GOROD (FRA) - Mathieu Pascal (Mars-2012)
Le retour des rois du Death progressif français n’aura échappé à personne. Avec son quatrième album, A Perfect Absolution, les Bordelais de GOROD entrent dans une nouvelle ère. Forts de deux nouveaux membres, d’une expérience américaine et d’un nouveau concept qui retrace un épisode glaçant de l’Histoire de la Russie, les français reviennent sur leurs terres en conquérants. Et qui de mieux que Mathieu, guitariste et compositeur principal du groupe, pour nous embarquer dans cet univers si singulier ? Entretien.
Line-up : Julien « Nutz » Deyres (chant), Mathieu Pascal (guitare), Samuel Santiago (guitare), Ben « Barby » Claus (basse), Nicolas Alberny (batterie)
Discographie : Neurotripsicks (album - 2005), Leading Vision (album - 2006), Process Of A New Decline (album - 2009), Transcendence (EP - 2011), A Perfect Absolution (album - 2012)
Metal-Impact. Salut Mathieu ! Je suis Stef du webzine Metal-Impact. Votre quatrième album, A Perfect Absolution vient tout juste de sortir. Quel est le sentiment principal qui vous habite quelques jours à peine après sa sortie officielle ?
Mathieu Pascal. Salut ! Ecoute… on est très fiers ! On a quasiment que des bons retours pour l'instant donc c'est parfait ! En ce moment, on est en tournée avec OBSCURA, SPAWN OF POSSESSION et EXIVIOUS donc on a l'occasion de jouer quelques titres de ce nouvel album et ça se passe plutôt bien.
MI. Comment définirais-tu cet album ? Quelles sont les principales évolutions par rapport à Process Of New Decline ?
Mathieu. C'est un album qui se situerait, pour ceux qui connaissent évidemment, entre Leading Vision et Process Of A New Decline au niveau du style. C'est à dire qu'il est très brutal, frénétique et dur par moments, avec tous les ingrédients du Death "classique", un peu comme peut l'être Process Of A New Decline... Mais il est aussi très progressif et mélodique, avec beaucoup de rythmes exotiques, des passages plus calmes et alambiqués, à l'image de ce qu'on a essayé de faire sur Leading Vision et sur notre EP, Transcendence. Je n'aime pas beaucoup l'idée de faire deux fois le même album, encore moins deux fois le même morceau, j'ai donc essayé de tirer la musique vers des choses que je n'avais pas encore osé faire, pour ne pas me marcher dessus. Au niveau du thème général de l'album, on a construit cette fois les textes autour d'un fait historique, au lieu du thème science-fiction qu'on avait développé jusque-là.
MI. Ce dernier album avait d’ailleurs été un très gros succès. Y a-t-il eu une forme de pression au moment de composer A Perfect Absolution ?
Mathieu. Oh oui ! On a été ravis d'avoir un si bon accueil pour Process Of A New Decline. A chaque sortie, on ressent beaucoup de pression. On aime prendre des risques musicalement, et veille à ne jamais faire deux fois le même morceau, donc on ne sait jamais vraiment quelle va être la réaction des fans, de la presse et des métalleux en général. C'était particulièrement vrai avec notre EP Transcendence, sur lequel il y avait deux morceaux acoustiques, un long morceau progressif de quinze minutes et une reprise de CYNIC. On est vraiment très loin de ce qu'on a l'habitude de proposer. On ne s'attendait pas à un tel accueil de la part du public, ça fait plaisir et c'est la preuve que nos fans ont l'esprit ouvert !
MI. La sortie de l’EP Transcendence avait-elle pour but de préparer au mieux l’auditeur à ce nouvel effort ou au contraire, est-elle simplement une exception dans votre discographie ?
