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HYPNO5E (FRA) - Le Bataclan à Paris (09/04/13)

Groupes Présents au concert : KRUGER (ch), HYPNO5E (FRA), GOJIRA (FRA)
Date du Concert : mardi 9 avril 2013
Lieu du Concert : Le Bataclan (Paris, France)

Alors que nous devisions fin 2011 avec mon ami Roger sur la désaffection des salles parisiennes, je suis heureux de constater que depuis le début de l’année 2013, cette sombre tendance s’est inversée.
MASS HYSTERIA complet à l’Olympia, et deux dates pour GOJIRA au Bataclan, ça fait plaisir à voir… Une explication ?
Je ne sais pas… Prix des places en baisse, regain d’intérêt pour la musique live ? Un peu des deux sans doute.
Toujours est-il que la queue ce soir devant le Bataclan est celle des grands jours… Et après une petite interview avec HYPNO5E, je pénètre donc dans la salle pour cette soirée de gala, au rythme imposé et déposé Post-Hardcore et Néo-expérimental.
Mettons les choses au point de suite. Je n’étais là ce soir que pour KRUGER et (surtout) HYPNO5E, il n’y aura donc pas de report de GOJIRA, puisque je n’ai pas assisté à leur prestation, par choix. N’étant pas du tout fan du groupe, je ne voyais pas l’intérêt de rester durant leur set, et les échos qui me sont parvenus me donnent finalement partiellement raison.
Period (à l’anglaise).



Après une petite discussion avec le service d’ordre, le quintette suisse KRUGER dont le For Death, Glory, And The End Of The World m’avait enthousiasmé il y a trois ans, monte enfin sur scène (à l’heure).
Sur disque, KRUGER est inclassable et fondamentalement bruitiste. En live, l’impression de puissance désarticulée dégagée est tout bonnement impressionnante. Les cinq musiciens affichent une cohérence diabolique, et font honneur à la mécanique de précision de leur pays. Rien en effet ne viendra enrayer la machine ce soir, et le groupe déroule son set sans poser le genou à terre.
Avec une rythmique inépuisable, deux guitaristes inventifs et généreux, et un frontman d’une mobilité extrême, les suisses assurent le show, qui se déroule pourtant devant une salle au deux tiers vide, ce qui n’entame en rien l’enthousiasme du combo.
Avec un répertoire constitué de deux albums et d’un 10'' à venir, KRUGER joue crânement son rôle de lever de rideau, et la gestuelle de Renaud n’est pas sans rappeler celle de Franz Treichler, son compatriote des YOUNGS GODS.
Et d’ailleurs, bien qu’énormément plus chaotiques, les parties les plus digressives de la musique de KRUGER offrent parfois des similitudes avec les auteurs de l’Eau Rouge, au niveau intensité et hypnotisme.
Toujours est il que malgré le maigre public amassé devant la scène, le groupe s’est donné à fond, et à su conquérir n’en doutons pas de nouveaux fans, hautement perméables à ce subtil mélange de Post Hardcore, d’Indus, qu’on pourrait presque qualifier de progressif sans paraître hors contexte.
Renaud à d’ailleurs terminé le set dans la salle, essayant de rameuter les troupes pour le baroud d’honneur, et de fait à très bien synthétisé par cette attitude la prestation globale de son groupe. Notons d’ailleurs une petite blague/pique envers les politiciens français, lorsque celui ci jure que leurs propres comptes en Suisse sont très légitimes… Bien vu les gars ! (9/10)



