De cette pochette édulcorée, personne n'a l'air réellement absent. Les forains se mêlent joyeusement au bas peuple dans cette ambiance carnavalesque et pétillante qui résume assez bien le titre de ce drôle d'album qu'est Carnivalia. Œuvre du groupe VIZA, ce full-lenght est accouché dans l'insalubrité, sans césarienne, car c'est tellement plus Punk et que ça résume fort bien l'univers grandiloquent et déjanté de ce big-band de Rock américain. Big parce que composé de sept membres, et ce depuis le hiatus de Jivan Gasparyan Junior, joueur émérite de duduk et de zurna. Si vous ne connaissez pas ces instruments, vous allez les découvrir via cette œuvre, mélange audacieux d'éléments Rock classiques (deux guitares, une basse, une batterie) et de touches folkloriques, comme cet oud qui revient fréquemment moucheter la personnalité de ces quelques compositions. A ceux qui considèrent la musique comme un voyage, je pense qu'ils seront forcément touchés par le registre de VIZA qui, j'ai beau avoir creusé, ne se rapproche d'aucunes conventions.

Pour autant, difficile d'entrer dans cet opus en refusant de participer à cette fête qui s'articule autour d'ambiances paysannes, de vagues folkloriques, d'intonations un peu manouches et de ces entourloupes qui veulent vous vendre votre bonne aventure. Il faut y aller l'esprit léger, comme si on s'apprêtait à monter dans une grande roue et dévorant une barbe à papa. Je sais, le tableau est d'une niaiserie absolue, mais c'est tout le charme dépeint par un groupe aussi extravagant que talentueux. Je veux dire par là que tout s'enchaîne avec une fluidité inespérée pour le style. Après, l'impact que ce concept aura sur vous dépend de votre ouverture d'esprit. Pour ma part, je dois bien avouer que j'ai eu du mal à me reconnaître dans cet univers. J'ai presque honte d'avoir pensé au "Birdin' Surf" des TRASHMEN à l'arrivée d'"Everybody Wants Money !". Tout se déroule dans une ambiance bon enfant, flirtant parfois avec la fourberie ("Things Ar Awkward"), parfois avec le risque encouru par le funambule de rue ("Hourglass"). Plus le disque déroule, plus les structures qui nous sont généralement familières s'estompent. Les riffs deviennent aléatoires, très alternatifs et les rythmes partent dans tous les sens, rappelant au mieux la débilité cotonneuse d'un SYSTEM OF A DOWN. Au vu des origines arméniennes de certains membres de VIZA ainsi que de leur affiliation avec la structure de management tenue par Serj Tankian, on se dit que cette connexion n'est pas forcément innocente. De cette expérience glucosée et, il est vrai, un peu lourdingue, on retient davantage l'effet d'amusement que l'intérêt strictement musical. Carnivalia est un divertissement, un spectacle qui a du mal à prendre de l'ampleur sur CD mais qui doit être d'une grande efficacité en live. Aucune composition ne se démarque réellement, chacune tablant sur sa propre énergie et ses propres arrangements pour retracer un parcours sinueux sous un chapiteau. Du coup, sans son pendant visuel, la musique bariolée de VIZA semble parfois tristounette, ce qui ne devrait logiquement pas arriver.

Les Américains ont un univers qui leur est propre, une idée que personne ne semble exploiter mieux qu'eux. C'est réellement décevant de tomber sur un album aussi singulier et de ne pas en profiter pleinement. Pour une raison obscure, Carnivalia manque d'adresse mais aura au moins le mérite de vouloir nous faire découvrir VIZA scéniquement, histoire d'avoir un aperçu du dépaysement évident que propose ce projet d'une réelle originalité.