave Lombardo ?</
Boka. Je les ai vus deux fois avec Dave Lombardo (après son retour). Le groupe n'a pas exactement la même sonorité avec Paul Bostaph. Mais c'est normal, ce sont des batteurs différents. A chaque fois qu'un groupe modifie son line-up, son style varie un petit peu. Mais j'aime les deux configurations de SLAYER.
MI. Est-ce qu'un groupe peut survivre au départ de ses membres fondateurs ?
Boka. Oui, et c'est normal parce que si tu maintiens un groupe en activité pendant si longtemps, c'est naturel qu'à un moment donné des musiciens s'en aillent. Mais la chose essentielle est que si tu aimes la musique, si tu aimes ce que tu joues, si tu as un bon feeling et s'il y a toujours cette flamme qui t'animes, je pense que le groupe peut survivre à tout. RATOS DE PORAO existe depuis 35 ans et moi j'y joue depuis 25 ans. Nous avons eu des moments difficiles, fait face à des départs, mais au final, le groupe a survécu.
MI. Votre set d'aujourd'hui était dédié à l'album Anarkophobia. Est-ce uniquement parce que vous fêtez ses 25 ans en 2016 ?
Boka. Nous avons décidé de consacrer notre set à Anarkophobia parce que c'est un classique de notre période chez Roadrunner Records et c'est le disque le plus Metal de notre discographie. Comme il dure moins de 40 minutes, nous pensions que ça serait cool de le jouer en entier au Hellfest. Mais cela n'a rien à voir avec une commémoration ou un anniversaire, c'est juste que l'idée nous a paru cool.
MI. Est-ce que les messages de Anarkophobia sont toujours d'actualité ?
Boka. C'est dingue les liens qui peuvent subsister entre cet album écrit il y a 25 ans par des gamins de 20 ans qui l'ont fait de manière un peu innocente et candide et notre époque. Il a été écrit il y a un quart de siècle mais il pourrait tout aussi bien dater d'hier parce que les choses n'ont pas du tout changé. C'est comme si l'histoire se répétait, un cercle vicieux. Les gens, les structures politiques et sociales sont différents, mais la situation et presque la même. Donc oui, l'album est toujours très pertinent aujourd'hui.
MI. Vous tournez actuellement en Europe, mais uniquement au Portugal, en Espagne et en France pour deux dates, pourquoi une tournée si restreinte ?
Boka. Plus ça va, plus nos tournés sont courtes. J'ai 45 ans, les autres musiciens ont dépassé les 50 ans et tourner pendant un mois en habitant dans un van, être sur la route six heures par jour, jouer tous les soirs, c'est épuisant. Nous préférons assurer dix dates et être au top sur ces dix dates qu'en faire deux fois plus et terminer la tournée en trainant les pieds. Il n'y a rien de pire que de jouer quand on n'est pas motivé et nous tenons absolument à éviter cela. Nous voulons que la scène reste un plaisir parce que si tu n'es pas dans un bon état d'esprit pour les shows, ça n'a aucun sens de se forcer.
MI. Cet après-midi, vous jouiez pour la première fois au Hellfest, qu'avez-vous pensé de votre concert ?
Boka. C'était un très bon moment. Nous fondions beaucoup d'espoir sur ce set car nous savions que le public fan de Metal a des goûts plus éclectiques et ouverts que certains fans de RATOS. Il y a eu plusieurs périodes dans la musique de RxDxPx et certains fans sont attachés à une de ces périodes uniquement. Au Hellfest, nous jouons devant un public large qui réunit des fans de Hardcore, de Metal, de Crossover. C'est agréable de pouvoir proposer un show fédérateur proposant un petit peu de tout ce qui fait RATOS DE PORAO. Tous les groupes rêvent de jouer un show comme celui-ci et nous sommes vraiment très contents car le concert était génial et la réponse du public très cool. Tout le monde est plus fatigué parce que c'est le troisième jour et pourtant le public est à fonds. On s'est éclatés et je pense que le public a eu ce qu'il était venu chercher.
MI. Quelle est la plus grosse différence entre votre public en Amérique du Sud et en Europe ?
