GRÖNHOLM (usa) - Relativity Code For Love (2015)
Label : Power Prog Records
Sortie du Scud : 18 septembre 2015
Pays : Finlande
Genre : Hard Rock / AOR
Type : Album
Playtime : 8 Titres - 39 Mins
Mika Grönholm, c'est un peu le Michael Wagener Finlandais, le Bob Rock local, qui non content d'être un sorcier des consoles possède aussi une sensibilité instrumentale profonde et sincère. Quelqu'un sur qui on peut s'épauler, en tant que technicien bien sur, mais qui comprend parfaitement le langage des musiciens. Il faut dire qu'il a passé plus de quinze ans au poste d'ingé son aux Soundtrack Studios d'Helsinki, et ça vous forme un homme qui a la base, déborde de talent.
Mais las de supporter l'ombre, l'homme décida en 2009 de voler de ses propres ailes, et de fonder un groupe portant son nom, ce qui est toujours un énorme défi, celui d'endosser toutes les responsabilités, et d'assumer les victoires comme les échecs.
Mais avec des idées comme les siennes, et un tel art de la composition et des arrangements, les défaites sont rares, très rares.
Un premier LP en 2010, Eyewitness Of Life, puis un suivant en 2011, Silent Out Loud, et puis le silence tout court. Quatre années sans une note, c'est long, mais entre temps, un line up ajusté, un changement de label, et surtout, un gros virage dans l'orientation musicale.
Exit donc Lion Music et bienvenue chez Power Prog Records. La maison hôte change, mais les convives aussi. Au revoir Markku Kuikka et bienvenue à Lee Small (SHY, ICONIC EYE), dont le timbre de voix inimitable convient mieux à la nouvelle direction mélodique, moins progressive, moins agressive, mais à la beauté équivalente, sans conteste.
Mika n'a pas rangé sa technique au placard, mais a décidé de la mettre au service d'un Hard Rock beaucoup plus abordable, et disons le, franchement Rock/AOR parfois. Il a suivi les leçons à la règle, mais les a appliquées à sa façon, d'une approche plus nordique qu'américaine, ce qui donne un contraste intéressant entre la puissance de la rythmique et des riffs et la douceur veloutée du chant. On le note dès le morceau d'ouverture, qui parle à votre petit coeur blessé à la deuxième personne du singulier, et "Reasons" de se rapprocher d'un "No Easy Way Out" de Robert Tepper, avec cette guitare qui se tend sur un refrain énorme aux harmonies précises, laissant la place à une basse chaloupée pour les couplets plus discrets. Mais le guitariste n'a pas rangé ses soli cinglants pour autant, et il en étale toujours autant, tout au long de l'album, avec le doigté si habile qu'on lui connaît. Oui, on peut être sensible et romantique, mais pas niaiseux pour autant...
Love, love, love. "Love is all you need" chantait Lennon pour la BBC, et cette litanie semble avoir trouvé écho dans l'âme de Mika, qui nous dévoile toutes les facettes de ce sentiment universel. "Home In Our Heart" en parle, bien sûr, mais sous une épaisse couche d'arrangements synthétiques, à peine survolés par une six cordes bien discrète. On s'enfonce la mémoire de plein souvenir dans les dédales doux et moelleux de l'AOR le plus traditionnel, à tel point qu'on commence à se demander si le compositeur n'a pas oublié sa hargne en route. C'est très beau, encore une fois produit de main de maître, et on apprécie évidemment, tout en se demandant si l'oeuvre à encore sa place dans les étagères d'une discographie Hard Rock.
Oui, c'est le cas, et la réponse ne tarde pas, car après une solide intro de Tom Rask, au jeu toujours aussi percutant, la férocité se fait une place au travers du riff bien costaud de "Like An Angel", presque alternatif, alors que la voix sublime de Lee s'empare de l'espace laissé libre. On retrouve sur ce titre tout l'art nordique d'accommoder la mélodie à une recette foncièrement Rock saignant, et ça déroule sans accroc...
"Mystery" confirme cette tendance, mais la place sur les rails du paradoxe. Si le thème principal montre les crocs, la rythmique presque synthétique et la syncope vocale rappellent les grandes heures de ce Rock FM des années 80 qui n'hésitait pas à flirter avec la New Wave, avant qu'un énorme refrain ne nous ramène dans le giron du Hard Rock mélodique. On se souvient du "Home Street Home" de KING KOBRA qui posait les bases de la fusion Rap/Hard Rock/New Wave, et les prévisions de Carmine Appice semblent être revenues à la mémoire pas ingrate de GRÖNHOLM. Du travail cousu main, pour une réelle surprise en forme de hit improbable.
Le talent du guitariste, outre sa science de composition et sa pertinence d'instrumentiste se situe justement dans ces croisements qu'il ose opérer, entre la grandiloquence et la préciosité du Progressif, l'immédiateté du Hard Rock, et l'équilibre mélodique de l'AOR. On tombe parfois sur une batterie complètement hors du temps, limite frappé du sceau 1985, qui soutient un morceau qui bout d'une eau Rock/AOR sur laquelle s'éparpillent quelques grains de sel New Wave/Disco, et ça donne une jolie préparation hybride, au goût doux mais relevé, comme l'est en bouche "Strangers".
En huit morceaux seulement, le menu est concis, mais copieux. Mika a eu l'intelligence de ne pas surcharger la table avec un surplus de mets indigestes, et de bout en bout le repas est savoureux et léger sur le palais. Même lorsque le temps est venu de laisser un digestif faire de la place pour la suite, celui ci évite les pièges du glucose en surdose, et "Once", malgré son onctuosité ne s'assimile pas à une guimauve qui colle aux dents, avec ses notes de synthé étranges et arabisantes, et sa production globale un peu cotonneuse et étouffée.
Et d'ailleurs, le combo dessert/café est des plus consistant, "Serenity" en forme de gâteau final épais et gras, mais sans risque d'overdose, guitare en avant, break de basse lourd et sinueux, et une fois de plus, refrain glacé fantastique.
Niveau arabica, "Gravity" préfère retrouver les senteurs d'il y a trente ans, sans déranger le fameux gringo, et sonne un peu comme un équivalent corsé d'une collaboration Hard entre Michael Sembello et Kenny Loggins, pour laisser une batterie bondissante donner le ton, et dominer ce qui aurait pu être un hit des radios FM il y a trente ans.
Le progressif pur et dur est tombé aux oubliettes, GRÖNHOLM est à présent devenu un gigantesque groupe de Hard Rock tendance AOR qui se permet de donner une sacré leçon de savoir faire aux américains, en leur damant le pion sur leur propre terrain. En huit morceaux, pas plus, GRÖNHOLM signe un des meilleurs albums du genre de l'année, discrètement, presque sans faire exprès. Et Mika de confirmer une fois pour toutes quel grand compositeur/interprète il est, en toute humilité, sans faire de bruit.
L'amour, toujours l'amour. Mais avec une telle bande son, je l'avoue, on aurait vraiment envie de repartir dans les 80's pour rencontrer la femme de sa vie.
Ajouté : Samedi 04 Juin 2016 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Grönholm Website Hits: 5192
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