Au royaume des âmes impies, THE SECRET porte bien son nom. Secret, ce groupe italien l’est, assurément. On sait très peu de choses à son sujet. Certes, on a beau avoir à portée de main le détail de sa discographie ou encore sa provenance géographique, c’est surtout sa musique qui est bordée de mystères. J’ai découvert ce groupe il y a seulement quelques semaines, en écrivant avec un retard inacceptable pour leur troisième album, le génial Solve Et Coagula. Le hasard a voulu que son successeur, Agnus Dei sorte dans la foulée. Et conformément à ce que j’ai pu remarquer, nos Italiens ne sont toujours pas expansifs quant à leurs œuvres, se gardant bien de dévoiler l’essence de leurs arcanes. Sur fond de symbologie, de références (anti-)religieuses, d’allégories et de sous-entendus, ce nouvel effort lance une nouvelle chasse à l’homme, peut-être la plus risquée de toutes. Agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde, prends pitié de nous.

Hélas, aucune prière, aucune incantation divinatoire ne pourra nous sauver de ce triste sort. THE SECRET est un grand groupe, qui jongle avec les certitudes, qui bouleverse les codes, au point de se risquer à une sortie contenant 60% de Black Metal, 30% de Grindcore et 10% de folie. L’équilibre était parfaitement marqué sur le précédent opus. Mais ça, c’était avant. Peut-être inspiré par le lent déclin de ce monde, les Italiens ont fait le choix d’assombrir leurs compositions, délaissant un peu l’hyperactivité du Grind au profit de structures ouvertement orientées vers le Black Metal. Finalement, il n’y a que la durée éclair de ces morceaux qui évoquent vraiment les reliefs Crust de Solve Et Coagula. La saturation excessive des guitares, les distorsions plaintives, les rythmiques effrénées, la voix possédée de Marco, tout le reste s’inscrit dans un registre Black pur et dur, parfois lancinant (« Heretic Temple »), parfois caricatural (« Darkness I Become »). Mais globalement abouti. Je trouve le pari risqué, car THE SECRET avait forcément conscience qu’en ôtant de sa musique une telle part de spontanéité, ils risquaient de rentrer dans le rang. Mais il n’y a guère plus de doute à présent, le quartet va probablement continuer à s’enfoncer dans cette noirceur, qui évoquera très certainement à bon nombre d’entre nous la détresse d’un excellent groupe de Black dépressif, comme le fut naguère leurs compatriotes de FORGOTTEN TOMB. Légèrement plus posé, moins têtu, Agnus Dei contient également son lot de fulgurances visant à maintenir un suspens illusoire. Je pense à « The Bottomless Pit », tellement violente et chaotique après dix minutes d’un Black hypnotique qu’elle réveille de vieilles douleurs. Conformément à leur réputation de groupe visqueux et imprévisible, THE SECRET n’oublie pas d’appuyer là où ça fait mal aux moments opportuns et c’est dès lors un nouveau charme qui opère. Les Transalpins ont le vice dans la peau, ils désorientent totalement l’auditeur, perdu dans une cacophonie loin d’être innocente. Le contraste entre exubérance et réflexion présent sur Solve Et Coagula s’est totalement dilué au profit d’un Black Metal moderne, nuancé de « Core » qui sait précisément où il va. Rien n’est laissé au hasard, et les plus patients d’entre vous auront droit à une ultime décharge d’adrénaline avec une piste cachée radioactive qui agit dans la pénombre de « Seven Billion Graves ».

Ce quatrième album nous fait définitivement perdre la tête. Différent de son grand-frère mais toujours aussi paradoxal, il achève de nous convaincre que THE SECRET est un animal à sang-froid, bourré de chromatophores qui lui permettent de se fondre dans le décor et de faire agir son venin avec la plus grande discrétion. Il y a des frissons et des sueurs froides. Deux signes qui ne trompent pas. On n’en attendait franchement pas moins de leur part.