Boka. J'aime les deux. Ils sont tous les deux cool, mais il y a une différence. Pas entre Amérique du Sud et Europe, mais entre d'une part l'Amérique du Sud, le Portugal, l'Espagne et la France et de l'autre l'Europe du nord. En Amérique du Sud, Espagne, Portugal et France, le public est dingue, les gens se lâchent plus facilement que dans les pays du nord de l'Europe où ils sont plus contemplatifs. Bien sûr il peut y avoir des exceptions. Cela nous est déjà arrivé de donner un set de malade dans un club et de revenir deux ans plus tard dans le même club pour trouver un public complètement différent, plus froid. Mais à chaque fois qu'on joue dans des clubs ou des squats en France, le public est dingue, comme chez nous.
MI. Pendant les années 90, vous avez enregistré plusieurs albums simultanément en portugais et en anglais, puis vous avez arrêté, qu'est-ce qui motivait ce choix, et pourquoi avoir finalement arrêté ?
Boka. C'est à l'époque de notre deal avec Roadrunner Records. Ils nous ont demandé d'enregistrer des disques en anglais. Mais les racines du groupe sont dans le portugais et nous ne pouvions pas arrêter de chanter dans notre langue. Nous le devions à nos fans, à notre pays, à l'Amérique du Sud ainsi qu'au Portugal où nous avons aussi des fans. Nous avons donc décidé de sortir le disque en deux versions. Nous l'avons d'abord écrit en portugais, puis nous avons traduit les chansons et nous les avons enregistrées en anglais. Mais c'est très difficile parce que le chant anglais modifie le tempo, ça ne se cale pas bien sur la musique, les intonations ne se font pas au même endroit et même la voix est différente. Mais c'est à ce prix que nous avons pu maintenir le deal avec le label.
Cependant, quand le contrat avec Roadrunner a pris fin, notre nouveau label nous a dit qu'ils ne nous forceraient pas à chanter en anglais, nous avons donc laissé tomber parce que nous ne sommes pas un groupe anglais. La plupart de nos fans savent de quoi nous parlons, même quand ils ne comprennent pas toutes les paroles.
MI. Est-ce pour les mêmes raisons que votre cover album "Feijoada Acidente?" a été publié dans deux versions différentes, une pour l'Amérique du Sud et une pour l'Europe et les Etats-Unis ?
Boka. Non, pas exactement. Dans ce cas-là, nous voulions rendre un hommage aux groupes que nous aimons. Nous avons toujours joué des covers. Que ce soit sur nos disques, dans nos sessions de jam ou en concert. Donc un jour que nous en discutions, nous avons eu l'idée de faire un album tribute, nous avons fait une première liste de chansons et il y en avait une cinquantaine ! C'était un peu difficile à réaliser et nous nous sommes alors dit que nous pourrions faire un disque "national" et un disque "international". Ce projet, c'est un cadeau à nos fans de tous les pays. Si vous êtes italien, fan de Punk Rock et de RATOS et que vous pouvez entendre un classique du Punk Rock italien interprété par RATOS, vous allez trouver ça cool. C'est la même chose au Brésil. Nous avons fait ce disque comme tout ce que nous faisons. Le projet est né d'une discussion entre nous, et nous l'avons réalisé parce que nous trouvions que ça serait cool. Il n'y a rien de calculé, ce n'était pas planifié, nous avons juste dit "ça serait cool" et nous l'avons fait.
MI. Le titre est un clin d'oeil à GUNS'N ROSES et son album Spaguetti Incident ?
Boka. Oui, c'est une blague, nous avons repris le titre et le visuel mais avec un de nos plats traditionnels brésilien.
MI. Puisqu'on parle de GNR, que penses-tu d'Axl Rose en frontman pour AC/DC ?