Mathieu. Non, c'était une exception. En fait, le but c'était de faire un objet à part dans notre discographie, des choses qu'on aurait jamais pu intégrer à un « vrai » album. Je pense qu'on renouvellera l'expérience dans l'avenir, autant pour le défi musical ou artistique que ça représente que pour l'intérêt financier propre à l'autoproduction. Adapter des morceaux Death Metal en acoustique ou dans un tout autre style était vraiment très intéressant. Avec vraiment très peu de promo, faite sur Internet principalement, on a quand même réussi a largement rentabiliser la production du CD mais également à faire quelques bénéfices qui nous ont permis d'amortir les coûts des tournées, ce qui nous permet tout simplement de pouvoir continuer l'aventure aujourd'hui...
MI. Vous avez effectué une reprise de CYNIC sur cet EP. C’était quelque chose qui vous tenait à cœur ? Paul Masvidal est-il un exemple pour GOROD, non seulement pour son talent mais également pour ce qu’il a apporté au Metal technique ?
Mathieu. Musicalement oui. J'ai du écouter Focus un bon millier de fois et le suivant, Traced In Air, à peu près autant ! Comme tu dis, il a apporté beaucoup au Metal avec toutes ces influences Jazz-Fusion, ces arrangements épais, etc... A la base, cette reprise figurait sur un tribute à CYNIC qui n'est sorti que sur Internet dans un premier temps. On a pu rencontrer Paul Masdival et Sean Reinert en France en 2010, quand on a fait deux dates avec eux. On leur a alors demandé si on pouvait inclure cette reprise sur notre futur disque et après l'avoir écouté, ils ont été très enthousiastes et ont accepté de bon cœur.
MI. Peux-tu nous parler du départ de Guillaume et d’Arnaud et de leurs remplaçants ?
Mathieu. Guillaume et Arnaud sont partis peu après le Hellfest, en juin 2010, pour des raisons personnelles qui n'ont rien à voir avec la musique en fait. Tous deux avaient des problèmes personnels, de travail ou de santé qui n'étaient plus compatibles avec la vie du groupe. Comme tu l’as dis, on devait enchainer des dates et des tournées importantes les deux années suivantes et ils n'auraient pas pu nous suivre. Ils ont préféré laisser leur place pour ne pas nuire au groupe ou nous ralentir. Julien, que nous connaissions déjà de longue date parce qu'il avait déjà fait quelques remplacements pour nous, a de suite pris le relais à l'été 2010 pour notre tournée avec CATTLE DECAPITATION et BEYOND TERROR, BEYOND GRACE. Son intégration a été facile puisque c'est un gros travailleur qui connaissait déjà le groupe. En plus, sa voix était intéressante à nos yeux parce que plus variée et c'était ce qu'on aurait recherché pour GOROD. On voulait un chanteur qui puisse sortir de temps en temps du monotone et coller un peu plus aux différentes ambiances de notre musique.
On a choisi Nicolas après avoir testé deux ou trois autres guitaristes, tous très bons techniquement. On ne doutait pas que ce serait assez rapide de trouver des guitaristes capables de jouer notre musique mais on voulait surtout quelqu'un avec qui le courant passait bien, humainement, et en qui on puisse avoir une totale confiance. Nicolas, en plus d'avoir un jeu et un son irréprochable, a été celui avec lequel on s'est le mieux retrouvé, dès les premières répétitions. Il y avait cette complémentarité au niveau du son, cette espèce d'osmose et d'homogénéité qui faisait que la musique du groupe fonctionnait à nouveau. De plus c'est un gars très posé et responsable, en qui on peut avoir entièrement confiance. On a du mal à lui trouver des défauts en fait !
MI. Concernant Julien, la différence d’avec Guillaume est assez palpable. Avez-vous délibérément cherché à intégrer un chanteur qui évolue dans un registre différent ?
Mathieu. Complètement ! On ne voulait pas d'un clone de Guillaume, ça ne nous intéressait pas.
Tant qu'à faire, on cherchait plutôt un nouveau chanteur qui pourrait apporter un plus à la musique. Julien sait faire beaucoup plus de variations avec sa voix, se coller au mieux aux différentes ambiances, rendre le tout plus théâtral ou dramatique en quelque sorte… Je pense que nous avons fait un bon choix, quoi que certains puissent en penser…
MI. Comment fait-on, quand on s’appelle GOROD, pour écrire une bonne chanson ? Comment vient l’inspiration et comment avez-vous procédé pour l’écriture de ce disque ?
