L’arrivée d’un nouvel album de BLIND GUARDIAN représente toujours un évènement dans le monde du Metal. Les troubadours allemands menés par l’unique Hansi Kürsch ont su, depuis une vingtaine d’année, se forger un son propre, immédiatement indentifiable, et quiconque n’a jamais posé une oreille sur Imaginations From The Other Side ou Nightfall In Middle-Earth ne peut prétendre connaître l’œuvre du Gardien Aveugle.
Ces dernières années, BLIND GUARDIAN a voulu expérimenter sans toutefois s’éloigner de son domaine de prédilection. La vraie question est : après un complexe et fouillis A Night At The Opera (2002), et un A Twist In The Myth (2006) trop avant-gardiste, à quelle sauce le fan de BLIND GUARDIAN va-t-il être mangé cette fois ? Qu’il soit quand même rassuré, il n’y a pas d’interrogation à avoir, car la paire Kürsch/Olbrich n’a jamais baissé le pied en termes de qualité sur les compos, et la nouvelle offrande At The Edge Of Time n’échappe pas à la règle.
L’entrée en matière de At The Edge Of Time pourra sembler familière aux aficionados du jeu vidéo « Sacred 2 (Fallen Angel) », auquel BLIND GUARDIAN avait participé avec le titre « Sacred ». Ici, l’intro et la conclusion du morceau original ont été réarrangés pour donner naissance à « Sacred Worlds ». Passée la surprise de voir un morceau de plus de 9 minutes débuter l’album, c’est surtout l’omniprésence d’orchestrations véritables qui chagrine. Depuis si longtemps, ce sont les parties de guitares atypiques d’Andre Olbrich (bien soutenues par les parties plus rythmiques de l’autre six-cordiste Marcus Siepen) qui posent les bases … Et là, c’est l’orchestre envahissant qui prend le dessus. L’ingéniosité d’Olbrich est volontairement mise de côté, et on peut appeler ça un sacrilège. Trop orchestral, « Sacred Worlds » ? BLIND GUARDIAN n’a jamais prétendu vouloir faire du RHAPSODY, ce serait dommage d’en arriver là.
Au moins, son successeur immédiat, « Tanelorn », se veut tout simplement thrashisant ! Entre celui-là et un « Ride Into Obsession » véritablement rapide, on fait un bond en arrière de quelques années et croyez-moi, le « Banish From Sanctuary » de Follow The Blind (1989) n’est pas loin. Faut-il y voir une influence du batteur Frederik Ehmke, parfaitement intégré après des débuts réussis sur A Twist In The Myth ? Le fait est que visiblement (blague …), BLIND GUARDIAN a ressenti l’envie d’accélérer le tempo à nouveau.
On lui préfère néanmoins « Road Of No Release », ce chant inimitable d’Hansi, ces chœurs magnifiques, cette mélodie si singulière, ces changements de rythme savoureux … En un mot, le BLIND GUARDIAN que l’on attend avec impatience. Le Heavy « Valkyries » permet à Olbrich de retrouver de sa superbe, à coups de riffs recherchés et de guitares chantantes. Dans le même registre, le majestueux « Control The Divine » ne fait pas tâche. Et le premier single « A Voice In The Dark » voit le quatuor évoluer en terrain plus que connu.
Et puis, un nouvel album de BLIND GUARDIAN manquerait de charme sans ses moments plus celtiques, plus folkloriques. Ici, ils se nomment « Curse My Name » (avec sa flûte charmeuse) et « War Of The Thrones ». Quand certains groupes se contentent de pondre des ballades sans saveur, le Gardien Aveugle aime adoucir en finesse, par ces deux instants magiques, un album à l’agressivité retrouvée.
Pour ceux que « Sacred Worlds » n’a pas convaincu, le final de At The Edge Of Time intitulé « Wheel Of Time » achèvera les plus sceptiques. Cette fois-ci les orchestrations ont le mérite d’œuvrer pour l’ambiance du morceau, un poil arabisant, 100% épique, doté d’un refrain ravageur et de multiples rebondissements. En un mot, une audacieuse réussite à consonance orientale.
En découvrant cet opus, certains y verront un panel complet de tout ce que BLIND GUARDIAN sait faire, d’autres reprocheront à At The Edge Of Time de manquer de cohésion et de ligne directrice. Le Cercle des Bardes, lui, n’en a que faire. Sans atteindre le niveau prodigieux d’un Imaginations From The Other Side, BLIND GUARDIAN vient d’accoucher, une fois encore d’un très bon album.