GRAVE RITUAL (usa) - Morbid Throne (2015)
Label : Dark Descent Records
Sortie du Scud : 30 octobre 2015
Pays : Etats-Unis
Genre : Old School Death Metal
Type : Album
Playtime : 9 Titres - 31 Mins
"Refuser le temps qui passe, c'est nier l'avenir en s'enterrant dans le passé. Mais ça n'empêche ni de vieillir, ni le progrès de continuer à avancer."
Ca pourrait être un adage ou un aphorisme de grand auteur, mais c'est juste une amorce personnelle qui place d'emblée les débats sur le bon terrain.
Le Death Metal aujourd'hui, ce sont des sons clairs, mats, qui claquent, des batteries triggées, des hybridations volontaires avec le Djent, en gros, des choses que je n'écoute pas. Car à ce niveau là, je suis moi même figé dans un passé que j'ai trop connu et aimé.
Alors lorsque mes tympans abîmés tombent sur le deuxième album des GRAVE RITUAL, ils sont rassurés, car en terrain connu. Montgomery, Alabama, sweet home... 2006, éclosion d'un petit groupe local, MEATHOLE INFECTION, qui trois ans plus tard mue en GRAVE RITUAL. Un premier album en 2010, séminal et artisanal, Euphoric Hymns From The Altar Of Death, et puis cinq ans de silence. Rompu aujourd'hui par un second LP, Morbid Throne.
L'équation pourrait très vite être résolue, et la situation exposée sans faire trop d'effort. GRAVE, "Zombie Ritual" de DEATH, égal GRAVE RITUAL. Ca paraît simple comme explication, mais c'est pourtant partiellement vrai. Il convient d'ajouter quelques variables, INCANTATION, AUTOPSY, en gros, l'essence de la scène Death de la fin des 80's et du début des 90's, ce qui je vous l'assure n'a rien de péjoratif. Puisque la musique du trio US semble avoir été composée il y a vingt cinq ans, voire plus, il semble normal de resituer les débats à cette époque, la meilleure selon moi en terme d'inspiration Death.
Oui, GRAVE RITUAL semble ne pas avoir tenu compte des avancées du style depuis ces années là, mais c'est une très bonne chose. Car du coup, tout comme le premier, ce second album exhale des effluves putrides de corps en décomposition, et instaure une ambiance pesante et morbide qui plane au dessus de votre tête et partout autour de vous.
On ne parle pas dans leur cas de "refus de progresser", mais bien de continuer à "rendre hommage à l'essence du style", puisque c'est exactement ce qu'ils font, et très bien d'ailleurs. Morbid Throne marche sur la terre du cimetière de WINTER, évoque les mêmes esprits anciens qu'INCANTATION, et triture les entrailles des corps sans vie à la manière d'AUTOPSY. En gros, ils appliquent à la lettre les principes énoncés par ces trois groupes, en tissant leur Death sur un canevas simple, tissé de riffs lourds, lents, encadrés par une rythmique qui hésite entre bourrasques violentes et lenteur décadente. Lorsque le Death et le Doom étaient encore voisins, et qu'ils devisaient sans arrière pensée. Tout cela vous semble obsolète, dépassé ? Je peux vous comprendre, mais lorsque le respect découle sur une quasi perfection de ton, parlons plutôt d'hommage et de passion.
Morbid Throne est un voyage d'une demie heure en terre connue, comme une invitation à pousser les grilles d'un vieux parc d'attractions abandonné depuis des années, et tenu par l'esprit d'un défunt forain. Une fois le ticket pour le vieux grand huit en bois craquelant obtenu, vous montez dans la nacelle, et vous commencez à tourner en entendant le bois se briser sous votre passage. C'est quelque part une antiquité, mais c'est justement ce qu'on recherche à travers ce genre d'album, et si Severed Survival, Onward To Golgotha ou Into The Grave sont vos albums de chevet, il est fort possible que Morbid Throne les y rejoigne.
Même le son de l'album est cacheté. Sourd, diffus, avec une quasi incapacité de discernement lorsque le tempo accélère ("Behind The Reigns Of God"), c'est aussi une allégeance aux productions de l'époque, avec ces guitares tellement graves qu'on les prend pour une basse, et ce chant mixé en arrière plan qui lance des incantations à peine audibles mais vibrantes.
Il est assez difficile de placer un titre en avant, tant ils sont tous construits de la même façon, même si l'intro "Baleful Aversion" de sa façon de plomber l'ambiance dès les premières secondes se place de lui même aux avants postes.
"Autonomous Death" et ses blasts tempérés est aussi une sacrée entrée en matière, presque Black, toujours à cause de cet enrobage flou et compact, mais "Invoker Of Heathen Gods" et sa lourdeur post mortem fait sans conteste partie des moments les plus choquants, singeant presque chaque tic de Chris Reifert.
Avant tout, Morbid Throne par son refus entêté de toute évolution, est un sacré trip temporel à revers, et procure les mêmes sensations que l'on a pu ressentir il y a trente ans, lorsque le lyrisme morbide était abordé en tant que tel, et non comme simple moyen de tomber dans des exactions toujours plus grotesquement bruitistes. Chaque instrument sonne comme s'il avait été exhumé d'une vielle sépulture, et la peur viscérale de ne pas vraiment savoir ce qui nous attend reprend le dessus, comme une terreur adolescente incontrôlable.
C'est en effet passéiste dans la démarche, mais tellement efficace dans la forme et le fond qu'on écoute, religieusement, et qu'on apprécie ces moments de lourdeur sans se demander s'il est vraiment bon de rester bloqué dans un passé que beaucoup aimerait révolu, à jamais.
Un peu comme un vieux film d'horreur, pas forcément inventif, mais qui réutilise tous les codes qu'on connaît certes par coeur, mais qui fonctionnent toujours. Le brouillard exagéré dans la forêt, les zombies maquillés à la truelle qui avancent d'un pas trop lent, les victimes figées par la peur qui refusent de courir, et une vieille bâtisse, aux murs défraîchis, qui cache une terrible menace dans son grenier ou dans sa cave. Tiens, osons. Morbid Throne, c'est un vieux Lucio Fulci, avec la production/photographie de Salvati, et des effets spéciaux/arrangements de Gianetto De Rossi.
On peut donc voir les américains comme les Fabio Frizzi du Death Metal. Et oui, c'est un sacré compliment de ma part.
Ajouté : Lundi 24 Octobre 2016 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Grave Ritual Website Hits: 7096
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