CYNIC (usa) - Kindly Bent To Free Us (2014)
Label : Season Of Mist
Sortie du Scud : 14 février 2014
Pays : Etats-Unis
Genre : Jazz / Rock progressif
Type : Album
Playtime : 8 Titres - 42 Mins
On l'espérait. Ou plutôt, non, on ne l'espérait plus. La vie nous a enseigné que pendant 21 trop longues années, on avait tort d'attendre quoi que ce soit venant de CYNIC. Comme si le temps s'était arrêté depuis Focus, la pierre angulaire qu'on ne retrouve plus et inversement, qu'on appréhende de retrouver. Comme si on préférait que Masvidal crève la gueule ouverte plutôt que de nous décevoir. Les sensibilités parleront. Traced In Air en 2008, les EP Re-Traced en 2010 et Based-Carbon Anatomy en 2011, dont j'ai la curieuse impression de réécrire l'introduction. Autant d'efforts qui ont parlé en défaveur des puristes et qui ont plaidé pour les esprits avant-gardistes isolés. Le débat sur le génie, il est là, et il revient sur le tapis à chaque fois que le nom de CYNIC refait surface. On a connu pires périodes et je ne vous épargnerai donc pas ce chiffre. Le treize. Treize années d'un absentéisme discutable, en considérant que la vie artistique de ces Américains s'est arrêtée juste après la sortie de Focus. Tout le reste n'est peut-être qu'un détail, de la reformation en 2006 à ce Kindly Bent To Free Us de 2014. Mais en attendant, CYNIC est un groupe vivant, qui, après avoir orchestré sa propre near-death experience, peut continuer à susciter débats, vivats, interrogations, volées de bois vert, soulèvements populaires et émulations. Et ce troisième full-lenght, oh oui on l'espérait, et on espérait surtout qu'il ne déroge pas à la règle.
Hélas, après maintes écoutes répétées, attentives, sous LSD et sans caféine puis inversement, l'épilogue qui se dessine est sensiblement le même. L'encre que fera couler Kindly Bent To Free Us, c'est celui de l'indifférence. Car à l'inverse de Carbon-Based Anatomy, de ses formules lascives, de ses cambrures suggestives, ce disque me laisse profondément insensible. C'est parfois délicieusement régressif de bander mou, sauf qu'ici, l'impuissance semble à distance d'une giclée vigoureuse. Les Floridiens commencent par faire ressurgir le spectre strident du "Threnody For The Victims Of Hiroshima" de Penderecki durant les premières secondes de "True Hallucination Speak". On croit effectivement rêver, sauf que la présence de CYNIC va devenir progressivement alarmante et virer non pas au cauchemar, mais au songe gênant qui vous fait crier le nom de votre maitresse dans le lit conjugal. Focus ! Focus ! Les yeux ouverts, ce sont les formes perturbantes de Kindly Bent To Free Us qui ronronnent à côté de vous, tel un jerricane d'essence dans lequel infuse tranquillement un thé aux arômes Pop / Jazz / Lounge / Fusion. Fruité, gourmand, relaxant, mais pas franchement à la hauteur des génies créatifs de Masvidal, Reinert et Malone. Ces trois là explorent l'intimité épurée d'une pièce vide au travers d'un Rock progressif et planant constellé d'influences toxiques. Et quand on croit enfin retrouver un peu de vitalité, au détour du riff orgueilleux d'"Infinite Shapes", c'est finalement le fantôme de Steven Wilson qui vient rôder et qui, de sa présence spectrale, fait basculer ce morceau dans un ersatz de Rock psychédélique et expérimental. Parmi les rares réussites ; "Gitanjali", qui renoue avec une structure plus "Metal". Evoquons aussi "The Lion's Roar", aux accents Pop non-négligeables qui la rendraient presque easy-listening. Sauf qu'on parle là de CYNIC et pas d'un vulgaire groupe d'illuminés cocaïnomanes qui, tout en balançant deux accords de Free Jazz, se prennent pour de respectables esprits. CYNIC, avec pour commun de dénominateur de sa/ses musique(s) le progressisme, à toujours plus ou moins véhiculé une forme de sérénité, de maitrise des éléments, de confort, loin du kitsch impénétrable de Kindly Bent To Free Us, un album invalidant l'idée selon laquelle plus c'est compliqué, plus c'est populaire. Non, ce disque est simplement ramollo, et s'il a pour vocation d'être introspectif, il ne le sera que pour ses trois créateurs, qui peuvent se fendre d'un bon délire mais d'un délire qui, cette fois, ne concernera vraiment personne.
Trois jours dans une vie. Les trois jours les plus importants de ta vie.
13 septembre 1993.
17 novembre 2008.
14 février 2014.
Au cours de ses 5475 jours d'existence, CYNIC n'en aura vraiment vécu que trois.
Quel gâchis de finalement comprendre que ce dernier n'aura pas été savouré pour ce qu'il représente. Quel gâchis de finalement comprendre que Kindly Bent To Free Us ne fait pas honneur à la sulfureuse réputation de ses deux grands frères, et qu'il donne raison à ceux qui militent depuis leur "retour" pour un changement de nom. J'aurais peut-être été berné par la douce décadence de Carbon-Based Anatomy, mais je ne regrette pas cette fatalité.
Ni ce jour, car il aura été celui de ma 1000ème chronique pour Metal-Impact.
Je pense à vous sans vous nommer, inestimables collègues d'écriture. Merci.
Ajouté : Dimanche 24 Août 2014 Chroniqueur : Stef. Score : Lien en relation: Cynic Website Hits: 9376
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