Mathieu. En général, je compose le morceau entier avec les deux guitares et une boite à rythme. J'essaie de prévoir quelques arrangements, des bouts de ligne de basse, etc... Certains ont mis plusieurs mois à aboutir comme "Carved In The Wind" que j'ai commencé assez tôt, genre début 2011, mais que j'ai réussi à terminer seulement quelques semaines avant d'entrer en studio. D'autres se sont presque écrit tout seul… Je pense à "The Axe Of God" par exemple, un seul après-midi a été nécessaire ! Ça dépend du type de chanson, de la structure en fait. Si je pars sur une structure simple style couplet-refrain, ça peut aller très vite, il faut juste gérer les transitions et trouver un passage central intéressant. Par contre, pour certains morceaux, je laisse un peu faire, c'est à dire que je ne vais pas chercher à tout de suite retomber sur mes pattes, mais plutôt à trouver des enchainements logiques pour faire évoluer le morceaux sur toute sa longueur, un peu comme sur "Varangian Paradise" ou "Elements And Spirit". Voilà, il n'y a pas vraiment de règles ou de process que j'utilise automatiquement, chaque titre amène sa propre méthode quelque part...
MI. Vous avez confié le mixage à Mobo du Conkrete Studio qui est également bassiste. C’est lui qui a choisi de donner autant de dimension aux parties de basse de Barby ?
Mathieu. Oui, il a fait un boulot formidable ! Il a vraiment le truc pour mettre en valeur la basse dans ses productions. La basse a été toujours importante à mes yeux, c'est elle qui assoit l'harmonie et la tonalité. On a toujours fait en sorte qu'elle se distingue, pas juste faire les riffs de guitare mais vraiment des parties originales qui complètent la batterie et la guitare, plus à la base des compositions. Mobo a su vraiment bien grossir cette basse et ça donne une dimension supplémentaire à notre musique sur cet album, c'est sûr.
MI. Un mot sur le concept de ce disque qui tranche un peu avec les thèmes de science-fiction des premiers albums ? C’est quand même assez inhabituel, d’où est venue l’idée et cette histoire représente t’elle quelque chose d’un point de vue symbolique pour vous ?
Mathieu. Julien est encore étudiant et son sujet d'étude porte sur les arts tchèques et les cultures slaves. Pendant ses recherches, il a voulu s'intéresser à la mythologie slave qui est en réalité un véritable palimpseste. Une des seules sources fiables qu'il a pu trouver est la Chronique de Nestor, qui est une compilation des faits historiques de la Rus’ de Kiev jusqu'en 1113. Le premier épisode qui l'a vraiment fasciné est celui de la "Vengeance d'Olga". Celui-ci se déroule entre 945 et 947 après Jésus-Christ et fait figure de concept dans ce nouvel album. En effet, chaque texte raconte un moment précis de tout le plan qu'Olga a établi afin de venger son mari, Igor, le roi de Kiev, tué par des peuplades Païennes. Malgré une fidélité notoire à l'Histoire, on trouve dans les huit textes une certaine part d'interprétation personnelle. Le titre “A Perfect Absolution” a plusieurs significations et reprend toutes les idées développées dans le concept. Il traduit les différents thèmes abordés qui sont l'annihilation totale d'un peuple par pur souhait de vengeance, l'utilisation des quatre éléments (même d'un cinquième) et la reprise de rituels scandinaves dans les différentes étapes de mise à mort, et enfin le rachat par la conversion d'Olga au Christianisme Orthodoxe. Cette véritable femme fatale est en réalité le symbole du début de la christianisation des peuples russes. Plutôt amusant n'est-ce pas ?
MI. Avez-vous le sentiment qu’avec ce disque, vous avez franchi un palier ? Peut-on parler de l’album de la « consécration » pour vous ?
