Un véritable opéra dans ton salon. J'aime l'alternative que propose MELTED SPACE. Rester coincé quatre heures dans un fauteuil à écouter des Castafiores s'imaginer qu'elles fouleront un jour les planches de Broadway m'emmerde profondément. Alors le retour du projet de Pierre Le Pape sur le devant de la scène est une bonne nouvelle, car il nous assure que "Dante's Memory" qui clôturait le deuxième livre de la dilogie From The Past ne marquait qu'un entracte et non pas la fin d'une représentation qui méritait les quelques applaudissements reçus. Avec Between, MELTED SPACE propose un intermédiaire cossu et parfaitement orchestré, tout en préparant le terrain en vue d'un deuxième album qui, s'il suit la progression de ses prédécesseurs, n'en sera que plus majestueux. Au casting de ce nouvel acte, organisé dans une forme beaucoup plus sobre et réduite, on retrouve une certaine Liv Kristine dans le rôle de la louve She-Wolf, Black Messiah de SETH pour jouer Romulus, Emmanuel "El Worm" Levy (WORMFOOD) dans le costume de son frère Remus et Ashmedi (MELECHESH) pour interpréter Janus, Dieu romain de l'Alpha et de l'Omega. Pour ainsi dire, c'est un starring vraiment complémentaire qui nous a été concocté par Pierre Le Pape et Dieu sait que dans sa quête de virtuosité, cet homme sait mettre les petits plats dans les grands.

Toujours très orchestrale, toujours très structurée, l'œuvre de MELTED SPACE redémarre par une instrumentale cinématographique où flirtent guitares et batterie avec une ambiance de péplum. "Dying Legend" brise cet élan en retombant dans quelque chose de plus martial, de plus Metal, fort de l'intervention d'une Liv Kristine rôdée à ce type d'exercice. Loin d'être dans un rôle de composition, la belle nimbe ce premier titre de nuances bleutées qui émanent de son timbre cristallin et polaire, au point de nous faire totalement oublier l'esprit guimauve de ce morceau. Mais c'est de bonne guerre, et en parlant de guerre, l'enchainement entre "Si Vis Pacem..." et "... Para Bellum" ("qui veut la paix prépare la guerre") sera assurément le point culminant de cette très courte pièce. De subtils pianos viennent ouvrir la partie "paix" avant un dialogue engagé entre El Worm, à la voix puissante et pénétrante, et Black Messiah, dans un registre plus agressif, plus malveillant. Ces deux se retrouvent également dans la partie "guerre", en soutien d'un morceau épique et percutant, loin, très loin des atmosphères sirupeuses que laissait envisager "Dying Legend". Enfin, après une nouvelle instrumentale, "Welcome To This World" vient parachever l'affaire en introduisant enfin le grand Ashmedi dans le jeu. Sa présence donne un ultime coup de fouet à Between alors que Liv Kristine réapparait promptement pour distiller ses dernières vocalises. L'EP s'achève ainsi, en apothéose, et plutôt de d'évoquer trop longtemps les bonus du CD (une version acoustique de "When I Was A God", une autre de "Dante's Memory" et une dernière, un "orchestral mix" de "War For The World") qui n'ont pas de vrai rapport avec la scène qui vient de se jouer, je préfère parler d'Adrien Grousset (HACRIDE) qui s'est parfaitement fondu dans son rôle discret de guitariste, de Brice Guillon (basse) pour qui la remarque est la même ou de Michael Saccoman (ex-KRONOS) qui a fait parler son explosivité et son expérience derrière les futs.

Pour finir, un merci tout particulier à Pierre Le Pape, le pape de l'Opéra Metal, l'Hans Zimmer de l'extrême, pour l'ensemble de sa récente œuvre. J'avais tilté, à l'époque du Dread Sentence d'EMBRYONIC CELLS (ou peut-être même dès Black Seas) que ce garçon, qui était à l'époque un simple claviériste pour un groupe de Death / Black troyen, avait de l'or dans les doigts. Mais ce n'était réellement rien comparé au travail de composition, d'écriture, d'arrangement, de production qu'il réalise pour MELTED SPACE. Sans jamais concurrencer From The Past, ni sur la forme, ni sur le fond, Between lui succède dans la plus grande intimité d'une salle d'opéra dévastée par des dieux colériques. On avait pourtant préparé la guerre.