Boka. Au début, j'ai trouvé ça bizarre, je ne comprenais pas comment ils pouvaient faire ça à Brian Johnson. Après toutes ces années, ils devaient quand même être un peu potes, et les proportions que ça a pris… j'étais étonné par les réactions des fans et je ne trouvais pas normal qu'ils jugent des choses qui faisaient partie de la vie privée du chanteur. Quand tu joues dans un groupe, tout ce qui a trait à la musique est public. Le personnage que tu es sur scène "appartient" au public. En jouant sur scène, en chantant, tu donnes au public ce qu'il attend de toi. Les gens peuvent ne pas apprécier, ils peuvent te critiquer, c'est normal. Mais par contre, je pense que les fans n'ont pas à critiquer l'être humain que tu es en privé, parce que c'est privé justement. Pour en revenir à Axl Rose, je ne l'ai pas vu mais des amis m'ont dit qu'il était cool. Pour ma part, je suis resté attaché à Bon Scott, c'est mon côté sentimental si tu veux.
MI. Pendant la carrière de RATOS, votre musique a changé plusieurs fois de styles. Quel est ton style favori ?
Boka. Hardore, Crossover, c'est ça notre style. C'est de là qu'on vient, c'est ce qu'on a appris à jouer. Nous n'y pensons pas consciemment. Ce n'est pas comme s'il suffisait d'acheter du matériel et de le brancher pour que ça joue dans un style particulier. Comme je l'ai dit tout à l'heure, quand nous enregistrons un disque, on s'assied, on discute et on choisit ce qui nous parait cool. J'aime d'autres styles de musique, comme le Jazz, mais je ne mets pas de Jazz dans mes compos pour RxDxPx, car j'estime que nous sommes un groupe de Crossover et que c'est comme ça que nous devons sonner. Bien sûr nous sonnons un peu différemment à chaque album car le groupe progresse et la musique évolue mais nous restons attachés à notre style historique.
==================== ENGLISH VERSION ====================
Boka. [in air guitar] Whoahh...Man, I love it (SLAYER "South of Heaven").
Metal Impact. Have you seen the beginning of SLAYER's set?
Boka. Yeah I was near the scene, watching. I saw them already three times in Brazil, but every time I had the chance going backstage because they're one of my favorite band alltime, since I was a kid, so.
MI. And do you think SLAYER is stil SLAYER without Dave Lombardo and Jeff Hanneman?
Boka. I saw them with Lombardo two times, when Lombardo came back. The band sounds different with Paul Bostaph. But they're different drummers. Everytime a band changes the line-up, his style switches a little bit. I like them anyway.
MI. Does a band can survive after the departure of historical members?
Boka. Yes, because. If you keep a band active for so long, it's like natural that somebody in the middle way is going to left. But the main thing is : if you like the music, if you like what you're doing, if you're feeling good with what you're doing and if there is still a flame there, I thing a band can still survive. A band as RATOS DE PORAO has been around for 35 years, I'm in the band for the last 25 years of my life, we had some difficult times and some people left, in between the way, we survived. I think it's a natural process.
MI. You dedicated today's set in Hellfest to Anarkophobia. Is it only because it's the album's 25 th birthday?
Boka. We toured South America before Europe and we decide to play this Anarkophobia record because it's a classic from the Roadrunner Records time. It's more related to the Metal fans. We thought it would be cool to play the entire album during this Hellfest set. We had it experienced with another album before and with Anarkophobia, we played two shows in Brazil and it was very cool. The album is like 35 minutes long, so we can play it entirely during a set. But it was nothing like playing it for it's anniversary, we just decided to do this because it was cool.
MI. Are Anarkophobia messages still actual?
Boka. It something really fun because there's links between what was written 25 years ago, when these guys were twenty years old and today's time. When it was written, it was innocent. But it could have been written just now, because things, I mean the structure of society and political things ain't differents. It's like the history repeat itself, it's a vicious circle. We have different people but the situation is pretty much the same. So it's still right and relevant today than twenty five years ago. Some people said than we do some fun journalism because things are happening and we write lyrics about it and it's gone stay forever. Some of the lyrics are opinions, and opinons change, but I believe it's relevant.
MI. For your European tour, you're touring only in Spain and Portugal, why?
Boka. The thing is, we started to do the tours like shorter every time. I have 45, these guys, they are more than 50 and touring a whole month in a van, driving six hours a day, play shows every night, it's exhausting. We prefer to come for 10 days, doing shorter but we can play only good shows and we are still in the mood to do it. It's better to come like two times and play ten shows each time than coming one time and play twenty shows in a row. Because we get tired, we get bored, we're not in the mood to be here...wow. We're trying to find a way to keep it cool and still having fun. I believe, if you're not having fun, if you're not in a good spirit to play shows, it doesn't make any sense.