Mathieu. Je ne pense pas vraiment que ce soit qu'une histoire de disque... On sent que le groupe "grossit" petit à petit… On commence à faire des bonnes tournées qui servent vraiment GOROD. C'est cela qui nous fait connaitre finalement du plus grand nombre, en plus du boulot de promotion de qu'effectue Listenable pour la sortie de l'album. Là on est allé dans toute l'Europe promouvoir ce nouvel opus et on voit bien qu'il nous reste encore beaucoup de travail ! Beaucoup de gens nous ont découvert à l'occasion de cette tournée et ont du coup eu une très bonne surprise !
MI. Vous êtes désormais en pleine tournée européenne avec OBSCURA et SPAWN OF POSSESSION. C’est un passage obligé pour GOROD ? Quelles sont vos principales attentes au moment d’effectuer ces séries de concerts ?
Mathieu. Comme je disais, le but pour nous c'est de faire connaitre un maximum GOROD. C'est le meilleur moyen. En un mois, on balaie tout le continent, on est passé dans des pays où on n’était encore jamais allés et où personne ne nous connaissait. Je pense par exemple à Vienne en Autriche. A l'ouverture des portes, les gens se sont rués sur le stand d'OBSCURA en boudant le notre... A la fin de notre show, tout le monde est venu nous voir pour nous saluer et nous féliciter, je crois que ce soir là, avec Paris également, on a fait notre plus grosse soirée merchandising ! On ne s'attendait vraiment pas à ça... Ça fait vraiment plaisir de "conquérir" des nouveaux pays comme ça. Je me dis qu'il faudrait en faire encore plus parce que c'est vraiment gratifiant de pouvoir partager sa musique et échanger autant avec le public !
MI. A votre retour, avez-vous déjà une idée de la suite des évènements. La composition d’un cinquième opus est-elle déjà à l’étude ou c’est encore un peu tôt ?
Mathieu. Non, il n'y a rien de commencé jusqu'à maintenant, je pense que je vais me remettre à écrire cet été, quand la promo de l'album se sera un peu tassée. Peut-être aussi qu'on sortira un EP dans le même esprit que Transcendence, rien n'est décidé, mais j'aime bien le principe, ça nous fait faire d'autres choses… Mais je pense qu'un nouvel album sera prêt pour 2014 !
MI. Un mot également sur cette formidable expérience qu’a été votre participation au Maryland Deathfest de 2010 ? Quels sont vos principaux souvenirs ?
Mathieu. 2010 était la deuxième fois où l'on participait à ce superbe festival, on avait déjà nos repères quoi (rires) ? Cette année là, on a joué sur une des deux scènes extérieures, qui n'y étaient pas en 2007, lors de notre première venue. C'était excellent ! On a rencontré des gars qui venaient de Seattle ou du Canada pour juste nous voir ! C'était super sympa ! On logeait dans un hôtel cinq étoiles rempli de métalleux, c'était la fête pendant les 3 jours, un très bon souvenir ! En plus, on était aux USA depuis déjà 2 semaines, on a fait quelques dates à Chicago, Milwaukee, New-York et même un direct live dans une radio du New Jersey ! A chaque fois, c'était drôle de constater que tout le monde connaissait GOROD et nous plaçaient au même rang que des grosses pointures américaines, nous les p’tits français du sud-ouest !
MI. Que peut-on souhaiter à GOROD pour l’année 2012 ?
Mathieu. Des tournées, des bons plans, plus de galères et d'escroqueries, du succès, un gros voyage aux USA, au Canada et pourquoi pas sur les autres continents !
MI. Merci infiniment pour m’avoir accordé de ton temps et ces quelques réponses. Bonne continuation à vous pour la suite de l’aventure et excellente réussite pour A Perfect Absolution. Les derniers mots te reviennent.
Mathieu. Merci à toi pour ton support ! Et merci à tous ceux qui sont venus sur les dates françaises de cette tournée, c'était vraiment la foire, on apprécie ! Continuez donc !
Ajouté : Mardi 22 Mai 2012 Intervieweur : Stef. Lien en relation: Gorod Website Hits: 14752
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