Pas de line-up renseigné, pas de tracklisting défini, pas de liens Internet disponibles. Manifestement, REGNANT AND THRALL fait tout pour se faire le plus discret possible. Réserver sa musique à une élite, c'est désormais un concept, appliqué de façon paradoxale par ce projet français qui a quand même jugé intéressant d'envoyer son premier full-lenght à la presse, dont nous faisons heureusement partie, sans quoi relever cette singularité eut été impossible. Car REGNANT AND THRALL est profondément enfoncé dans le sous-sol français, à tel point que si lui viendra à toi, l'inverse semble tout à fait improbable. La connaissance est un privilège réservé aux sages. Sommes-nous assez sages pour pouvoir comprendre la richesse spirituelle de Sex Polizei ? Sommes-nous dignes de ce Black Metal ésotérique, mystique et enivrant ? Voilà l'objet de l'épreuve qui nous attend aujourd'hui.

Faisant étalage d'une poésie que j'applique moi-même parfaitement après quelques verres du plus digne Campari de cette Terre, d'une réflexion perdue entre nihilisme et Feux de l'Amour, d'un penchant romantico-SM qui n'est pas sans évoquer The Last Dance d'EIKENSKADEN (avec cette photo d'un cul suspendu les fers en l'air à une croix de Saint-Pierre), Sex Polizei représente le Black bobo par excellence, celui qui intellectualise tout, qui construit les preuves de sa culpabilité, lézardant une musique extrême par définition de symboles en tous genres : égyptiens ("Asar un nefer"), énochiens ("Lzinopo", "Aczinor", "Liiansa"), nordiques ("Fylgia"). Autant de termes mythologiques qui alimentent la confusion d'un one-man band capable de vivre d'amour et d'eau culte. Quant à la musique, elle entretient la flamme de perplexité qui vrille en nous sans jamais menacer de s'éteindre. REGNANT AND THRALL compose à partir d'un Black Metal de la plus pure tradition scandinave sur lequel viennent se greffer d'improbables nuances lumineuses : le synthé façon coucher de soleil sur "L'accompagnatrice", le combo voix Death + rythme catchy sur "Evanouis Dans Le Néant", l'inévitable rupture acoustique sur "The Modern Man Is Dust", j'en passe, et volontairement, tant Sex Polizei accorde du crédit aux effets les plus insupportables qui démystifient l'idée classique qu'on se fait du Black Metal, si tant est que ce style musical puisse un jour être clairement défini. Malgré ça, j'ai pour conviction que cet opus, aussi forain et sinistre soit-il, n'est pas entièrement délesté de quelques qualités. REGNANT AND THRALL se mélange les pédales, c'est une évidence, et sa tentative de composer un Black Metal 2.0 est un relatif échec, mais pour peu qu'on puisse apprécier un Black N' Roll des bosquets humides constellé de pianos endiablés ("Equilibrium"), à déguster en queue-de-pie avec en main un Château Margaux charpenté, alors, peut-être qu'éventuellement, il se pourrait que, par le plus grand des hasards cosmiques, vous puissiez au détour d'un aléa imprévisible, manifester l'ombre d'un coup de foudre pour Sex Polizei.

Sinon, passez votre chemin et laissez vaquer REGNANT AND THRALL à sa cogitation frénétique, qui aura accouché en 2003 d'un unique album égaré entre le faste d'un Black Metal pompeux et le pseudo confort amoureux de situations liées au cuir, au martifouette et aux culs mouchetés de cire fondue. Alternativement, allez sur YouPorn, tapez "fetish submission punishment" et faites dérouler un vieux ANOREXIA NERVOSA. Le résultat est peu ou prou similaire.