Pause… Lors de mon interview avec Emmanuel et Gredin, ceux ci se sont montrés particulièrement prolixes lorsqu’ils parlaient de leur musique. Intarissables sur le cinéma, la littérature, ils m’ont expliqué en substance que leurs albums étaient en quelque sorte un voyage initiatique, pas foncièrement différent de ceux qu’ils font autour du monde, pour le plaisir ou pour la musique. Et Gredin appuyait cette thèse en affirmant qu’Acid Mist Tomorrow prenait toute son ampleur en mouvement, en train ou avion, affirmation à laquelle je ne pouvais qu’acquiescer.
Alors… Depuis la découverte de cet album, ma perception de la musique à changé. Car HYPNO5E m’a prouvé par A+B qu’on pouvait, en 2012, proposer quelque chose de radicalement novateur, sans évoquer quoi que ce soit d’impersonnel, chose que je pensais impossible depuis de longues années.
J’attendais donc leur prestation l’écume aux lèvres…
Résumé introductif demandant développement : HYPNO5E live, c’est plus qu’un concert, plus qu’une prestation, c’est bien un voyage…Un voyage introspectif, un voyage musical, un voyage au frontière de la perception, où tous les sens internes sont stimulés. Rien de moins.
Emmanuel m’avait révélé la setlist de ce soir peu de temps avant. Alors j’étais d’autant plus impatient de découvrir ces pépites en concert.
Et c’est au son d’un arrangement personnel du « Psychose » de Bernard Herrmann que le quatuor Montpelliérain investit la scène, avant d’enchaîner directement sur le titre éponyme de leur dernier album, le fabuleux « Acid Mist Tomorrow ».
Et là, je dois avouer que j’ai eu quelques craintes…
Bon, ok, niveau son, c’est énorme. Mais pouvait il en être autrement ? Par contre, niveau équilibre des fréquences et interprétation, quelques approximations furent à noter. Des samples noyés dans le mixage, une voix en arrière aussi, des enchaînements entre les passages clairs et saturés pas forcément carrés, et une basse trop en avant…
« Pour que je me sente moins seul, il me restait à souhaiter qu’il y ait beaucoup de spectateurs le jour de mon exécution, et qu’ils m’accueillent avec des cris de haine »
Mais de haine, il n’y aura point ce soir…
On s’interroge, et puis les choses prennent forme, le spectre sonore s’affine lorsque le quatuor encore un poil timoré attaque « Maintained Relevance Of Destruction Part II », du premier et inclassable LP Des Deux L’une Est L’autre. Le groupe se veut plus mobile, n’interrompt pas les transitions par des dialogues inutiles avec le public, et se concentre sur l’interprétation. On se sent mieux, et on note un combo plus à l’aise, chaud, et définitivement dans son élément.
Le public, encore tiède, se manifeste peu et fait preuve d’une retenue qui le confine un peu à la passivité.
Mais comme le disait très justement Emmanuel l’après midi, c’est le triptyque « Gehenne » qui représente le mieux la démarche d’HYPNO5E, et qui obtient les meilleures réactions live, de par son alternance époustouflante de parties éthérées et d’envolées écorchées. Et force est d’admettre que le bougre avait raison tant lui et ses comparses s’envolent alors à des hauteurs insoupçonnées lors de ce morceau… Et cette fois-ci, tout devient clair, nous ne sommes plus au Bataclan, mais dans la bulle HYPNO5E, dans ce monde si personnel, aux intonations d’Amérique du Sud, accent hispanique à l’appui, pour un conte en trois volumes dont personne ne sortira indemne et que la foule plus compacte célèbrera avec enthousiasme et ferveur.
Symptomatique de l’effet Acid Mist Tomorrow dont il est la charnière centrale, « Gehenne » est un tribut payé à l’émotion, au vertige musical, à l’introspection, un arc-en-ciel musical se moquant des mouvances et des us, pour hybrider à outrance toutes les formes d’expressions sonores possible.
HYPNO5E au sommet de son art…
Puis, comme dans un rêve, « Brume Unique Obscurité Part II » et son ukulélé prend la suite pour tutoyer finalement la perfection à laquelle les Montpelliérains sont les rares à pouvoir prétendre…
Bien loin des conventions, cet instrument qui aurait pu rendre grotesque la performance la sublime au contraire, et le quatuor n’a plus qu’à dérouler son art tout au long de ce segment de quatre minutes, durant lequel la mécanique tourne à plein régime. Le Bataclan ne s’y trompe pas, et réagit au quart de tour, et lorsque les lumières s’éteignent à l’énoncé de ces mots si prophétiques :
« Après qu’est mort le dernier son, reste un silence très profond.
Les étoiles ne sont que noms, pour une unique obscurité. »

Tout le monde se tait jusqu’au point final. Puis les hurlements retentissent et font écho à l’intro du fabuleux « Tutuguri », retour en arrière en 2007.
Beaucoup de fans auraient préféré que l’histoire s’achève là, sur ces quelques mots prononcés d’une voix apaisée.
Et c’eut été une clôture digne et logique.
Mais lors de ce « Tutuguri » final, illustration d’un passé pas si lointain, les quatre musiciens vont se lâcher complètement, au point de transformer la scène en image mouvante vous hypnotisant totalement, malmenant leurs instruments, comme s’ils livraient la dernière bataille d’une guerre contre le conformisme et l’attentisme musical.
Il me faut l’admettre, lors de ce final dantesque, j’ai compris tout ce qu’HYPNO5E représentait pour moi.
Plus qu’un groupe, plus qu’une musique, ils sont une nouvelle éthique, un nouveau langage, qui balaie des décennies de soupe indigeste et de formatage industriel. Mieux, une catharsis, l’aboutissement d’une quête, d’une croisade à la recherche de « ma » musique parfaite, celle dont chaque note et chaque émotion est à sa place…
Alors, je pourrais gloser des heures encore sur l’importance d’un tel groupe, sur la richesse de leurs arrangements, la recherche perpétuelle de leur instrumentation, leur refus des barrières, des étiquettes, et leur côté humain si précieux. Mais nous parlions existentialisme avec Gredin quelques heures avant.
Alors, je laisserai Sartre boucler ce report.
« Pour que l'événement le plus banal devienne une aventure, il faut et il suffit qu'on se mette à le raconter »
Et quelle plus belle aventure qu’HYPNO5E ? (10/10)




Ajouté :  Vendredi 12 Avril 2013
Live Reporteur :  Mortne2001
Score :
Lien en relation:  Hypno5e website
Hits: 15461
  
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