Si Hans Christian Andersen avait écrit ses oeuvres fabuleuses (dans le sens premier du terme, "fables", "contes de fées") à notre époque, après avoir pris en compte la situation musicale de son pays natal, ses histoires se seraient à n'en point douter assombries, au point de perdre tout leur caractère merveilleux. Nous connaissons du Danemark Lars Ulrich, bien sur. Mais derrière cette figure de proue qui a émergé il y a maintenant des décennies, existe une scène active, qui se retrouve dans des valeurs établies par la frange Hardcore US menée par MINOR THREAT et toute la clique du Straight Edge.

Parlons aujourd'hui d'un de ses représentants. NO FEALTY (aucune loyauté en VF) s'est formé en tout début d'année 2012, et comprend dans ses rangs en 2015 Tobi, Morten, Søren, Jon et Jakob. Nous venant de la belle ville de Copenhague, ils ont précédemment sorti un LP en 2013, In the Shadow of the Monolith qui valait déjà son pesant de décibels. Comme l'indique leur courte bio, ils s'intéressent "à la musique puissante, abrasive et rapide, à la politique, au DIY et aux gens cool". Et gageons qu'avec ce nouvel EP en poche, ils vont en attirer pas mal dans leur sillage.

La musique présentée sur They Love the Soil Which Makes Their Graves est à l'image de son titre. Sans compromis, sans illusion, sombre, développée sur des morceaux de durées diverses allant de deux minutes et quelques à quelques secondes. Le son épais, aussi rugueux qu'une feuille de papier de verre grain 120, donne une dimension assez particulière aux guitares qui tailladent dans le vif comme une vieille lame rouillée dans les chairs. Le chant véhément est mixé très en arrière, comme un écho de rage lointain, tandis que la rythmique abat un boulot de fou, plaçant la basse à une hauteur lui permettant de résonner comme un poumon central. Musicalement, le quintette Danois pioche un peu où il veut, du Crust au D-beat, en passant par quelques touches de Grind, voire même parfois de Sludge vite dynamité par des accélérations dantesques et suffocantes.

Il est assez rare qu'un morceau se contentent d'un thème, d'un tempo, et l'alternance entre les tronçonnages Crust et les ramassages Heavy est particulièrement bien senti, car il offre à tous les titres une dynamique indéniable qui varie les ambiances sans tomber dans l'hétéroclite éparpillé. Sans vouloir à tout prix trouver une cible, je préciserai quand même que le porte drapeau de cet EP est sans conteste l'impressionnant "Deserter", qui fait montre d'une angoisse presque palpable à travers les cris de son chanteur, accentués par des parties de guitare aplaties à l'extrême, trouvant même des accointances avec le Post et l'ambient pour ce malaise qu'il dégage. Mais "Dethroner" n'est pas loin derrière avec sa montée lourde progressive qui éclate de tout bord sous les coups de boutoir Crust l'emmenant à son terme.

Si le format court vous sied plus volontiers, jetez vous sur les virulents pamphlets "Trails Of The Dead/Trails Of The Living", dégoulinant de haine, "Partition" qui commence dans un chaos brut avant de s'empaler sur des riffs secs et une gueulante bien grave, ou "The End Of War" qui termine le disque comme il avait commencé, dans une débauche de violence incontrôlable et pourtant maîtrisée.

La petite sirène d'Andersen aurait bien du tracas à se faire si elle voyait le jour aujourd'hui... Mais après tout, il faudrait bien qu'elle envisage la vie telle qu'elle est, et elle pourrait compter sur NO FEALTY pour lui donner quelques conseils avisés. Aimerait elle cette terre dont nous faisons nos tombes pour autant ?
Je ne sais pas, mais à coup sur, elle se débrouillerait bien toute seule et deviendrait peut être... Cool.