MI. Speaking of shows. This is your first time in Hellfest, what did you think of your show?
Boka. It was a really good time. We had big expectation to play here because there are different periods of fans of RATOS, you know. Sometimes we play a gig in a club and the fans are more fans of a particular period of the band. In Hellfest, we're playing in front of a large audience. There are Hardcore fans, Metal fans, Crossover fans. So it's good to play in a show that brings all these people together. Every band wants to play in a show like this. We're really happy, the show was really good, the response was cool. Everybody is much tired because it's the third day but it was really cool. We had fun and I think people got what they expected.
MI. What's the biggest difference between european public and your audience in Brazil?
Boka. I like them both, they're both cool but South America, and I could include Spain and Portugal and France, the audience is wild. In northern Europe, they're more like watching. But every time we play France, Spain or Portugal, the people are wild like in South America. It depends. As a band like us, that has been playing for so long. Sometimes you go to a country, you go to a city and the show is wild. And then you come back two years after and it's colder, you know. Everytime we played in clubs or squats in France, people go mad, so France is cool. It's close to the South American.
MI. During the nineties, you recorded several albums in portuguese then in english. Why did you did this, and why did you stopped doing this latter?
Boka. When we had this deal with Roadrunner, they said "you have to record in english" but the sense of the band, the roots of the band is like singing in portuguese. We need it for the band, for our country and for South America. For Portugal as well because we have a really good fanbase there. So we had to write it in portuguese and then translate it, but to sing it, it's not good because it changes the tempo and it even changes the voice, like singing in another language. So we had to deal with it. When we had this deal with Roadrunner finish, our new label told us they didn't mind if we stopped singing in english, because we're not an english band and most of the people knows what the band is about. We just gave up.
MI. It's for the same reasons that your cover album "Feijoada Acidente?" was published in a different version for South America and Europe and the US?
Boka. Yeah, because it was like to pay a tribute for the bands we like. We always play other bands songs in the albums, in the jam sessions or in the shows. So we said it would be cool to make this tribute. At the beginning, we had a huge project with 50 songs to record in a session. It was really crazy, difficult to do. We said, that would be cool to have an international record and a national one. This project is like a present to the fans, for all the country. If you are an italian Punk Rock and you like RATOS DE PORAO, and then you can hear us playing an italian classic, or a finnish classic, or an american classic, it's cool for the fans. It's the same in Brazil. This record was made the same way pretty much everything we do. It wasn't planified. We thouhgt "if we do this, it would be cool" and then things came up this way.
MI. The title is a direct reference to GUNS N ROSES own cover album Spaguetti Incident?
Boka. Yeah, it was kinda joke, we have this title and this visual with this traditonal brasilian dish. It was like a joke with the GNR album.
MI. Speaking of GNR, what do you thing about Axl Rose singing for AC/DC?
Boka. At the first time, I thought it was really strange because, but I don't know, maybe they are friends. If you have a band, everything you do on music bases it's public. It's not your personal life. If I go up on the stage, singing and play, I give people in the public the opportunity to have what they want. It's something public. People can say wathever they want, I don't want myself to criticize bands when they do things. I believe the fans cannot criticize your personal life because it's private. But if you record an album with shitty songs, they can tell whatever they think about it. I didn't see it, some people told me it's could but I'm a fan of Bon Scott era, so, call me sentimental.
MI. During your career, you tried different styles of music. Do you have a favorite style?
Boka. Hardcore, Crossover is pretty much our school, where we came from, the style that we learned to play. We never think about, we gonna buy some material and it's gonna sound this way. It's like i said before. Everything we do we just like talk, then play and things just came of the way. I believe when we write it refect some music we are listening at the moment. I like other styles of music, like Jazz, but I don't try to put this style in RATOS. I believe we are a Crossover band and that's the way we're goint to sound. We sound different in each records because the band improves, we always see a music evolution in each album.
Ajouté : Dimanche 14 Août 2016 Intervieweur : Rivax Lien en relation: Ratos de Porão Website Hits: 6782
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