Les italiens ont toujours eu une façon bien particulière d'appréhender le Hard Rock sous toutes ses formes. Ne voyez aucune connotation péjorative dans cette déclaration, car mes intentions sont louables. Je veux au contraire affirmer que grâce à une approche très spécifique, dont la raison m'échappe d'ailleurs, les groupes transalpins ont toujours réussi à proposer une musique très riche, très atypique, et chaque style qu'ils ont abordé s'est retrouvé métamorphosé pour donner naissance à une expression nouvelle. Les exemples sont légion. BULLDOZER, DEATH SS, EVOL, SADIST, et la liste est loin d'être exhaustive...

A cette énumération volontairement tronquée, vient aujourd'hui s'ajouter le nom étrange de HUMM, one piece band italien qui nous propose aujourd'hui le fruit de ses premières réflexions, No Empathy Before Doomsday. A l'énoncé du titre de l'oeuvre, celles ci semblent claires, et un simple coup d'oeil à la pochette ne fera que les confirmer. HUMM évolue en effet dans le registre très restreint du Post Black, ou Black atmosphérique selon votre humeur, et si l'affaire s'arrêtait là, elle ne ferait pas grand bruit. Mais elle prend des proportions assez intéressantes de par la volonté de son auteur de ne pas se cloisonner dans un petit monde, et de rester perméable à toutes sortes d'influences, aussi disparates que complémentaires.

HUMM, résumons le définitivement, est le jouet de Fabio Gatto, son porte voix, son vecteur d'expression. L'homme est responsable d'absolument tout à bord, de l'interprétation à la production, en passant par le mixage, et même le graphisme de la pochette, tout à fait réussie cela dit. Si cette volonté autarcique est monnaie courante dans le créneau fermé du Black, elle résulte la plupart du temps d'une volonté minimaliste, voire nihiliste, qui confère à l'ensemble de ses productions un caractère monolithique assez répétitif. Et la différence entre Fabio et "les autres", est que sa musique, loin d'atteindre les sommets de claustrophobie morbide de ses confrères, prend des atours presque guillerets, ce qui parait un comble au vu de la démarche musicale choisie. Oubliez toutes vos idées préconçues sur le Post Black, Fabio vous propose un voyage unique au coeur de son psyché, de ses émotions, et de ses sensations, et force est d'admettre que le périple est vraiment sympathique !

Car si le son global de l'album, très sec et aride, apporte une homogénéité indéniable aux chansons, ces dernières s'autorisent à peu près toutes les citations et les emprunts, mais sans pour autant partir dans tous les sens. Point de foutoir ici, de la diversité ! Et après une introduction tonitruante, aussi emprunte du charme désuet de VENOM que de NOCTURNUS, nous voilà plongé la tête la première dans l'univers bigarré de Fabio. Dès le premier morceau, "Poseidon", le cadre est posé. Fabio alterne des passages en blast aux guitares décharnées dignes du BURZUM des grands jours, des séquences évoquant la scène nordique de la fin des 90's, SOILWORK et AT THE GATES en tête, avant de partir en vrille dans un Heavy de tradition, presque échappé des années 80, au sonorités délicatement vintage. Le tout en un peu plus de quatre minutes, et sans tomber dans la pochade.
On pourrait croire à une volonté d'accrocher l'auditeur par des parfums peu communs, mais il n'en est rien. Chaque titre de ce disque fait preuve du même désir de multiplicité des climats, et de fait, aboutit à un résultat unique, que l'on ne rencontre que peu souvent.

Autre exemple de ce melting-pot improbable, "My Brother's Light", qui varie constamment, chipant des rythmiques à MANILLA ROAD (si, c'est possible !), des mélodies à HELL, des breaks à MAYHEM, pour construire une progression fabuleuse s'achevant en apothéose, aussi harmonique que puissante. Le moins que l'on puisse dire est que l'homme est créatif !
Il n'hésite d'ailleurs pas à parsemer son travail d'éclairs acoustiques tranquilles et apaisants qui redynamisent l'écoute, à l'instar du serein "Kintsugi" dont les cordes évoquent plus volontiers les fjords que les Alpes, ou le court intermède, "Doden Og Livet", et ses quarante huit secondes de calme.
Et si "Blank Premonition", après sa fausse amorce de vinyle et ses guitares estampillés NWOBHM est ce qui se rapproche le plus du Black traditionnel, le long final lancinant "Autumn" recolle enfin les wagons de HUMM au train du Post atmosphérique, distillant pendant plus de sept minutes une atmosphère hivernale - en dépit de son intitulé - aux guitares grasses et sursaturées, collant à une batterie rachitique bloquée sur un mid tempo, et une basse décharnée.
Exemple parfait de morceau progressif répétant le même motif à l'envi, "Autumn" est pourtant la plus parfaite conclusion que pouvait écrire Fabio pour valider son projet. Si le reste du disque est en effet placé sous le signe de l'éclectisme, cette clôture unidimensionnelle s'achevant sur un pied de nez abrupt donne une ampleur particulière au travail accompli, et le découvre sous un jour nouveau, nous renvoyant à l'intro en une boucle sans fin.

Certes, l'effort n'est pas exempt de défauts, et si la plupart des tentatives de Fabio font mouche, certaines font preuve d'une naïveté assez touchante, dans le sens où elles restent encore un peu trop directes dans les influences. Mais je suis sur qu'il saura gommer ces petites imperfections avec le temps. Il n'en reste pas moins que No Empathy Before Doomsday est un premier jet diablement attachant, qu'on écoute avec un réel plaisir, pour son refus des conventions et des us si restrictifs du Black. Un peu comme si un obscur combo de la fin des années 70 avait anticipé tous les débordements des années 90 avec un peu d'avance, à l'instar de BLIND ILLUSION dont le The Sane Asylum fleurait bon le Thrash psychédélique anachronique.

Bienvenue à toi Fabio, et à très vite pour la suite de tes aventures.