KREATOR (de) - Terrible Certainty (1987)
Label : Auto-Production
Sortie du Scud : octobre 1987
Pays : Allemagne
Genre : Thrash Metal discipliné
Type : Album
Playtime : 8 Titres - 36 Mins
Un groupe de Thrash, c’est comme un chien méchant. Si celui-ci à la rage et qu’il niaque tout ce qui bouge, il finit par se faire piquer. S’il montre les dents et grogne tout en reculant, il passe pour un pingouin et fait rire les passants. Si au contraire, il apprend à canaliser sa haine et la transformer en arme d’attaque redoutable, il devient respecté et craint de tous.
D’Essen, Allemagne, est venu un clébard un peu plus vilain que la moyenne. Il poussa ses premiers jappements sous le délicieux sobriquet de TORMENTOR, avant de commencer à montrer les crocs sous le nom de KREATOR.
On ne s’est pas de suite montré inquiété par la bête. Certes, elle avait le poil dru et la babine baveuse, mais pas plus que son camarade plein de puces de DESTRUCTION, où son acolyte galeux de SODOM, qui lui, commençait déjà à planter ses ratiches dans les mollets de tous ses congénères.
Son premier aboiement fut sauvage, mais fort peu impressionnant. Endless Pain n’était pas la boucherie promise, juste un petit avertissement des débordements à venir.
Mais avec Pleasure To Kill, l’affaire prit un tour délicieusement rageur. Le facteur commençait à avoir sérieusement les foies, et la voisine d’à côté minutait soigneusement ses visites. Hélas, à force de courir après toutes les caravanes en beuglant comme un damné, le pauvre clebs se trouva fort dépourvu quand la laisse en acier fut venue.
Seul dans sa niche très germanique, ce sale représentant de la race canine, aiguisa les siennes et se mit à réfléchir. Japper, d’accord, mais sans hurler à la mort ! Lassé de voir les os se raréfier, il reformula son discours, tout en séduisant par son attitude plus posée. Il accepta avec mauvaise fortune bon cœur le collier anti-tiques, et le regard plein de roublardise, se délectait par avance de ses méfaits à venir.
Et quand le livreur de pizza pointa le bout de son nez, il se heurta à la truffe de la bête qui lui emporta le blair tout sec, sur fond de « Blind Faith » terrorisant. Fallait pas oublier les anchois mec ! Le poil soyeux trompa la vigilance du bon commis, qui fit là, la première erreur de la journée. Il faut dire que le démon déboula à une vitesse supersonique, et qu’il fut impossible de l’éviter !
Soucieux de préserver un tant soit peu son énergie, ce gros bâtard ralentit l’allure, et « Storming With Menace » résonna soudain, illustrant à merveille la gueule patibulaire qui arpentait les ruelles à la recherche de sa prochaine poubelle à dévaster.
Et la soudain, petite pause pipi, lorsque, la patte arrière gauche en l’air, notre apprenti pitbull aperçoit les ordures de cet enfoiré de boucher qui lui avait si souvent mis son pied au cul. La charge s’annonce terrible, c’est certain. Et « Terrible Certainty », après une intro qui pose les jalons, sonorise à merveille la course menée hors d’haleine par le quadrupède désireux de se repaître des restes de poulet invendus. Et lorsque le briseur de chair fait mine de sortir l’air excédé, « As The World Burns » hausse le ton, et le retroussement des babines ne laisse planer aucun doute sur les envies de vengeances de l’animal. L’œil noir, la position solide, les grondements sourds et sordides paraissent assez clairs, et le tenancier de regagner aussitôt l’intérieur de son échoppe.
Mais alors que l’après midi s’avance et que la patronne risque de commencer à s’inquiéter, il est temps de se diriger vers le terrain de jeu favori, ou les autres poilus qui l’ont tant emmerdé sont sans doute en train de se gausser de leurs derniers exploits. Alors on court à pattes rabattues, on renverse quelques bidons toxiques au passage de l’usine de retraitement de déchets nucléaires, alors que la fureur de « Toxic Trace » résonne de ses accords menaçants. Une course lourde mais rapide, un aboiement grave qui porte assez loin, les voilà prévenus.
Mais l’alarme retentit lorsque la sentence « No Escape » est prononcée. C’est structuré tout en étant chaotique, ça prend son temps, et les poils volent dans tous les sens. La bataille rangée prend des allures de défilé de caniches géants dont on salope la permanente, et les pauvres ex-durs à cuire rentrent à la maison la queue entre les jambes.
Cette fois ci, il est vraiment temps de regagner la chaumière. La vieille va encore s’inquiéter, et la trempe à coup de nerf de bœuf, ça commence à bien faire. Alors on accélère le pas, et « One Of Us » aussi. Ca va très vite, mais les guitares volubiles se fondent parfaitement au décollement des pattes sur le bitume.
A peine arrivé, on fait le beau, histoire de flatter le sens de l’éducation de la maîtresse, et puis on file vers le fond du jardin. Encore un trop plein de haine à décharger ! Et si l’intro de « Behind The Mirror » se veut cajoleuse, le reste du titre est une fois de plus un charcutage en règle !
Ah, foin de métaphores canines et allons droit au but.
Ce qui différencia en cette belle année 1987 Terrible Certainty de son prédécesseur et néanmoins culte Pleasure To Kill fut que KREATOR avait changé de tactique. Au lieu de garder la bouche en permanence ouverte en essayant d’avaler tout ce qui passait, ils avaient compris qu’il valait mieux parfois attendre tapi dans l’ombre, pour mieux bondir sur sa proie au moment opportun. L’éternel débat entre la furie totale et la colère canalisée…
Mais Terrible Certainty restera selon moi le plus bel achèvement de la carrière des allemands. Celui où l’équilibre entre vitesse et lourdeur fut le plus juste.
Avec en guise de cerise une production plus léchée, les musiciens progressant sans cesse ont réussi à démontrer que la rage juvénile n’avait jamais autant de poids que lorsqu’elle savait se pondérer de temps à autre. En laissant à Mille l’essentiel du chant, Ventor avait resserré son jeu de batterie, rendant de fait l’ensemble beaucoup plus percutant.
A l’image du démon sur la pochette, attendant sagement sa victime au milieu du pont au lieu de tout dézinguer, KREATOR était sur de son fait, et convaincu de son propos.
Et alors que DESTRUCTION n’allait pas tarder à se perdre sur le chemin d’un Techno Thrash hésitant, et que SODOM connaissait ses plus belles heures, KREATOR pavait la route de la longévité de sa lucidité.
2010, KREATOR pas mort, et toujours aussi dangereux.
Qui peut en dire autant ?
Ajouté : Mardi 14 Septembre 2010 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Kreator Website Hits: 10908
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